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60 000 postes dans l’éducation : le gouvernement encore loin du compte. Adrien Sénécat ? Le Monde, 30 mai 2016

mardi 31 mai 2016, par Tournesol, Pr.

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« Nous irons jusqu’au bout de ces recrutements, il y en aura bien 60 000 [enseignants] de plus à la fin 2017.  » Régulièrement accusé d’avoir fixé un objectif intenable de créations de postes, François Hollande avait réaffirmé une nouvelle fois son engagement de campagne à la rentrée 2015. L’analyse de la Cour des comptes sur le budget de l’Etat l’an dernier, publiée le 25 mai, confirme pourtant que la tâche s’annonce compliquée.

Du retard accumulé depuis 2012

Les emplois promis dans l’éducation sont répartis sur trois secteurs :

  • L’enseignement scolaire (54 000) ;
  • L’enseignement supérieur (5 000) ;
  • L’enseignement agricole (1 000).

Le gouvernement a fixé dès 2012 un calendrier précis des créations de postes dans l’enseignement scolaire : 4 326 emplois supplémentaires créés en urgence à la rentrée 2012, puis entre 8 800 et 11 700 postes par an de 2013 à 2017. Année après année, les budgets ont bien prévu les crédits correspondants à ces recrutements. Sauf que les candidats n’ont pas toujours été au rendez-vous.

En 2013, 43 % des postes n’ont pas été pourvus. Les deux exercices suivants ont été meilleurs, mais n’ont pas permis de combler ce retard, même en partie :

Moins de postes que prévus pour l’éducation nationale

Résultat : alors que le gouvernement prévoyait de créer 22 373 postes supplémentaires sur les deux années restantes, il faudra encore en créer 26 447 pour atteindre l’objectif.

Sauf surprise, il n’y aura pas de rattrapage en 2016 : aucune mesure nouvelle relative au recrutement n’a été annoncée et le nombre de postes à pourvoir est fixé depuis des mois.

L’objectif présidentiel sera donc difficile à tenir, sauf à avoir une session de recrutement en 2017 largement meilleure que les années précédentes.

Du retard sur les 54 000 postes promis à l’éducation nationale
Postes qui restent à créer en 2016 et 2017

La Cour des comptes déplore par ailleurs les informations « très lacunaires » fournies par le gouvernement sur ces recrutements. Elle recommande, comme pour 2015, que ce point « fasse l’objet d’une présentation détaillée dans les documents budgétaires ».

Dans le supérieur, l’argent ne sert pas toujours à embaucher

La situation est plus opaque dans l’enseignement supérieur. Les moyens nécessaires au recrutement ont bien été alloués aux universités, mais ils n’ont pas forcément été utilisés par ces dernières pour embaucher.

Lors de ses contrôles, la Cour des comptes dit avoir constaté que les opérateurs «  se montraient prudents quant aux recrutements de nouveaux agents titulaires ». « Ils peuvent utiliser les crédits associés aux créations d’emplois pour recruter des agents contractuels, prendre en charge le CAS Pensions ou le GVT solde, c’est-à-dire les retraites et la hausse des salaires due à la hausse moyenne de l’ancienneté des fonctionnaires », ajoutait-elle.

La Cour ne donne pas de chiffres globaux des recrutements dans l’enseignement supérieur.

Les créations de postes dans l’enseignement agricole, en revanche, suivent le rythme prévu par le ministère, avec un peu plus de 600 postes créés sur 1 000 prévus entre 2012 et 2015.

Quels moyens supplémentaires en classe ?

Au-delà de ces calculs, ces créations de poste ont plusieurs limites qui relativisent leur influence sur le terrain. D’abord, la hausse du nombre d’élèves des premier et second degrés, qui dilue l’effet des recrutements : les effectifs ont grimpé de 12,14 millions en 2012 à 12,35 en 2015 (+ 1,7 %) et augmenteront sans doute plus encore en 2017.

Le nombre d’élèves en hausse en France
France métropolitaine et DOM, secteur public et secteur privé

Par ailleurs, la moitié des créations de postes prévues dans l’enseignement scolaire concernent la réforme de la formation, avec 1 000 équivalents temps plein (ETP) créés pour la formation et 26 000 enseignants-stagiaires. Les premiers enseignent à des élèves qui ont quitté le lycée depuis des années et les seconds ne passent que la moitié de leur temps à donner cours, le reste étant dédié à l’apprentissage du métier.

Ces 27 000 recrutements ne représentent donc que l’équivalent de 13 000 temps plein de professeurs devant élèves. C’est justement sur la formation que le gros des recrutements s’est fait depuis 2012. Or, elle se destine aux enseignants eux-mêmes, alors que les difficultés se concentrent surtout sur l’embauche des 22 000 titulaires dans les classes.

C’est ce qui a conduit Jean-Luc Mélenchon à dénoncer un « enfumage » en août 2015. Ce à quoi Najat Vallaud-Belkacem, avait rétorqué qu’il s’agissait bien de « postes créés ». La ministre de l’éducation nationale a raison sur le strict plan des moyens, mais le candidat du Front de gauche n’a pas complètement tort non plus d’en relativiser les bénéfices.

Le nombre moyen d’élèves par classe dans l’enseignement public a en effet légèrement augmenté de 2011 à 2015 malgré les recrutements (sauf dans les écoles maternelles, où il a baissé de 0,1).

Le nombre d’élèves par classe a augmenté depuis 2011
(Enseignement public uniquement)

Pour l’heure, les créations de postes dans l’éducation ont effectivement accompagné des réformes du gouvernement : la « restauration » de la formation, la nouvelle politique de l’éducation prioritaire ou la scolarisation des moins de trois ans. Mais elles ont pris du retard et n’ont joué qu’à la marge sur le gros des classes.