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Les étudiant·e·s ont raison de se révolter contre l’ordre de la sélection et de la répression - tribune de 250 universitaires, blog de Médiapart, 19 avril 2018

jeudi 19 avril 2018

250 universitaires dont Etienne Balibar, Ludivine Bantigny, Stéphane Beaud, Frédéric Lordon, Toni Negri, Judith Revel, Danièle Linhart, Michèle Riot-Sarcey, Alessandro Stella... s’insurgent de la répression à l’œuvre aujourd’hui sur les campus. « Les mêmes arguments ou presque, un demi-siècle après 68, sont resservis, pour faire sonner l’heure de la matraque et discréditer la jeunesse » relèvent-ils.

« Des professionnels du désordre ». La phrase a été lâchée par Emmanuel Macron, en direct au JT de 13h de l’ORTF jeudi 12 avril, et il a persisté et signé en prime time dimanche 15 au soir. 50 ans après Mai 68, ou presque, dans la droite ligne de De Gaulle, le président a désigné la « chienlit ». Mieux encore, il a envoyé les CRS contre les campus mobilisés, après avoir déployé 2500 gendarmes contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Tout un programme pour qui souhaite remettre le pays « En Marche ». Ou plutôt, « au pas ».

Les étudiants sont vent-debout contre la loi ORE, qui grave dans le marbre une sélection sociale déjà à l’œuvre dans l’université d’aujourd’hui, mais qui fermera plus encore la porte des universités aux bachelier·e·s issu·e·s des classes et quartiers populaires. Manipulés par de prétendus « professionnels du désordre » minoritaires, ces milliers de jeunes, réunis en assemblées générales, notamment à Tolbiac, Paris 3, Paris 8, Nanterre, Nantes, Lyon 2, Strasbourg, Marseille, Rennes 2, Grenoble, Rouen, Poitiers, Bordeaux, Toulouse, ou encore Montpellier ? Manipulés par de prétendus « agitateurs professionnels » ces multiples collectifs universitaires, les personnels de plus d’une centaine de composantes disciplinaires, voire les président-e-s de plusieurs universités, plus de 8000 pétitionnaires, qui ont déjà condamné ou d’ores et déjà décidé de boycotter le dispositif Parcoursup et ce qui l’accompagne ?

Les mêmes arguments ou presque, un demi-siècle après 68, sont resservis, pour faire sonner l’heure de la matraque et discréditer la jeunesse. Le gouvernement répond à cette dernière par le mensonge, l’infantilisation, le chantage abject aux examens, et la répression brutale. Philosophie simple et pas très innovante : révise tes partiels, laisse les autres penser à ta place, plie-toi dès le lycée au monde du chômage de masse, de la précarité et de la sur-flexibilité, et surtout, marche droit et regarde tes pieds en disant merci.

Mais cette mobilisation n’est pas seulement le fait d’étudiant·e·s et d’enseignant·e·s et maintenant des lycéen·ne·s. C’est aussi celle de personnels administratifs, techniques, bibliothécaires, sans parler des collègues précarisé·e·s à tous les étages, toutes ces « petites mains » invisibles sans qui l’université ne marche pas, mais qui sont les premières cibles des compressions budgétaires et d’un management qui devient aussi brutal que celui qui sévit dans le privé. Et qui n’en peuvent plus.

Alors que dans plusieurs secteurs, la colère s’exprime contre le mal-boulot et les salaires au rabais, dans la Santé, les Ehpad, à Air France ou le secondaire, et alors que les cheminot·e·s ont entamé un bras-de-fer décisif contre Macron, qui veut faire de la contre-réforme ferroviaire l’acte fondateur de son quinquennat, le gouvernement craint comme la peste que la jonction puisse se faire entre la jeunesse et le monde du travail.
C’est pour cela que le pouvoir décide de casser de l’étudiant et du gréviste : à Nanterre, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Nantes, la Sorbonne et Tolbiac. Et quand ce n’est pas la police en uniforme qui frappe, c’est l’extrême droite, comme à Montpellier ou Strasbourg.

Pour toutes ces raisons, nous nous solidarisons pleinement avec la révolte étudiante actuelle, la grève des cheminot·e·s et les luttes en défense des services publics. La réponse collective doit être proportionnelle à la violence de ces attaques. Nous devons unir nos combats pour obtenir le retrait de la Loi ORE, de Parcoursup, du Pacte ferroviaire et de la Loi Asile et Immigration.

Nous demandons l’arrêt de la répression, le retrait des forces de police présentes sur les campus comme à leurs abords.

Nous exigeons la libération immédiate et l’arrêt des poursuites engagées contre les jeunes et les travailleurs mobilisés et interpellés depuis le début du mouvement.

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