Accueil > Veille masterisation/ concours > Education : le budget est insuffisant pour relancer un système à bout de (...)

Education : le budget est insuffisant pour relancer un système à bout de souffle - Le Monde, 1er octobre 2010

mercredi 13 octobre 2010

Article paru dans l’édition du Monde du 01.10.10

L’augmentation du budget de 1,9 % dans l’enseignement supérieur est moins importante qu’en Allemagne. Celle-ci souhaite consacrer 10 % de son PIB à l’éducation contre 6,6 % en France.

Avec une hausse de 1,6 % du budget 2011 dans l’enseignement scolaire et de 1,9 % dans l’enseignement supérieur, l’éducation est-elle traitée comme un secteur d’avenir en France ? Le gouvernement évite dans le supérieur, certes, les coupes budgétaires qui sont de mise dans d’autres secteurs. Si on ajoute au maintien des postes, les 248 millions d’euros de crédits supplémentaires et les 21 milliards du grand emprunt (enseignement et recherche), cela donne l’impression que beaucoup est fait pour nos universités. En particulier pour certaines dans le souci de se doter d’un système qui tienne son rang dans les classements internationaux.

Pouvait-on mieux faire dans un contexte où le premier poste de l’Etat reste le remboursement de la dette ? L’exemple des Allemands et des Américains tend à prouver qu’on peut poser l’éducation comme un facteur de croissance, même avec des finances à assainir. « L’éducation est un problème économique, c’est « le » problème économique fondamental », scandait Barack Obama, le 9 août, en visite à l’université d’Austin, au Texas.

Dans son exercice budgétaire 2010-2011, le président américain a fait de ce secteur sa principale exception au gel des dépenses (hors sécurité nationale), le gonflant de 31 %, avec pour objectif d’augmenter son nombre d’étudiants de 8 millions d’ici à 2020. Il ne s’agit certes que du budget fédéral, dans un pays où les financements par les Etats et par le privé sont beaucoup plus importants qu’en France. Mais le geste est là.

Plus près de nous, les Allemands ont alloué à leur ministère fédéral de l’éducation et de la recherche un budget en hausse de 7,2 % (soit une augmentation de 783 millions d’euros) par rapport à 2010. « Nous mettons en place les fondements pour le bien et la sûreté sociale de la génération suivante. L’éducation et la recherche sont la priorité absolue pour le gouvernement », rappelait récemment la ministre fédérale de l’enseignement et de la recherche (BMBF), Annette Schavan, quand la chancelière, Angela Merkel, avait parlé de créer une « République de l’éducation ». Son objectif est de consacrer à ce secteur 10 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2013, alors qu’en France on plafonne à 6,6 %.

Pourtant, la réussite de l’enseignement supérieur se joue bien en amont de l’université. Justement là où la saignée continue en France. Ce sont 16 000 postes qui partiront encore en fumée à la rentrée 2011 (8 967 dans le primaire, 4 800 dans le secondaire, 1 633 dans le privé et 600 emplois administratifs).

Le budget de l’enseignement scolaire a beau croître de 1,6 %, il ne s’agit que d’une croissance mécanique non voulue puisque l’idée qui domine, au ministère de l’éducation nationale, c’est qu’en obligeant le système à se réformer on va l’améliorer. L’objectif officiel reste d’amener un jeune sur deux à un diplôme du supérieur. Ce n’est le cas que de 41 % d’une génération et ce taux bouge peu. En partie parce que le pourcentage de bacheliers ne croît plus qu’à la marge depuis 1995. La machine s’est grippée.

Le ministre de l’éducation, Luc Chatel, parie sur la réforme du lycée et son aide individuelle pour travailler à ce déblocage. Mais en amont il y a fort à faire, puisque notre enseignement scolaire laisse sortir 18 % d’une classe d’âge sans diplôme. Le collège reste un maillon faible et l’enseignement primaire ne va pas mieux, qui lui envoie bon an mal an 15 % de mauvais lecteurs. Des élèves condamnés dès 11 ans à l’échec scolaire.

En abandonnant à leur déterminisme social ces enfants de milieux défavorisés, on obère leur destin personnel, sans doute, mais on prive aussi le pays de forces pour l’avenir. Si l’on en croit Jacques Attali, le différentiel de 0,7 % de croissance que nous avons avec la Finlande n’est pas à chercher ailleurs que dans le niveau des écoliers à la sortie de l’école primaire. Or, sur le primaire, la France dépense 8 % de moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Elle coupe encore cette année et prévoit de garder les ciseaux en 2012 et 2013.

Maryline Baumard