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Recherche publique, revues privées - Richard Monvoisin, Le Monde Diplomatique, décembre 2012

samedi 5 janvier 2013, par Mariannick

Aux lourds rayonnages des bibliothèques universitaires s’ajoutent désormais une pléthore de revues spécialisées en ligne, qui offrent sans délai et souvent sans barrière de paiement les derniers résultats des laboratoires de recherche. Cette transformation pousse les scientifiques à s’interroger sur leurs modèles de publication, afin de les remettre au service de la connaissance et du public.

« Publier ou périr » : la sentence du zoologiste Harold J. Coolidge résume la vie d’un chercheur. Peu importe, pour son prestige universitaire, que son enseignement soit brillant, ses étudiants bien soutenus ou qu’il fasse le café aux collègues le matin : l’évaluation du travail de recherche ne repose en définitive que sur la somme et la qualité des articles publiés dans des revues scientifiques. L’exposé ordonné des résultats, passant sous les fourches Caudines de la relecture par les experts du domaine — ce qu’on appelle couramment la relecture par les pairs, ou peer review —, en est la clé.

Les publications sont spécialisées selon le domaine de recherche. Ainsi, un expert de l’histoire moderne de la France a le choix entre une dizaine de revues hexagonales, et près d’une centaine de périodiques accueillent les travaux de recherche en physique. Pour choisir la porte à laquelle frapper, il faut adapter ses prétentions en tenant compte du facteur d’impact de la revue, c’est-à-dire de sa valeur sur le marché du savoir. Cette valeur est fondée non pas sur l’audience, mais sur le nombre moyen de citations des articles de ladite revue dans d’autres articles scientifiques. Il convient de viser juste : trop bas (une revue peu connue), et l’article ne sera pas apprécié à sa juste valeur ; trop haut (les meilleures publications), et il peut être bloqué des mois durant par les relecteurs, pour finalement se voir refusé. La concurrence étant vive entre les équipes de recherche, on court alors le risque de se retrouver dépassé sur la ligne d’arrivée.

Non seulement l’auteur de l’article n’est pas payé, mais son laboratoire doit aussi bien souvent participer aux frais de secrétariat ou d’impression. En échange, il reçoit du capital symbolique (reconnaissance, prestige) : le droit d’indiquer le titre de l’article — nimbé de son facteur d’impact — sur son curriculum vitae. Quant aux lecteurs-évaluateurs de l’article, ce sont des scientifiques anonymes sollicités par la revue ; eux aussi ne sont rémunérés qu’en capital (...)

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