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Intervention de M.H. Amiable (députée GDR des Hauts de Seine) sur la proposition de loi relative à la formation des maîtres-1er février 2012

vendredi 3 février 2012

Proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres
Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 1er février 2012

Madame la présidente,
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner la proposition de loi que vous avez déposée le 10 janvier dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale pour modifier « certaines dispositions encadrant la formation des maîtres ».

Au nom du groupe GDR, je veux à nouveau dire notre exaspération à travailler dans ces conditions. A moins d’un mois de la fin de la session ordinaire censée marquer la fin de la législature, nous sommes invités à débattre d’un texte déposé depuis à peine plus de 20 jours !

Preuve de cette précipitation, notre collègue Grosperrin, auteur et rapporteur du texte, n’a réussi à rassembler derrière son initiative qu’une trentaine de ses collègues, là où on l’on voit habituellement les député-e-s du groupe UMP signer en bloc. L’improvisation est donc toujours au rendez-vous, ce qui ne nous change pas d’ailleurs beaucoup des habitudes prises dans ce dossier, à la droite de l’hémicycle et jusqu’au plus haut niveau de l’État ! Je pense par exemple à l’annonce surprise du président de la République, le 2 juin 2008, de la réforme de la masterisation et au chaos qui s’en est suivi.

Cette réforme n’est pas bonne et nous le savons toutes et tous ici, dans cette commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour avoir pris connaissance du rapport issu des travaux de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignant-e-s. En marquant à nouveau notre désaccord sur les propositions que ce rapport contient en seconde partie, je vous rappelle ici les termes du bilan sans appel qu’il a dressé de la réforme de la masterisation : traduction budgétaire délicate, mise en place d’une offre de formation insatisfaisante, accès diminué des étudiants d’origine modeste au master, déconnexion du diplôme et du concours, désorganisation de l’année de stage des professeurs recrutés et affaiblissement du vivier des candidat-e-s, démissions en augmentation dans le 2nd degré...

Plus grave, il faut redire solennellement aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui nous écoutent, et je pense en particulier à tous les parents d’élèves, que cette réforme, que vous envisagez en réalité de conforter avec votre proposition de loi, permet que des lauréat-e-s du concours d’enseignant-e-s soient placés en responsabilité devant une classe sans avoir jamais été formés !

Il suffit pour cela d’avoir d’être titulaire d’un master, quel qu’il soit, par exemple en finance ! Et je n’évoque pas ici la question des professeurs vacataires qui est encore beaucoup plus vaste...
Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas contre une élévation du niveau d’études requis pour devenir enseignant-e, bien au contraire, mais à la condition que des moyens soient véritablement donnés pour que toutes et tous aient réellement la chance de pouvoir mener des études longues. Nous ne transigeons pas en revanche sur les mesures qui s’imposent d’elles-mêmes pour sortir de cette crise profonde : abandon de la réforme actuelle et retour à une vraie formation professionnelle, entrée progressive dans le métier, plan pluriannel de recrutement.

De votre côté, vous vous êtes félicité dans votre rapport que « la mastérisation permet à la France de rompre avec le modèle traditionnel de recrutement de la fonction publique selon lequel l’État employeur organise des concours pour recruter et former à ses métiers des diplômés, eux-mêmes formés, par l’université, à des disciplines intellectuelles ».

Mais c’est la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, qui vous a visiblement ramené à la réalité, en décidant, le 28 novembre 2011 sur requête - je le rappelle - du SNES, du SNESUP, de Sauvons l’Université, de Sud-Éducation, de la FCPE, et du SGEN-CFDT, d’annuler en partie l’arrêté du 12 mai 2010 fixant les compétences à acquérir par les enseignant-e-s et CPE stagiaires et à annuler, d’autre part, les modalités d’évaluation et de titularisation des professeurs agrégés, telles qu’elles apparaissaient dans un second arrêté de la même date. Par cette décision, le conseil d’État a donc dit au ministre de l’Éducation nationale qu’il ne respectait pas la loi en l’enjoignant d’entamer une concertation pour régler le problème.

Aujourd’hui, vous vous faites la plume du ministre pour contourner cette décision du Conseil d’État et directement modifier le code de l’éducation. Et votre texte est porté à l’ordre du jour lors d’une semaine gouvernementale ; le gouvernement décidera probablement d’engager la procédure accélérée pour faire adopter le texte à marche forcée avant les échéances électorales ! Permettez moi de vous dire que ce n’est pas sérieux.

J’ajoute que si vous avez réalisé quelques auditions le temps d’une soirée, vous avez encore une fois omis d’entendre le premier syndicat de l’enseignement supérieur. De toutes façons, c’est bien toute la communauté éducative que vous avez désormais à dos puisqu’une dépêche titrait sur le « tollé » que votre texte a provoqué.

Je reviendrai, avec les collègues de mon groupe, sur le fond de cette proposition de loi à l’occasion de l’examen des articles. Je peux néanmoins vous dire notre opposition résolue à la dissolution des missions des IUFM, à une possible privatisation de la formation des enseignant-e-s, au remplacement du cahier des charges auquel est actuellement tenue de répondre la formation des maîtres par un simple référentiel même si, preuve de votre hâte, vous nous proposez un amendement aujourd’hui. Nous nous opposerons aussi à l’abrogation des références faites aux formations théorique et pratique, aux formations initiale et continue des maîtres - car enseigner est un métier- ainsi qu’à l’obligation de formation après leur recrutement des enseignant-e-s des établissements d’enseignement technologique.

Après les dizaines de milliers de suppressions de postes, la précarité renforcée dans l’éducation, le saccage des RASED, l’Éducation nationale va très, très mal. Les enseignant-e-s l’ont encore dit hier.

Nous défendrons donc, par voie d’amendement, la suppression de toutes ces dispositions, mais je veux en préalable vous demander, monsieur le rapporteur, au nom des député-e-s communistes et du Parti de gauche, mais aussi au nom des futurs enseignant-e-s et au nom de nos enfants qui ont besoin de prendre le chemin de l’école en sachant qu’ils auront devant eux des adultes formés, capables de tous les mener vers la réussite et l’épanouissement, de retirer votre proposition de loi.