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Recherche : la colère monte contre les coupes - Sylvestre Huet, Sciences2, 24 mai 2016

mardi 24 mai 2016, par PCS (Puissante Cellule Site !)

Sylvestre Huet, dont nous saluons le retour sur les blogs du Monde, fait le point sur les récentes réactions aux coupures budgétaires concernant l’ESR

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Un projet de décret sabrant 256 millions d’euros dans le budget 2016 des Universités et des organismes de recherche suscite de nouvelles protestations. Après celle de Prix Nobel publiée hier dans Le Monde, les Présidents des Conseils scientifiques du Cnrs, de l’Inserm, de l’Inra, de l’Ined et de l’IRD montent au créneau. Une motion du Snesup/FSU a également été votée au CNESER.

Lors de la présentation du budget 2016, Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon avaient insisté sur son caractère prioritaire, et laissé entendre qu’il ne subirait pas de ponction en cours d’année, comme celle de 100 millions d’euros subie en 2015. Làs ! La ponction est de nouveau de rigueur, et plus sévère encore, représentant 20% des annulations budgétaires envisagées, alors que le budget de l’ESR ne représente que 6% du budget total de l’Etat. Cette décision vivement contestée va creuser un peu plus le fossé qui sépare une communauté scientifique et universitaire qui avait nettement penché en faveur de François Hollande en 2012 après son expérience amère du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Motion des conseils scientifiques du CNRS, de l’INSERM, de l’INRA, de l’INED et de l’IRD

Etat d’urgence dans la recherche

Les conseils scientifiques du CNRS, de l’INRA, de l’INSERM, de l’INED et de l’IRD s’indignent de l‘annonce brutale du projet de suppression par décret de 256 millions d’euros de crédit 2016 pour la « Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur », qui porterait pour 134 millions sur les organismes de recherche (CNRS, INRA, INSERM, INED, CEA, INRIA, etc.). Cette décision contredit radicalement les engagements pris en début d’année par le secrétariat d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, et réaffirmés le 14 mars par le président de la République. Elle provoque stupeur et consternation dans l’ensemble du monde scientifique, comme en témoigne la prise de position commune de personnalités scientifiques de premier plan dans une tribune parue dans Le Monde du 24 mai 2016. Cette coupe claire, qui arrive très tardivement en cours d’année, va complètement déstabiliser les projets en cours et la structuration des équipes et des laboratoires, dans un contexte où l’emploi scientifique (chercheur.se.s, ingénieur.e.s, technicien.ne.s) a déjà été durement touché ces dernières années. Des décisions prises en conséquence dans l’urgence risquent de coûter à terme très cher à la collectivité et de détourner les jeunes générations de la recherche. Les conseils scientifiques demandent au gouvernement de surseoir à ce projet contre-productif, et de considérer réellement la recherche et l’enseignement supérieur comme un investissement d’avenir.

A Paris, le 24 mai 2016 Bruno Chaudret, Président du Conseil Scientifique du CNRS, Alain Tedgui, Président du Conseil Scientifique de l’INSERM, Frédéric Dardel, Président du Conseil Scientifique de l’INRA, Gustavo de Santis, Président du Conseil Scientifique de l’INED, Gilles Pison, Président du Conseil Scientifique de l’IRD, au nom de leurs Conseils Scientifiques respectifs.

Motion votée au Cneser à l’unanimité le 23 mai

Motion CNESER présentée par la FSU

Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche : toujours une variable d’ajustement du budget national

Le secrétaire d’État M. Mandon avait reconnu au CNESER de juillet 2015 une diminution du budget 2015 de 150 millions, alors que ses prédécesseurs prétendaient que les budgets successifs de l’ESR étaient en augmentation régulière. Il avait aussi indiqué qu’il souhaitait que l’ESR soit préservé en 2016 des économies demandées aux autres ministères et qu’il manquait 1 milliard à l’ESR. « Consacrer un milliard d’euros en plus au supérieur est un choix politique mais la France en a les moyens ». (6 octobre 2015 à l’université Paris Dauphine).

De même, dans une lettre en date du 21 avril 2016 François Hollande affirme tout d’abord que « l’augmentation continue des effectifs appellera bientôt des ajustements budgétaires pour y faire face« . »Je saurai les prescrire, le moment venu« , assure le président de la République. Il souligne également que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, priorité du pays, a été préservé durant son quinquennat…

Or un projet de décret d’avance budgétaire prévoit aujourd’hui d’annuler 256 M€ de crédits de la MIRES ! Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche continue d’être une simple variable d’ajustement du budget national depuis plusieurs décennies.
Cette suppression budgétaire porte essentiellement sur la recherche pour 168,7 M€, avec 134 M€ supprimés sur les organismes de recherche, accentuant ainsi les manques de moyens de ces organismes (CNRS, CEA, INRA, INRIA), 23,1 M€ sur la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable, 6,6 M€ sur la recherche culturelle et la culture scientifique, 5 M€ sur la recherche spatiale.

L’enseignement supérieur voit son budget diminuer de 50,2 M€, et 26,05 M€ pour la recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle. Enfin, 10 M€ sont supprimés du programme vie étudiante pour des opérations immobilières, et 1,2 M€ du programme enseignement supérieur et recherches agricoles.

Le CNESER dénonce ces coupes budgétaires qui, une fois de plus, accentuent l’austérité dans les organismes de recherche et les universités. Le fait que les organismes de recherche soient le plus durement touchés met directement en cause le financement de la recherche. De telles suppressions auront inévitablement des répercussions très dommageables sur les soutiens de base des laboratoires et sur le budget des programmes de recherche gérés par les organismes. Elles peuvent aussi se traduire par une réduction des emplois ingénieurs et techniciens (IT) des organismes de recherche concernés, les concours IT 2016 n’étant pas encore ouverts au CNRS.

Le CNESER dénonce le manque de soutien à la recherche, dont le budget continue d’être une variable d’ajustement pour les dépenses supplémentaires décidées par le gouvernement, tel qu’argumenté dans le projet de décret.

Le budget de l’ESR doit être une priorité non seulement dans le discours gouvernemental mais aussi dans les actes.

Le CNESER rappelle que la France ne consacre que 2,25 % de son PIB à la recherche (le publique et privée) et reste donc loin de l’objectif européen des 3 %, alors que cet objectif a été défini par l’Union européenne en 2000 et aurait dû être atteint en 2010 et a été repris dans la stratégie Europe 2020. Relevons que l’Allemagne a de son coté augmenté son financement de la recherche de 75% au cours des 10 dernières années pour atteindre 2,9% du PIB en 2016.

Le CNESER exige qu’il n’y ait aucune suppression de crédit. Il exige au contraire une loi de programmation pluriannuelle de moyens humains et financiers qui soient à la hauteur des enjeux de l’ESR, avec un financement en augmentation de 2 milliards d’euros par année pendant dix ans, pour atteindre l’objectif de 1% du PIB pour la recherche publique, 2% de PIB pour l’enseignement supérieur ainsi que la politique nécessaire pour atteindre les 3% pour la dépense totale en matière de recherche.

L’enseignement supérieur et la recherche publique ne doivent pas être sacrifiés au nom de l’austérité budgétaire. Ils ont besoin de moyens supplémentaires pour assurer leurs missions de service public, pour payer décemment les fonctionnaires et pour résorber la précarité qui frappe durement les jeunes scientifiques.