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La loi LRU serait-elle inapplicable ? Analyse des rapports de 2008 et 2009 sur l’immobilier universitaire parisien - par SLR, 16 octobre 2009

jeudi 5 novembre 2009, par Laurence

Contexte

Le 10 Août 2007 était votée la loi nommée Libertés et Responsabilités des Universités, conçue par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche après consultation des seuls présidents d’université et d’un syndicaliste étudiant. La mise en concurrence des universités, inscrite en filigrane dans cette loi, est apparue au grand jour lors du Plan Campus de Janvier 2008, destiné à ne financer que dix projets immobiliers malgré l’état de délabrement général de tout notre parc universitaire. Pour l’Ile de France, deux projets en banlieue furent retenus, tandis que ceux de Paris intra-muros se voyaient suspendus à un audit demandé par le gouvernement. Remis en Novembre 2007, il ne fut alors pas rendu public, le ministère préférant demander immédiatement une étude chargée de trouver une mise en œuvre crédible du plan Campus à Paris, dont l’audit, à présent disponible, montrait la difficulté. Derrière les précautions langagières usuelles de rapporteurs s’adressant à leur commanditaire, on peut lire dans les deux documents une remise en cause de la politique suivie.

L’audit de 2008

Cet audit a été commandé à l’Inspection Général des Finances (qui l’a publié sur son site à une date indéterminée), à l’Inspection Générale de L’Administration, de l’Education Nationale et de la Recherche, et au Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (mais pas une seule ligne ne concerne ce point dans le document). Il rappelle d’abord que c’est le Premier Empire, régime centralisateur par essence, qui confia aux départements, communes et arrondissement la gestion des locaux d’instruction publique. La Sorbonne fut elle aussi cédée à la ville par le décret du 8 Février 1852, juste avant de lancer sa reconstruction. Quant à la loi du 12 Novembre 1968, qui éclata l’université de Paris en plusieurs établissements, elle institua un régime d’indivision entre eux pour tous ses legs ou achats antérieurs. En outre, les rapporteurs notent que sur les 1,2 millions de mètres carrés occupés par les universités parisiennes, 700 000 le sont dans des bâtiments utilisés en commun. Mettre en concurrence sur le plan immobilier des institutions aussi interdépendantes était donc pour le moins précipité.

L’audit dénonce par ailleurs une incroyable gabegie dans les services de l’État. Pour certains terrains et bâtiments, on ne sait pas qui, de la Ville ou de l’État, est le propriétaire, les arrêtés d’affectation étant introuvables. L’audit considère comme inutilisable le Tableau Général des Propriétés de l’Etat, et s’est rabattu sur les données du ministère, issues d’enquêtes auprès des universités qui ont évidemment intérêt à minimiser leur superficie. Cette disparité des sources se solde par des imprécisions et des confusions dans les unités de mesure (surfaces utiles ou nettes ?) auxquelles s’ajoutent l’incomplétude des bilans annuels rédigés par les établissements. Pire encore : la Chancellerie des Universités, seule à disposer des données détaillées sur l’immobilier historique, qu’elle occupe en partie, a refusé de communiquer certaines informations aux rapporteurs. Quant au rectorat de Paris, alors que la politique affichée est à la séparation des locaux, il a pris récemment l’initiative d’en faire partager un à deux universités même pas partenaires.

Mais les présidents d’université ne sont pas en reste. L’audit déplore leur « logique de guichet », fondant leur demande non sur leurs besoins mais sur les montants en jeux à chaque annonce du ministère. Le ridicule est atteint lorsque certains ont confondu dotation en capital et perception des intérêts du dit. L’audit épingle particulièrement le président de Paris VI, qui s’était engagé à accueillir ses collègues de Paris III pour permettre le désamiantage du site de Censier, et qui s’est dédit suite à des difficultés imprévues sur le chantier de Jussieu, en en prévenant Paris III que 18 mois après sa décision (et ce président ose demander la pleine propriété de ses locaux !). Plus généralement, les rapporteurs considèrent que « la tentation de l’opportunisme et de l’individualisme exposent au risque de valider des projets immobiliers sans véritable contenu pédagogique et scientifique. »

L’audit conclut qu’une « expertise globalisée et mutualisée sur l’immobilier parisien » est une nécessité, et s’étonne que l’Etablissement Public d’Aménagement Universitaire, qui pourrait jouer ce rôle depuis sa création en 2006 soit « demeuré une coquille vide ». On est donc loin de l’autonomie souhaitée par le ministère, même si les rapporteurs énoncent une kyrielle de recommandations pour « accompagner » (sic) les établissements « sans remettre en cause la loi du 10 Août » (la nécessité de le préciser en dit long). On ne les détaillera pas, l’individualisme des présidents d’université en ayant rendu caduque une bonne partie. On examinera en revanche avec intérêt la carte des deux cents implantations des universités concernées.

Les rapporteurs ont également analysé l’état des bibliothèques, et ont spontanément étendu leur mission, ce dont il faut les féliciter, à la condition étudiante, oubli commun aux commanditaires de l’audit et aux présidents d’université, très critiqués à ce sujet. Sur ces deux points, nous allons retrouver leurs observations, à peu près inchangées, dans le rapport suivant.

Le rapport de 2009

Ce rapport a été commandé à un ancien directeur du CNRS, Bernard Larrouturou et a été publié ici. Il a pris lui aussi la liberté d’étendre son investigation, déjà élargie suite à l’audit de 2008, en s’intéressant à toute la région Ile de France (avec même quelques remarques au niveau national), et plus seulement à Paris intra-muros. Les projets en banlieue sont en effet conditionnés au bon plaisir des présidents d’universités parisiennes susceptibles de partir, et la complexité de la situation, ajoutée à des promesses budgétaires non tenues, a rendu ceux-ci peu coopératifs. Le Plan Campus n’est donc pas près d’être finalisé.

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