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Communiqué du C3N (9 février 2009)

mardi 10 février 2009, par Elie

Le C3N, qui regroupe le bureau du Conseil Scientifique (CS) du CNRS, les présidents des Conseils Scientifiques de Département (CSD) et le bureau de la Conférence des Présidents des sections du Comité National (CPCN), partage l’émotion de tous les personnels de la Recherche, choqués par le discours prononcé jeudi dernier 22 janvier par le président de la République.

Le C3N hésite pour sa part entre la sidération et la colère devant l’agressivité délibérée du ton, que ne justifient ni le caractère sommaire des analyses assénées, ni le caractère platement comptable des ambitions mises en avant.

Il ne saurait accepter la condamnation des organismes français au motif de comparaisons mal informées et de mauvaise foi avec l’étranger ni, sous couleur d’évaluation, la mise en accusation globale des enseignants-chercheurs, auxquels le président-procureur promet des millions d’euros tout en les rendant, au fond, responsables devant l’opinion, par l’insuffisance prétendue de leurs performances, de tous les maux économiques du pays.

Le C3N dénonce l’ingérence brutale et permanente dans la sphère des compétences académiques d’un pouvoir politique qui court-circuite toutes les instances et toutes les procédures de concertation en nommant à tour de bras des « comités » majoritairement acquis à ses positions.

Le C3N estime que l’heure est à la coordination de l’action entre les personnels des organismes de recherche et ceux des universités. Il se déclare partisan de la tenue d’une conférence plénière du Comité national de la recherche scientifique, et pense que cette conférence devrait donner lieu, sous les formes appropriées, à une convergence de réflexion et d’action avec le Conseil national des Universités. À cet effet, le C3N prendra rapidement contact avec la Conférence des Présidents du Conseil National des Universités (CPCNU).

Dans l’immédiat, constatant l’accélération et l’aggravation depuis janvier de l’ensemble des évolutions négatives contre lesquelles il n’a cessé de mettre en garde depuis 2008, le C3N appelle solennellement la communauté scientifique à un moratoire des expertises à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et à l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES).

Chaque évaluateur pressenti ou potentiel est invité à signifier son engagement dans ce moratoire par un courrier électronique adressé aux responsables de ces deux agences, avec copie à la ministre.

Pour information, les adresses sont « jacqueline.lecourtier@agencerecherche.fr », « jean-francois.dhainaut@aeres-evaluation.fr » et « valerie.pecresse@recherche.gouv.fr ».
Afin de nous permettre de suivre sur un plan strictement quantitatif la progression de cette
action, nous vous proposons également de mettre votre message en copie à l’adresse « c3n.moratoire@gmail.com »

Par cet appel, qui lui paraît traduire les sentiments profonds du monde de la recherche et auquel il invite toutes les instances et structures concernées à s’associer selon les intentions et selon les formes qui leur sont propres, le C3N assume sa part de responsabilité dans une situation désormais devenue inacceptable.

Dans cet esprit, le C3N estime que le retour à un dialogue serein et constructif sur les réformes à opérer ne saurait intervenir :

- que si le gouvernement adopte enfin des méthodes de concertation dignes de ce nom
- et que, par des prises de position publiques suivies d’actes concrets, rapides et
formalisés, il s’engage dans la voie de la reconnaissance et du renforcement du rôle national des organismes dans la structuration de la recherche (et non pas dans celle de leur négation et de leur démantèlement) ;

** exprime clairement sa compréhension de la nécessité scientifique du caractère
pluridisciplinaire du CNRS ;

** préserve l’avenir des laboratoires mixtes (les UMR) et l’engagement du CNRS
dans ces unités ;

** se fixe le cap de relancer l’emploi scientifique sous forme de postes permanents pour toutes les catégories de personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche (et non pas celui d’instaurer et de généraliser un système d’emplois contractuels précaires) ;

** consent à reconnaître aux enseignants-chercheurs les moyens d’assurer leurs missions de recherche (au lieu de continuer à les accabler de tâches bureaucratiques et de mettre ces missions en concurrence avec leurs missions d’enseignement) ;

** garantit, pour les laboratoires comme pour les chercheurs et les enseignants-chercheurs, la prédominance du modèle de l’évaluation scientifique par les pairs, avec une proportion significative d’élus, sur le double principe intangible de l’indépendance académique et de la compétence scientifique.

Au vu des réponses qui auront entretemps été apportées par la ministre, il appartiendra à la conférence plénière du Comité national, dont le C3N est partie intégrante, de se prononcer pour la suspension ou la prolongation du moratoire et de décider, le cas échéant, des autres actions collectives qu’elle jugera appropriées.

Le C3N rappelle enfin qu’il s’est engagé depuis plusieurs semaines dans une large consultation des unités de recherches sur le thème du maintien de la « continuité thématique » au CNRS. La question du maintien de la biologie et de l’informatique en son sein est au coeur de la lutte pour que le principal organisme de recherche national puisse continuer à exercer un rôle efficace auprès des universités dans un système de recherche français qui, contrairement aux allégations du président de la République, n’a jamais cessé de se réformer et ne l’a pas attendu pour cela. Cette question est déterminante pour assurer une interdisciplinarité complète à l’intérieur de l’organisme - interdisciplinarité plus que jamais nécessaire si l’on veut bien considérer que tous les champs disciplinaires sans exception (y compris les sciences humaines et sociales) sont requis pour répondre aux grands défis nationaux et planétaires complexes du XXIe siècle.

Le C3N appelle donc les laboratoires qui ne se seraient pas encore exprimés sur ce sujet à organiser leur vote et à en communiquer le résultat (avant le 15 février 2009) à l’adresse suivante : continuite.thematique@c3n-recherche-scientifique.fr. On peut déjà, sur le site www.c3n-recherche-scientifique.fr, s’informer en temps réel des progrès et des résultats de cette consultation, qui a déjà recueilli un très large soutien puisqu’à la date de ce communiqué, 564 unités ont déjà répondu, et que parmi elles, 551 unités, d’un effectif total de 54603 personnes, dont 32146 personnels permanents (de toutes catégories) l’approuvent.