Accueil > Revue de presse > Les députés veulent vider de son sens le CIR - Le Figaro, 19 octobre (...)

Les députés veulent vider de son sens le CIR - Le Figaro, 19 octobre 2010

samedi 23 octobre 2010

Pierre Lasry, président du directoire de LowendalMasaï, (photo), Hervé Estampes, senior director du groupe fiscal et financier de LowendalMasaï, dénoncent la volonté de la commission des finances de l’assemblée nationale de porter un coup fatal au crédit impôt recherche. Chaque entreprise innovante pourrait voir le montant de son crédit impôt recherche divisé par trois.

Alors que le projet de loi de finances pour 2011 vise à pérenniser un dispositif du crédit d’impôt recherche unanimement salué par les entreprises et les communautés universitaires et scientifiques pour ses vertus en matière de recherche et d’attractivité du territoire, la commission des finances de l’assemblée nationale vient d’introduire plusieurs amendements qui porteraient un coup fatal à nombre d’entreprises innovantes s’ils étaient adoptés.

La commission propose d’abaisser le forfait applicable aux dépenses de fonctionnement de 75% à 50% et de calculer le plafond de 100 millions d’euros de dépenses éligibles à l’échelle du groupe et non plus à l’échelle de chaque filiale. Elle propose également la suppression de la majoration du crédit impôt recherche permettant de favoriser l’embauche de jeunes docteurs, de supprimer la majoration accordée aux nouveaux entrants dans le dispositif et de plafonner les dépenses de sous-traitance. Ces cinq amendements vont entièrement vider de sa substance le dispositif du crédit impôt recherche dont tout le monde, du Président de la République aux entreprises en passant par la communauté scientifique, vante régulièrement l’efficacité.

Quel incroyable bond en arrière est aujourd’hui proposé par le Parlement ! Les 5 propositions ramèneraient l’enveloppe du crédit impôt recherche en 2011 à 800 millions d’euros pour plus de 14 000 entreprises bénéficiaires, soit une enveloppe identique à celle de 2007, qui concernait alors moins de 5000 bénéficiaires. Chaque entreprise innovante, dont une immense majorité de PME, verrait donc le montant de son crédit impôt recherche quasiment divisé par trois !

Hervé Estampes.JPG
Concernant la première proposition consistant à abaisser le forfait de droit commun applicable aux dépenses de fonctionnement de 75 à 50% : d’abord, ce taux de 50% ne correspond à aucune réalité économique, contrairement au taux actuel de 75%, fixé par ce même législateur dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009. La réalité des entreprises et en particulier des PME et des TPE, c’est que les frais de personnel et de fonctionnnement associés constituent souvent la seule catégorie de dépenses éligibles au crédit impôt recherche.

Par ailleurs, la seule notion de frais de fonctionnement reste indéfinie, variable d’une entreprise à l’autre et appréhendée comptablement de manière hétérogène d’une entreprise à l’autre. En augmentant la complexité du crédit impôt recherche et en introduisant de tels facteurs d’insécurité juridique, cette proposition va à l’encontre d’une exigence de lisibilité et d’attractivité du crédit impôt recherche.

La deuxième proposition porte sur le calcul du plafond des 100 millions d’euros de dépenses éligibles pour l’application du taux réduit à 5%,qui se ferait désormais à l’échelle du groupe et non plus à l’échelle de chaque filiale.

Les groupes français verront donc instantanément leur compétitivité se réduire face à leurs concurrents étrangers, dont il faut bien voir que les filiales implantées en France échapperont à cette mesure ! Rappelons également que l’effet de levier des investissements innovants des grands groupes est nettement supérieur à celui des PME, lorsque les grands groupes investissent, d’innombrables PME en profitent. C’est ce que l’inspection des finances a démontré dans son rapport de juillet 2010. Si elle est adoptée, cette réforme réduira massivement l’implantation de centres de recherche en France et entraînera les délocalisations qui étaient jusque là évitées grâce au dispositif actuel. C’est l’attractivité du territoire qui est clairement en jeu ici.

Que dire enfin de la suppression de l’avantage liée à l’embauche des jeunes docteurs ? Il est de notoriété publique que les jeunes docteurs de l’université ( bac+ 8) dont l’utilité à la recherche est évidente, accèdent très difficilement à l’entreprise qui leur préfère les bac + 5 des écoles d’ingénieurs. L’une des vertus essentielles du crédit impôt recherche est justement de rompre avec cette fâcheuse tradition française, pour un coût de 77 millions d’euros par an à l’Etat ( 1). Et que fait-on ? On supprime, de manière aveugle, injuste et inefficace économiquement. Quelle erreur stratégique !

Les amendements du parlement constituent un message désastreux adressé au monde de la recherche et des entreprises. Il est urgent de rectifier le tir dans l’intérêt de la compétitivité du pays.

( 1) Rapport de la MEC- Assemblée nationale- juin 2010- page 24 et 25 : " La MEC constate donc un faisceau d’indices permettant de penser que l’impact de la réforme du crédit impôt recherche est positif pour l’emploi dans la recherche et la collaboration des entreprises avec les laboratoires de recherche publics".


Voir en ligne : http://blog.lefigaro.fr/legales/201...