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Offre de formation : les universités bientôt au régime sec ? - Camille Stromboni, EducPros, 3 juillet 2015

samedi 4 juillet 2015, par Mr Croche

Augmenter les frais d’inscription ne suffira pas. Selon le rapport des inspections générales, c’est un véritable bouleversement qui est nécessaire pour redresser la situation financière des universités. En touchant au cœur de métier : la formation et la recherche. Une injonction peu réaliste, pour les présidents.

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L’augmentation des droits de scolarité est l’une des solutions défendues par l’Igaenr et l’IGF, dans un rapport dévoilé par “les Echos” le 30 juin 2015. Mais pour redresser véritablement la situation financière des universités, il faudra aller bien plus loin, défendent les inspecteurs : en redimensionnant l’offre de formation et la recherche à l’aune de la soutenabilité budgétaire. Sous-entendu en cette période de restrictions : à la baisse.

Pour cela, le rapport préconise ainsi un "positionnement et un dimensionnement de l’offre de formation et de la politique de recherche davantage "appuyés sur une stratégie de différenciation autour des domaines d’excellence [de chaque université]".

"L’analyse des inspecteurs est précise et relativement juste sur la situation financière des universités. Mais les propositions qu’ils font, en revanche, ne me semblent pas pertinentes. Pratiquement, j’aimerais savoir ce que cela veut dire : on ferme des licences et on envoie nos étudiants ailleurs ?", interpelle la présidente de Montpellier 3, Anne Fraïsse.

Des réorganisations d’ampleur

Mais les mesures de rationalisation de l’offre de formation ne constituent qu’une première étape, estiment de leur côté les inspecteurs. "Des réorganisations de plus grande ampleur doivent être envisagées et s’inscrire dans la prochaine campagne d’accréditation", défendent-ils, à l’échelle régionale, dans un souci de cohérence et d’optimisation des coûts. Car si le nombre d’étudiants a crû ces dernières années, celui du nombre de formations encore plus, glissent-ils également, laissant à penser que des marges d’économies subsisteraient.

Une vision et des solutions qui ne manquent pas de faire réagir les premiers concernés. "Il faut arrêter les injonctions contradictoires, s’énerve Frédéric Dardel, président de l’université Paris 5-Descartes. Nous devrions donc réduire la voilure ? Mais l’objectif que l’on nous fixe est d’accueillir toujours plus de bacheliers et d’atteindre 50% d’une classe d’âge diplômée au niveau licence. Même chose en master où notre mission est de donner une place à tous nos diplômés de licence. Quant aux mutualisations, on ne cesse d’en faire, c’est difficile d’aller plus loin."

Si les formations se sont développées parfois de manière foisonnante, comme cela était demandé aux universités, rappelle le président de l’université de Savoie, Denis Varaschin, cela s’est fait sans augmentation de budget. "En comparant le coût de mon offre de formation de 2009 et celle de 2016, on voit que les moyens alloués restent les mêmes. Alors qu’il y a près de 2.500 étudiants en plus ! Notre efficience n’est plus à démontrer."

La modulation du service des enseignants-chercheurs en question

Parmi les leviers pour adapter l’offre de formation, les inspecteurs avancent une méthode plus que sensible : utiliser la modulation de services des enseignants-chercheurs, au profit de l’enseignement. "Le débat a déjà été tranché, rappelle cependant Denis Varaschin. Le ministère a décidé de ne rien toucher au décret [sur le statut des enseignants-chercheurs publié à l’automne 2014]."

"Les seules applications que l’on peut en faire aujourd’hui sont davantage un coût qu’un gain, ajoute Anne Fraïsse. Il s’agit de prendre en compte tout ce que font les enseignants-chercheurs, en effectuant justement des décharges d’enseignement. Alors, si l’on veut changer le statut des enseignants-chercheurs, sous-entendu que certains fassent beaucoup plus d’enseignement et moins de recherche, on se dirige vers un système à l’américaine avec des universités qui se limitent au premier cycle quand d’autres poursuivent leur mission de recherche. Je n’y suis pas favorable."

"Il faut surtout arrêter avec ces prétendues solutions qui n’apporteront que des bénéfices très à la marge, conclut Frédéric Dardel. Nous faisons des économies depuis des années, cela ne suffira pas. Il y a deux solutions : soit nous sommes dans un modèle de gratuité, ce qui est le cas, et l’État doit mettre les moyens pour un enseignement supérieur de qualité. Soit il assume l’option inverse et développe un modèle anglo-saxon où l’étudiant paie ses études. Dans tous les cas, il faudrait déjà commencer par ne pas nous couper nos ressources extérieures, comme sur la taxe d’apprentissage où je perds un million d’euros cette année..." De la nécessité d’économiser à celle d’investir, le débat ne manquera pas de rebondir à l’automne autour du budget 2016.

Des marges sur la recherche

Concernant l’activité de recherche, les inspecteurs soulignent que celle-ci a été "largement épargnée par les mesures d’économies", "alors même qu’elle peut participer, parfois largement, aux difficultés financières rencontrées.

La CPU demande des moyens

"Dans leur rapport commun, l’IGF (Inspection générale des finances) et l’Igaenr (Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche) soulignent que la situation financière consolidée des universités s’est améliorée de 2011 à 2013”, constate la Conférence des présidents d’université dans un communiqué en date du 2 juillet 2015. Et ce, "grâce aux efforts des établissements et à la bonne gestion des universités par les présidents et leurs équipes de direction".

Un résultat "d’autant plus remarquable qu’il a eu lieu sur une période pendant laquelle les moyens réellement disponibles en provenance de l’État ont diminué", insistent les présidents, qui rappellent qu’avec la croissance de la masse salariale, cela n’est plus "tenable".

"La CPU demande donc au gouvernement d’en tirer les conséquences et d’octroyer aux universités les moyens dont elles ont besoin pour fonctionner dans des conditions acceptables."

Aller plus loin

- Le rapport de l’IGF et l’Igaenr sur la situation financière des universités [voir les pages 28 à 40 : "Des leviers de court terme ont été actionnés pour redresser la situation financière des établissements en difficulté mais le dégagement de marges de manœuvre substantielles nécessite un réexamen des activités ‘cœur de métiers des universités’."]