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"La loi sur l’autonomie des universités mise en oeuvre progressivement"

"Le Monde" du 25 juillet 2008

dimanche 27 juillet 2008, par Laurence

Il y a un an, la loi sur "les libertés et responsabilités des universités" promettait de bouleverser l’enseignement supérieur. C’est ce qui se produit, a assuré la ministre, Valérie Pécresse, jeudi 24 juillet, en dressant un bilan : "La réforme est en train de s’installer progressivement et durablement". Les universités ont commencé à mettre en place les outils qui doivent leur permettre d’être autonomes en matière budgétaire et de gestion de ressources humaines.

Après audit, 20 universités sur 80 seront prêtes le 1er janvier 2009. Elles rassemblent 312 100 étudiants, 20 % des effectifs. Les autres ont jusqu’à 2012 pour s’y mettre, mais "ça va aller beaucoup plus vite que prévu", prévoit Mme Pécresse. La loi, "peut-être la plus importante de la législature", selon le premier ministre, François Fillon, avait suscité plusieurs questions.

DES PRÉSIDENTS PLUS POLITIQUES ?

Les universités ont jusqu’au 11 août pour élire leurs présidents, désormais choisis pour quatre ans renouvelables, et leurs conseils. Seules une vingtaine de nouvelles têtes ont émergé, une "nouvelle génération", selon Mme Pécresse. Les présidents restent issus du vivier classique des enseignants. "Ce vote n’a pas porté d’équipes anti-loi d’autonomie", se félicite Michel Lussault, porte-parole de la Conférence des présidents d’université (CPU). Le Snesup-FSU, syndicat majoritaire, assure de son côté qu’"au moins un tiers des présidents ont été élus sur des programmes contestant les logiques de la loi".

Dans les conseils d’administration (CA), le changement est plus net : 65 % de leurs membres sont de nouveaux élus. Plus de cent entreprises sont représentées. Selon Jean-Pierre Finance, le président de la CPU, "il y a eu un vrai renouvellement". Une fois les CA installés, les nouveaux "comités de sélection" seront chargés de donner un avis sur le recrutement des enseignants, en lieu et place des anciennes commissions de spécialistes.

DES UNIVERSITÉS PRIVATISÉES ?

La loi a créé deux types de fondations, universitaires ou partenariales. Deux projets ont vu le jour. L’université de Clermont-I a créé, la première, la "Fondation-université d’Auvergne". Celle-ci a déjà récolté 1,6 million d’euros auprès d’une vingtaine de contributeurs, dont Michelin, la Banque populaire, les laboratoires Théa, la région Auvergne. La première fondation partenariale est née à Lyon-I. Le ministère a recensé, en juillet, 38 projets de fondations universitaires et 29 partenariales.

"L’Etat a augmenté le budget 2008 des universités de 1 milliard d’euros, auquel s’ajoutent les 5 milliards d’euros du plan Campus tirés de la vente du capital d’EDF. Cela fait 6 milliards. Les fonds privés recueillis via les fondations mises en place par les universités ont rapporté 3 millions d’euros. Voilà la privatisation !", ironise Mme Pécresse. Les budgets des universités passeront en moyenne de "200 millions d’euros à 500 millions d’euros", ce qui les imposera "parmi les plus gros établissements publics autonomes de l’Etat", a-t-elle assuré.

Les 20 universités pionnières recevront "une subvention exceptionnelle de 250 000 euros" pour accompagner leur passage à l’autonomie (formations, recours à des spécialistes...). De même, 650 emplois administratifs ont été requalifiés afin, selon la ministre, "d’avoir un plus fort taux d’encadrement dans les universités, puisque c’est ce qui leur permettra d’être maîtresses de leur destin". Enfin, 1 million d’euros sera consacré à la formation de 2 000 cadres.

UNE SÉLECTION DES ÉTUDIANTS ?

La loi prévoit la possibilité, pour tout candidat, de s’inscrire dans l’établissement de son choix, sous réserve d’avoir sollicité une préinscription. Le gouvernement a retenu le principe d’un dossier unique, comprenant les notes de l’élève en terminale. L’université doit indiquer au futur bachelier un avis sur son choix d’orientation. Cette procédure a été testée dans 12 académies pour l’ensemble des formations. Elle a concerné, pour la rentrée 2008, plus de 450 000 lycéens. En 2009, le dossier unique devrait être généralisé.

UNE VRAIE AUTONOMIE ?

La perspective de voir les universités leur échapper a provoqué un sursaut d’autoritarisme dans les services centraux de l’Etat. "Une partie de la haute administration ne supporte pas la loi, résume Jean-Charles Pomerol, président de l’université Paris-VI - Pierre-et-Marie-Curie. Nous n’avons jamais été aussi contrôlés. J’en suis à ma troisième enquête du ministère en quelques mois." Le président de la CPU ajoute : "Nous ressentons, dans la déclinaison des mesures, une volonté de contrôle et de rigidification." Principale administration en cause, la direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) : avec la loi, elle perd la gestion quotidienne des emplois, du budget et de l’immobilier.

"Si la DGES ne se réforme pas, rien ne changera", prévient Benoist Apparu, député UMP de la Marne, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale. Une réorganisation de l’administration centrale est prévue en 2009. "La logique, c’est que l’Etat soit moins une tutelle et plus un partenaire contractuel", a déclaré, jeudi, Mme Pécresse.

Benoît Floc’h et Catherine Rollot