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Parcoursup, démographie, bilan comptable et approche gestionnaire (Partie 3/3) - Groupe JP Vernant, 10 octobre 2018

mercredi 31 octobre 2018, par Mademoiselle de Scudéry

MàJ du 31 octobre qui intègre la note flash du ministère publiée sur Parcoursup.

À lire ici.

Le Plan Etudiants a bénéficié de 1 milliard € de financement ce qui a déjà permis de recruter plus de 350 professeurs et personnels pour accompagner cette nouvelle rentrée et d’ouvrir 30000 places supplémentaires.


Mme Vidal, le 12 septembre 2018

En 2019, le budget de mon ministère augmente de 549 millions € (...) soit 5% de hausse.


Mme Vidal, le 23 septembre 2018

Budget pour l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation
2019 : 27 979 millions €
Formations supérieures, recherche universitaire et vie universitaire :
Subventions pour charge de service public
2017 : 12 727 millions € (12 854 millions en € constants de 2018)
2018 : 12 878 millions €
2019 : 12 997 millions € (12 818 millions en € constants de 2018)


Document budgétaire du projet de loi de finances 2019

Lors de nos deux précédents billets consacrés à ParcourSup, nous en avons analysé les modalités concrètes et les tenants idéologiques — managérialisation de l’orientation, mise en concurrence par évaluation croisée des étudiants et des universités, différenciation des formations et des établissements, suppression du baccalauréat comme certification homogène. Force est de constater que nos prédictions sur le ralentissement critique dû aux interblocages de l’algorithme (deadlocks en anglais) se sont révélées exactes [1]. Autre prédiction fondée, l’élite scolairement et socialement dominante a été mécaniquement sélectionnée pour la quasi totalité des places disponibles (winners take all), conduisant seulement un candidat sur quatre à se voir proposer son premier vœu [2]. Les bacheliers professionnels n’ont reçu des propositions de formation supérieure qu’à 58%, contre 78% en 2017 [3]. Malgré ses défaillances [4], le système précédent d’admission post-baccalauréat conduisait deux tiers des élèves de terminale générale et un tiers des élèves de bac professionnel à recevoir une proposition coïncidant avec leur premier vœu [5]. Les premiers retours que nous avons reçus de collègues franciliens enseignant en première année de Licence accréditent la conjecture selon laquelle ParcourSup a fonctionné pour le plus grand nombre comme une gigantesque loterie [6] visant à caser (sic [7]) les candidats. Il faudra du temps pour attester de cette dégradation de l’orientation sur une base statistiquement fondée et ce d’autant plus que ParcourSup a été mis en place précipitamment, avant les réformes du lycée, du baccalauréat et de l’orientation qui vont se déployer sur cette même base idéologique (différenciation [8] des établissements par les options et spécialités) dans les trois ans qui viennent. laisse deux questions pendantes. Avec quelle intention le ministère de l’Innovation s’est il fourvoyé dans une réforme aussi mal ficelée techniquement ? Comment expliquer l’adhésion apparente d’une partie significative des collègues au processus en cours, ou une résignation schizophrène qui revient au même ?

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Trois conclusions :

Nous en tirons pour notre part trois conclusions. La première, évidente, c’est que la dégradation du niveau d’exigence va se poursuivre avec la secondarisation de la licence et la différenciation des établissements. Pourquoi une société qui se désintéresse de son sort et ne se pense même plus elle-même comme société, se soucierait-elle d’une institution destinée, dans sa forme idéelle, à produire du savoir et à former des individus autonomes ? La seconde conclusion, évidente elle-aussi, c’est la faillite de ceux qui ont cru pouvoir infléchir de l’intérieur les lignes politiques des gouvernements qui se sont succédé depuis 12 ans. On conviendra que la cellule Enseignement Supérieur et Recherche d’En Marche a singulièrement manqué de nez en espérant obtenir par la courtisanerie une augmentation de budget de 4 milliards d’euros — sans parler des collègues qui ont cru qu’une loi de sélection transformerait leur établissement “de proximité” en un Harvard à la française. La troisième conclusion touche tous ceux qui, n’étant pas encore atteints par l’apathie et le repli sur la sphère privée, ne se satisfont pas de la situation. Si le seul juge des stratégies d’intervention dans l’espace public est la capacité à transformer le réel, alors il s’impose comme une évidence que tout ce qui a été entrepris depuis quinze ans a échoué. Ces stratégies peuvent se résumer à deux choses : être “contre” (contre la dernière dégradation du système universitaire, contre la casse du service public, contre… ) et quémander des moyens en pensant consensuel ce qui n’est que corporatiste. Cela invite, dans le moment de gros temps politique que nous allons traverser, à nous retrousser les manches pour imaginer et faire vivre un contre-horizon à l’Université et, à tout le moins, pour nous tenir debout [9]. Ceci, en gardant en ligne de mire la possibilité de fonder de nouvelles universités en réponse à la pression démographique inexorable.


[1On trouvera une représentation graphique du ralentissement dans l’article suivant : Parcoursup : 60 000 candidats toujours sans proposition

[2Après la première semaine, les candidats étaient contraints de faire un mouvement : 216 530 candidats sur 812 055 ont alors validé ce qui leur était proposé. L’opacité prévalant, on se reportera aux quelques données mises en ligne sur le site du ministère : www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/ Tableau de bord des indicateurs de ParcourSup

[3On trouvera sur le blog de Yann Bisiou une analyse intéressante des statistiques de ParcourSup : ParcourSup, la machine à exclure

[4Nous ne faisons évidemment pas référence à la polémique sur les 0,4% de candidats qui ont été tirés au sort, dont on sait maintenant la part de falsification et d’opportunisme : www.liberation.fr/ ParcourSup : les coulisses d’une réforme précipitée

[5Hormis en 2017, sous la mandature de Mme Vidal, où la communication ministérielle a consisté à faire porter à APB tous les maux, l’équipe d’APB a mis en ligne de nombreuses données chiffrées : www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/ Les données d’APB

[6www.liberation.fr/ Parcoursup : des désirs derrière des chiffres

[7www.lefigaro.fr/ Frédérique Vidal : « Tout le monde sera casé à la rentrée »

[8La différenciation est le mot clé principal avancé par le Comité Action Publique 2022 pour le supérieur (page 66) dans un rapport indigent qui suinte à chaque ligne le conformisme technocratique des petits hommes gris du néomanagement :
www.modernisation.gouv.fr/ Rapport du Comité Action Publique 2022
On appréciera la galerie de portrait des membres de cette commission :
www.modernisation.gouv.fr/ Présentation des membres du Comité Action Publique 2022

[9De ce point de vue, l’Université volante pose l’exigence minimale de refondation de l’Université dans un retour aux sources