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Relance du Plan Campus : les universités rançonnées - Communiqué de SLU, 25 février 2014

vendredi 28 février 2014, par PCS (Puissante Cellule Site !)

«  Et suys d’opinion que ne erroyent les Perses, estimans le second vice estre mentir , le premier estre debvoir. Car debtes et mensonges sont ordinairement ralliez. » (Rabelais, Tiers Livre, chapitre III)

Le plan campus, lancé à grand bruit par Valérie Pécresse en 2008, a fini par tourner en mirage. Nul ne sait où sont passés les 200 millions et quelques d’ « intérêts » que devait verser annuellement le Trésor sur le « capital » de 3,7 milliards provenant de la vente d’actions EDF complété par 1,3 milliards prélevés sur le fictif « Grand Emprunt ». Entretemps, les PPP, qui devaient constituer l’épine dorsale de l’opération, ont perdu de leur prestige : leur caractère toxique est devenu trop apparent et l’artifice de déconsolidation comptable, un de leurs principaux « avantages » (ces opérations ne figuraient pas au bilan des opérateurs, de sorte qu’en apparence leur capacité d’investissement n’en était pas affectée), est remis en cause par la réglementation européenne. Jamais en peine d’emboîter le pas à ses prédécesseurs, Mme Fioraso a repris l’opération de communication à son compte. Mais comment aujourd’hui faire semblant de financer l’immobilier universitaire sans augmenter d’un sou le budget du MESR ?

Pour une entreprise capitaliste, il existe trois moyens de financer les investissements : utiliser le fonds de roulement (alimenté par la capacité d’autofinancement dégagée par l’activité de l’entreprise), augmenter le capital ou recourir à l’emprunt. Or les finances de la plupart des universités sont exsangues, leur fonds de roulement épuisé, elles ont donc perdu toute capacité à investir sur fonds propre. Pas question non plus pour l’État d’accorder aux universités les dotations en capital qui leurs permettraient de payer les travaux. Restait donc la troisième solution. Et en effet, la transformation des universités en « centres de coûts et profits » ne serait pas complète si la possibilité d’emprunter leur demeurait interdite. Il ne faut donc pas s’étonner si, à quelques mois d’intervalle, un texte réglementaire et un texte législatif, curieusement passés inaperçus, sont venus à point ouvrir de nouvelles opportunités et permettre au gouvernement de claironner la relance du plan campus financée par… des emprunts contractés par les universités.

Premier acte :
Pour pouvoir emprunter, encore faut-il offrir des garanties. C’est l’objet d’un décret du 12 octobre 2012, qui organise la procédure par laquelle les universités peuvent conférer à des tiers des droits réels sur les immeubles dont elles sont propriétaires ou qui leur sont affectés. Par « droits réels » il faut entendre ici les garanties que peut exercer un prêteur en cas de défaut de paiement de l’emprunteur. Par exemple : transfert de produits d’exploitation, perception de redevances sur les usagers, usufruit, voire saisie pure et simple.

Deuxième acte :
L’article 12 de la loi de programmation budgétaire 2010-2014, qui interdisait à certains organismes publics (dont les EPSCP et les EPST) de recourir à l’emprunt, a été amendé le 27 juin 2013 (ordonnance n° 2013-544) pour les autoriser à emprunter auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI).

Il s’agit là bien sûr d’une première étape vers la libéralisation complète. La BEI n’est pas une œuvre philanthropique et, hormis le fait que ses actionnaires sont les états européens, rien ne la distingue de n’importe quelle banque d’investissement privée. On peut s’attendre à ce que ces dernières, si elles flairent des profits, dénoncent la distorsion de concurrence et, invoquant le droit communautaire, réclament le droit de prêter elles aussi aux universités.
Il est évident que les conditions (taux d’intérêt) qui seront consenties par les établissements bancaires (à commencer par la BEI) seront moins favorables que celles d’un emprunt d’État. Pourquoi alors envisager une telle solution ? C’est que les universités qui recourront à l’emprunt ne verront pas pour autant leur dotation augmentée. Pour rembourser les annuités des emprunts elles devront donc, soit diminuer leur budget de fonctionnement et leur masse salariale (en gelant des postes), soit augmenter leurs ressources propres (prestations, frais d’inscription des étudiants, formation continue, contrats de recherche etc.). C’est là justement la direction dans laquelle Mme Fioraso les pousse à s’engager. Dans un cas comme dans l’autre l’opération ne creusera pas le déficit du budget de l’État.

Lorsqu’il s’agira de contracter des emprunts bancaires, il n’y a pas de raison de croire que les présidents d’université défendront mieux les intérêts de leur établissement que lorsqu’ils ont négocié des PPP avec les géants du BTP. Point n’est besoin de regarder plus loin que les universités de Versailles Saint Quentin ou Paris 7 pour voir des présidents (élus et suivis par leur CA) contracter des engagements irresponsables qui continueront d’obérer les comptes de leur établissement longtemps après leur départ. L’aléa moral joue ici à plein puisque, tout comme les barons voleurs de Wall Street ou les banquiers irlandais, ils échappent à toute sanction et se voient même promus : la présidente de l’UVSQ a été nommée recteur de l’académie de Dijon pendant que le président de Paris 7 devenait conseilleur du président de la République.
Qu’importe ! L’essentiel est de faire croire au public que, grâce à Fioraso et Moscovici , l’Europe va financer la rénovation de l’immobilier universitaire.

Sauvons l’Université !