Accueil > Communiqués et textes des syndicats, coordinations, associations, sociétés (...) > 25 sociétés savantes adressent une lettre ouverte à Madame Geneviève Fioraso, (...)

25 sociétés savantes adressent une lettre ouverte à Madame Geneviève Fioraso, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et à Monsieur Vincent Peillon, Ministre de l’Éducation Nationale, 17 novembre 2012

lundi 19 novembre 2012

Dans le cadre de la réflexion sur la formation des enseignants, les présidents de vingt-cinq sociétés savantes ont adressé le 17 novembre à la Ministre de l’Enseignement Supérieur, Geneviève Fioraso, et au Ministre de l’Éducation Nationale, Vincent Peillon, une lettre ouverte sur les formations de master et le concours du CAPES. Les enjeux de ce texte concernent d’une part, les principes intangibles de la formation et du recrutement des enseignants, et, d’autre part, le format du CAPES sur deux ans, avec admissibilité en M1 et admission en M2 (schéma dit "transitoire" du concours 2013-2 / 2014-A).

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

Nous nous adressons à vous dans le cadre de la concertation sur la refondation de l’école, pour la question de la formation des enseignants. Conscientes du contexte tendu que connaît actuellement notre pays en raison du manque de candidats à de nombreux concours, notamment du CAPES, les sociétés savantes que nous présidons souhaitent vous rappeler brièvement les points essentiels de la formation des enseignants, et plus particulièrement des futurs certifiés, et vous faire part du résultat de leur réflexion sur le dispositif transitoire lié à la session des concours 2013-2 (ou 2014-A).

En premier lieu, il nous semble essentiel de rappeler certains principes intangibles pour nos sociétés :

- Maintien des concours nationaux de la fonction publique d’État, garants de l’équité du recrutement et du statut de fonctionnaire.
- Maintien des épreuves disciplinaires des concours, d’un haut niveau d’exigence. La maîtrise de la discipline que les futurs professeurs enseigneront doit être solidement éprouvée.
C’est en outre le garant d’une possibilité d’évolution dans la carrière d’enseignant.
- Maintien de l’ouverture des concours à tous les candidats du niveau requis, sans obligation d’inscription en master enseignement.
- Respect des volets de formation disciplinaire, épistémologique, didactique et pratique au métier d’enseignant, incluant l’initiation à la recherche.
- Respect du caractère universitaire de la formation des enseignants à travers des masters au contenu disciplinaire clair, garantissant une attractivité nécessaire à la reconstitution d’un vivier d’enseignants tout en permettant la réorientation ultérieure de ceux qui ont échoué aux concours.
- Maintien de la préparation universitaire aux concours, élément constitutif de la formation des enseignants, dans le cadre des masters délivrés par les composantes d’enseignement et de recherche.
- Prise en compte des différences de formation inhérentes aux CAPES, CRPE et CRPLP.
- Prise en compte des spécificités liées aux formations technologiques.
- Intégration des ESPE dans l’Université, en association avec les laboratoires de recherche des universités de rattachement, comme le demandent la Conférence des Directeurs et Doyens de Lettres, Langues, Arts, Sciences Humaines et Sociales (CDUL) et la Conférence des Directeurs des UFR Scientifiques (CDUS) dans leur communiqué d’octobre 2012.
- Retour à une véritable formation professionnelle post-concours, avant titularisation.
Ces futurs enseignants doivent bénéficier d’une véritable formation professionnelle (notamment lors d’un vrai stage post-concours) qui leur permettra de transmettre leurs savoirs aux élèves et d’enseigner à des publics variés. De par l’expérience acquise par les IUFM, les ESPE seraient les coordonnatrices naturelles de ces stages et de la formation continue des enseignants, cette dernière tenant compte du périmètre aussi bien disciplinaire que didactique de la discipline.
- Réflexion sur des pré-recrutements permettant de reconstituer les viviers de candidats, en lien avec les acteurs universitaires.

Concernant les dispositifs transitoires et la mise en place du concours « 2013-2 » (ou « 2014-A ») :

Nous sommes en second lieu sensibles à l’intention louable visant à vouloir augmenter le nombre de postes dans les plus brefs délais. Cependant, étant donné l’état actuel du vivier de candidats en master, nous craignons qu’elle n’ait que peu d’effet sur le nombre d’enseignants supplémentaires effectivement recrutés. Le concours 2013-2 (épreuves écrites en juin 2013, épreuves orales en juin 2014) a été annoncé dans le projet de loi de finances, information reprise sur le site du MEN, sans qu’à ce jour aucun texte officiel n’en explicite les contenus. Nos réflexions sur le dispositif transitoire ne peuvent ainsi s’appuyer que sur des comptes rendus émanant des organisations syndicales ou conférences d’universitaires à l’issue d’entrevues au MEN et au MESR.

En l’absence d’information et dans le contexte d’une année universitaire déjà bien engagée, les universitaires doivent choisir entre deux options peu satisfaisantes : soit poursuivre le cours normal des masters en réduisant les chances d’admissibilité au concours 2013-2 des étudiants ; soit modifier les maquettes du second semestre de manière improvisée pour préparer à un concours pour l’heure aux contours imprécis, en réduisant de facto la dimension disciplinaire et de recherche du master. Les modifications à apporter aux deux années de master pour la rentrée 2013 sont aussi en discussion, impliquant sans doute une refonte des masters enseignement créés en 2010, alors même que les maquettes de toutes les formations devraient résulter d’une réflexion sur le long terme.

Dans le dispositif transitoire, la conduite en parallèle d’un master, de la préparation au concours et d’un emploi nous paraît difficile : les étudiants recrutés sur les Emplois d’Avenir Professeur devront concilier master (voire L3 puis master) et préparation au concours avec 12h par semaine de présence dans les écoles ou collèges. Les admissibles de la session 2013-2, s’ils sont recrutés sur des contrats qui restent à préciser, suivront une formation dans les ESPE, les cours de Master 2, une initiation à la recherche dans leur discipline et la préparation à l’oral 2013-2 de juin 2014, tout en étant en charge d’élèves 6h par semaine. Nous redoutons que ces conditions complexes ne soient pas propices à une lisibilité ou à une attractivité accrues de la formation des enseignants, pourtant nécessaires à la reconstitution du vivier de candidats.

Les admissibles de la session 2013-2 comprendront des candidats en M1 et des candidats en M2 (ayant préparé les écrits 2013-1 en 2012, a priori avantagés pour les écrits de juin 2013), sans compter ceux déjà titulaires d’un master. En 2013-2014, certains seraient enseignants à temps partiel avec une formation en ESPE, d’autres suivraient un M2 à temps plein, d’autres seulement une préparation aux oraux 2013-2 ; parallèlement, ils devront se préparer à une session 2014 (ou 2014-B) dont on ignore encore le cadre réglementaire, comme les nouveaux candidats. Leurs situations seront bien inégales et la gestion de cette hétérogénéité bien délicate dans les formations correspondantes, sans parler des problèmes d’emploi du temps.

Des précisions sur l’oral 2013-2 et les sessions suivantes sont attendues pour en garantir le caractère disciplinaire de haut niveau en cohérence avec une formation à bac+5. Pour que le recrutement apporte un niveau master réel pour les futurs enseignants, respectant ainsi les accords européens, le format actuel du concours, avec écrits disciplinaires et oraux disciplinaires et de didactique de la discipline, doit être maintenu. En revanche, l’épreuve « Agir en fonctionnaire... » doit clairement se placer en aval de la formation professionnelle post-concours des fonctionnaires stagiaires, qu’il convient de rétablir, notamment pour les titulaires d’un master non orienté vers l’enseignement.

La réflexion doit tenir compte de toutes les possibilités de calendrier et des exigences des concours, en cohérence avec les contenus de masters attractifs. Le calendrier des concours doit être compatible avec les exigences d’un master (ECTS, examens, stages) et notamment avec la rédaction d’un mémoire de master sans lequel la dimension d’initiation à la recherche perd son sens. La situation des étudiants concernés par des séjours à l’étranger (de type ERASMUS ou assistanat et lectorat en langues) doit également être prise en compte.

Enfin, nous insistons sur le fait que les universités, dans un contexte de baisse du vivier des candidats aux masters et concours de l’enseignement tout autant que de forte pression budgétaire, doivent être incitées à conserver ces formations propres à attirer un vivier en devenir. En cohérence avec la refonte de la formation des enseignants et l’augmentation notable du nombre de postes proposés, elles doivent être sauvegardées et mises en avant auprès des étudiants de licence ou des élèves des lycées.

Pour conclure, nous aimerions qu’avant la promulgation d’une loi d’orientation sur la formation des enseignants, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et le Ministère de l’Éducation Nationale engagent ensemble une concertation approfondie, à laquelle les enseignants et les universitaires que nos sociétés représentent demandent à être associés, pour prendre part à la réflexion sur les nouveaux dispositifs et leur mise en place.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous assurons, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, de notre dévouement au service public de l’Éducation nationale.

Signataires :
Charles de LAMBERTERIE, Président de l’Association des Etudes grecques (AEG)
Mercè PUJOL, Présidente de l’Association Française des Catalanistes (AFC)
Isabelle ALFANDARY, Présidente de l’Association Française d’Études Américaines (AFEA)
Jean-Marc THERET, Président de l’Association Française de Mécanique (AFM) / Eric ARQUIS, Président du GTT « Activités Universitaires en Mécanique » de l’AFM
Philippe COMTE, Président de l’Association Française des Russisants (AFR)
Thierry GALLEPE, Président de l’Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur (AGES)
Nadine VIVIER, Présidente de l’Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (AHCESR)
Lucien BELY, Président de l’Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises (AHMUF)
Leo CARRUTHERS, Président de l’Association des Médiévistes Anglicistes de
l’Enseignement Supérieur (AMAES)
Bruno BENOIT, Président de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG)
Marie-Pierre NOËL, Présidente de l’Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur (APLAES)
Christian GLAIZE, Président du Club EEA (Électronique, Électrotechnique, Automatique)
Marie-Cécile BARRAS, Présidente de l’Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l’Enseignement Supérieur (APMESU)
Sylvie PEDROARENA, Présidente de la Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes CNARELA
Pierre LURBE, Président de la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur (SAES)
Jacqueline CHAMPEAUX, Présidente de la Société des Etudes Latines (SEL)
Jacques BERCHTOLD, Président de la Société Française d’Etude du Dix-huitième Siècle (SFEDS)
Michel VIEILLARD-BARON, Président de la Société Française des Études Japonaises (SFEJ)
Véronique GELY, Présidente de la Société Française de Littérature Générale et Comparée (SFLGC)
Dominique GOY-BLANQUET, Présidente de la Société Française Shakespeare (SFS)
Christian LAGARDE, Président de la Société des Hispanistes Français de l’Enseignement Supérieur (SHF)
Véronique GAZEAU, Présidente de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public (SHMESP)
Marie-José TRAMUTA, Présidente de la Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur (SIES)
Marie-Madeleine CASTELLANI, Présidente de la Société de Langues et Littératures médiévales d’Oc et d’Oïl (SLLMOO)
Bernard LEGRAS, Président de la Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université (SOPHAU)