Accueil > Mystique du management > Les présidents de fac prendront des cours de gestion à l’ENA - Kira (...)

Les présidents de fac prendront des cours de gestion à l’ENA - Kira Mitrofanoff, Challenges, 26 novembre 2013

mardi 26 novembre 2013, par Clèves, princesse(s)

La ministre de l’Enseignement supérieur invite ceux dont les universités perdent de l’argent à suivre une formation qui doit leur permettre de sortir du rouge.

Geneviève Fioraso veut renvoyer les présidents d’université et leurs administrateurs sur les bancs de l’école. En tout cas ceux qui le souhaitent. La ministre de l’Enseignement supérieur est en effet en train de leur concocter une formation sur mesure pour apprendre à préparer et exécuter … un budget. Qu’on se rassure, ils n’iront pas apprendre les méthodes des cost-killers que l’on enseigne à HEC ou l’ESSEC mais ils seront formés à l’ENA, qui est chargée de concevoir le programme.

Il faut dire que depuis qu’elles sont devenues autonomes, dans le cadre de la loi LRU de 2007, les comptes financiers d’une vingtaine d’entre elles ont viré rouge, parfois sévèrement (voir tableau) [1]. Dépourvu d’une comptabilité analytique, les équipes administratives sont souvent incapables d’avoir une gestion prévisionnelle des effectifs, encore moins de faire des projections à moyen terme de la masse salariale. Une cécité qui a conduit à des dérives dommageables. Beaucoup d’entre elles ont profité de cette transition pour embaucher à tour de bras, augmenter l’enveloppe des primes et ouvrir de nouvelles licences et masters.

L’exemple à ne pas suivre à Versailles Saint-Quentin

Le cas de l’université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ) est emblématique. Récemment, cet établissement qui dispose d’un budget de fonctionnement de 144 millions d’euros pour 15 000 étudiants s’est déclaré en cessation de paiement. Les salaires du mois de décembre ne pourront pas être payés et le ministère de l’Enseignement supérieur va lui faire une avance remboursable de plusieurs millions d’euros.

"Il n’est pas question de favoriser les mauvais élèves en leur donnant plus, explique Geneviève Fioraso qui parle pour l’UVSQ d’une politique qui n’était pas soutenable, en termes de dépenses avec des prévisions budgétaires irréalistes, voire insincères."

Le rapport provisoire de la Cour des comptes, rendu remis début nombre, que Challenges a pu lire, pointe les dérives. Les sages ont découvert des masters et licences qui attirent entre 10 et 15 étudiants, dont l’une, "Musiques anciennes et monde contemporain", en compte entre 4 et 6 ; l’embauche de 156 salariés, entre 2009 et 2012, sans projection salariale ; des primes en hausse d’un million d’euros sur la même période ; une explosion des heures supplémentaires de 42 % en six ans, pour atteindre 36.400 heures en 2012, soit l’équivalent de 190 charges d’enseignement à temps plein ; la création par dizaines de nouveaux diplômes universitaires en six ans dont un "doctorat professionnel", suivi par … 15 cadres dirigeants chinois mais aucun étudiant. Enfin, deux partenariats public-privé (PPP), mal négociés, dont l’un conduit à un dépassement de 40% par rapport aux estimations initiales !

"Il faudra résister aux demandes de promotions, de primes"

D’ores et déjà, la mission d’assistance mise en place par le ministère a permis de recouvrer 2 millions d’euros de recettes égarées ou surévaluées sur un total de 40 millions manquants. Il s’agit de contrats de recherche non signés ou subventions des collectivités jamais versées… Pour retrouver l’équilibre d’ici trois ans, Jean-Luc Vayssière, le président de l’UVSQ, nommé l’an dernier, prévoit de réduire les dépenses de personnels et les crédits de fonctionnement.

Il va lui falloir aussi renégocier les contrats PPP signés avec Bouygues et Suez, et mutualiser les parcours alors que 24 licences et masters ont été créés sur trois ans. "Les universités vont devoir présenter des comptes responsables avec des formations de qualité, dit la ministre. Il faudra résister aux demandes de promotions, de primes, de création de masters, et cela demande du courage." Reste que la France est l’un des pays développés qui dépense le moins pour l’enseignement supérieur : presque deux fois moins que les Etats-Unis ou la Corée en pourcentage du PIB. Cela aussi, c’est un mauvais calcul.

À lire ici


[1Note de SLU : pas vu…