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Université : une entreprise adepte de l’optimisation fiscale décroche le marché des tests d’anglais - Mediapart, 15 février 2021

mardi 16 février 2021, par Mariannick

Clément Le Foll et Clément Pouré (avec Yann Philippin et Amélie Poinssot) ;

Le gouvernement vient de confier l’organisation de tests d’anglais à l’université à une entreprise à la légitimité contestée, immatriculée à Chypre et adepte de l’optimisation fiscale, pour plus de 8 millions d’euros par an. Au grand dam du corps enseignant.

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Dans les facs vidées par le Covid-19 et qui se sentent abandonnées par l’État, l’attribution d’un marché public, fin décembre, a fait l’effet d’une petite bombe chez les enseignants en langue. L’objet de ce marché estimé à plus de 8 millions d’euros par an : l’organisation de tests et certifications en anglais pour des centaines de milliers d’étudiants en licence, BTS ou DUT.

Si quatre entreprises s’affrontaient au départ, le duel final a opposé ETS Global, une société qui fait référence (à l’origine du célèbre test Toefl), à PeopleCert, une entreprise fondée par un homme d’affaires grec et inconnue de la quasi-totalité des linguistes en France.

Si ETS Global était devant, PeopleCert a cassé ses tarifs de 34,72 % pendant la phase de négociation avec le ministère de l’enseignement supérieur, d’après nos informations, pour emporter finalement le contrat.

« La première chose que j’ai faite quand j’ai entendu ce nom, c’est d’aller voir leur site, qui comporte des fautes d’orthographe que je reprocherais à mes étudiants ! », raille Alexandra Sippel, maîtresse de conférences en cultures anglo-saxonnes à l’université Toulouse-Jean-Jaurès.

Le choix de l’État est d’autant plus étonnant que PeopleCert pratique l’optimisation fiscale agressive, selon des documents consultés par Mediapart.

PeopleCert International Limited, l’entité qui a signé avec le ministère, est la société de tête d’un groupe qui en compte une dizaine (à Athènes, Londres, Istanbul ou Dubaï). Elle est immatriculée à Chypre, paradis fiscal européen très prisé, notamment des oligarques russes.

C’était, lors de sa création, une société « boîte aux lettres » basée à l’adresse d’un cabinet de domiciliation chypriote. Elle contrôle deux sociétés britanniques, mais qui ne salarient que 8 personnes.

En réalité, l’essentiel du travail est effectué par les sociétés grecques du groupe, dont la principale, PeopleCert Global Services, employait 210 personnes en 2017 – en Grèce, le salaire minimum est presque deux fois moindre qu’en France.

Étonnamment, PeopleCert Global Services réalisait seulement 412 000 euros de résultat pour 9,2 millions de chiffre d’affaires en 2018, tandis que la coquille chypriote PeopleCert International engrangeait 3,4 millions d’euros de profits.

Il faut dire que les statuts de l’entité grecque autorisent deux des directeurs (dont le fils du fondateur) à effectuer « le transfert de n’importe quelle somme d’argent illimitée » vers les autres sociétés du groupe. En clair, le montage semble conçu pour transférer artificiellement les profits vers ce paradis fiscal.

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