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Sur quelques effets de la loi LRU (affaire IFU / Paris 8)

16 octobre 2008

jeudi 16 octobre 2008, par Laurence

Depuis quelques semaines un conflit ouvert s’est déclaré entre la direction de l’Institut français d’urbanisme (IFU) et l’Université ¨Paris 8. D’après les documents que nous avons pu consulter il semble que, d’un côté, la direction de cette composante de l’Université Paris 8 ait cru bon de s’adresser directement au Ministère de tutelle pour être autorisée à quitter Paris 8 et à se rattacher à l’université de Marne-la-Vallée et au PRES Paris-est. Cette tentative d’autonomisation s’effectue par ailleurs contre l’avis d’une bonne partie des enseignants-chercheurs et des chercheurs de l’IFU qui ont fait connaître leur opposition, publiquement et par écrit. Quelles qu’en puissent être les raisons et l’historique, ce conflit entre la direction de l’IFU et son université de rattachement, l’Université Paris 8 (dont il est une composante depuis sa création), illustre les logiques de réorganisation rapide de la carte universitaire permises par la loi LRU.
Le directeur de cet institut (article 33) déjà largement autonome se croit fondé désormais à faire publiquement appel à la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (http://www.PetitionOnline.com/SAUVIFU/petition.html) pour qu’elle prononce de manière unilatérale le rattachement de cet Institut au PRES Paris-Est et à l’Université de Marne-la-Vallée. Quant à la présidence de cette dernière Université, elle se contente de déclarer attendre la décision ministérielle, sans être visiblement gênée par les formes que prend cette demande de rattachement. Dans le même temps, l’autre composante du PRES Paris-Est, l’Université Paris XII, organise sans leur consentement le rattachement d’enseignants-chercheurs de l’IFU à une équipe de recherche de cette Université.

Les organisations institutionnelles ne sont sans doute pas fixées pour l’éternité, mais lorsqu’il s’agit des relations entre collectivités universitaires, on souhaiterait que la règle du jeu ne relève pas du pur et simple rapport de force et du fait accompli. D’après nos informations, à aucun moment, les instances délibératives élues de Paris 8 n’ont été saisies d’une demande officielle (émanant de l’IFU ou de l’une des deux autres universités concernées) portant sur un changement de rattachement de l’Institut. Si elles l’avaient été, elles auraient pu se prononcer sur le caractère souhaitable ou non d’une éventuelle séparation, et sur les compensations équitables qu’elle pourrait entraîner nécessairement. Les inégalités, les différences ou les conflits entre universités « autonomes » pourraient donc bien avoir les mêmes effets que celle des acteurs en compétition sur les autres marchés : les plus puissants pourraient à l’occasion croire qu’ils peuvent prendre le contrôle des moins riches, les plus aventureux pourraient s’accaparer les segments d’université qui leur paraissent les plus profitables, avec le consentement tacite ou explicite de l’État, au mépris des procédures et du respect des conseils élus. On voit poindre ici la face cachée de l’autonomie comme de la libre (et féroce) concurrence entre universités. Le pire est à venir.

Mathieu Brunet (Aix-Marseille I et SLU)
Jean-Louis Fournel (Paris 8 et SLU)
Alexis Grélois (Rouen et SLU)
Bertrand Guillarme (Paris 8 et SLU)
Anne-Lise Nef (Paris IV et SLU)