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"Les négociations avec Pécresse vues de l’intérieur", Observatoire Boivigny, 4 mars 2009

vendredi 6 mars 2009, par Elie

Pour lire cette interview sur le site de l’Observatoire Boivigny.

Sept ans après la dernière négociation de ce type, les principaux syndicats de l’enseignement supérieur discutent actuellement avec la ministre Valérie Pécresse sur les sujets qui fâchent : refonte du décret de 84, contrat doctoral, masterisation des IUFM… Patrick Fridenson, un des quatre négociateurs du SGEN-CFDT, raconte.

Comment se passe l’arrivée au ministère ?

Le déroulement est très ritualisé : on rentre dans le ministère après avoir montré ses papiers à la sécurité, on se retrouve encadré par une masse de micros, de caméras, puis on va s’installer à la table de négociation, on a de nouveau une séquence photos et vidéo et, quand on ressort, à n’importe quelle heure, les journalistes sont encore là. C’est un grand moment de médiatisation.

Comment s’organise la table de négociation ?

Il y a plusieurs tables mises bout à bout pour former un rectangle. D’un côté, il y a la ministre et son équipe : le directeur de cabinet, le conseiller social, le conseiller en sciences de l’Homme, le directeur de l’évaluation et des finances, le directeur des affaires juridiques, le sous-directeur du personnel et un ou deux autres que je n’identifie pas. Il y a également, et ça c’est la première fois que je le vois dans une négociation sur l’enseignement supérieur depuis 1974, une médiatrice. L’équipe de la ministre est plutôt féminine, alors qu’à l’autre bout de la table, à mon grand regret, les représentants syndicaux de FO, du SGEN-CFDT, des Autonomes et de l’UNSA, sont majoritairement masculins.

Comment se déroule la négociation elle-même ?

Manifestants en février, à Paris C’est du non-stop : on sait quand on commence, mais on ne sait pas quand on finit. Mardi (03/03/09), ça a duré de 14h à minuit et vendredi (27/02/09), ça avait duré 7h. Il n’y a pas de pauses, quand vient l’heure des repas, on nous apporte des sandwichs et des boissons. L’idée, c’est on avance, on avance, on avance… Vendredi, on a défini les grand principes (voir document ci-dessous), on a relevé les points d’accord, et mardi on a travaillé le décret de 84 morceau par morceau, jusqu’à trouver un accord. Une nouvelle version du texte est produite au fur et à mesure.

L’atmosphère est-elle bonne ?

Elle est hilare ! Ce sont des négociations très sérieuses, mais tout le monde plaisante, ce n’est pas crispé du tout, je n’avais jamais vu ça auparavant. Il y a des moments de tension bien sûr, mais il y a toujours quelqu’un qui revient avec un mot drôle, c’est un mélange d’affrontements et de grands moments de détente.

Y a-t-il des aspects nouveaux dans cette négociation qui n’existaient pas auparavant ?

On est entré dans la négociation à l’ère d’Internet. Par exemple le ministère a acheté des espaces publicitaires sur Google pour apparaître dans les liens commerciaux ! Mais surtout, ça nous a permis d’entrer dans la démocratie électronique. Le SGEN-CFDT dispose de deux ordinateurs portables, l’un nous sert à consulter en temps réel les listes de diffusion avec les avis de nos adhérents et l’autre à envoyer une fois par heure l’état d’avancement des négociations. On est donc en interaction permanente avec notre base.

Tout se passe-t-il à la table des négociations ?

Non, il y a toute une série de choses qui se passent hors réunions, en coulisse. Au ministère bien sûr, mais aussi à l’Elysée, à Matignon. Il y a par exemple celui que l’on surnomme « l’absent », le SNESUP, qui ne souhaite pour l’instant pas participer aux négociations. En ce moment, la ministre fait la danse du ventre devant ce syndicat et il fait monter les enchères. Mais quand leurs représentants viennent discuter au ministère, ce n’est pas inscrit dans l’agenda de Valérie Pécresse. Et, de notre côté, on se transforme en enquêteur pour savoir ce que les uns et les autres pensent : il y a les médias, comme l’AEF, des réunions avec les syndicats amis, et pour le reste, on se débrouille pour avoir des infos par l’intermédiaire des copains.

Aujourd’hui, où en est-on dans la négociation ?

Je dirais qu’on est au milieu du gué. Sur le décret de 84, on a bien avancé, des accords on été trouvés même si ça achoppe encore sur les promotions des enseignants-chercheurs. Cela dit, le décret devra ensuite repasser par le Comité technique paritaire des personnels de statut universitaire (C.T.P.U.), le Conseil d’Etat : on n’a pas fini d’en entendre parler.

Et puis, il y a le reste de « la liste de courses », ce que la ministre appelle « les sujets d’intérêts communs » et que nous appelons « les sujets qui fâchent » : le contrat doctoral, la masterisation des IUFM, les modalités de répartition du budget entre les établissements…
Vendredi, on abordera le thème du Conseil national des universités (CNU), mardi, on parlera du contrat doctoral, qui est pour l’instant gelé, avec les syndicats étudiants et de jeunes chercheurs. Ça devrait avancer. En revanche, je suis plus sceptique sur la masterisation des IUFM, car il y a de gros désaccords. En outre, le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de l’Education nationale ne sont pas sur la même longueur d’onde.

Propos recueillis par David Allais