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Compte rendu de l’AG de Jussieu (à l’appel de SLU et SLR) le 29 novembre

Jeudi 29 novembre 2007

jeudi 29 novembre 2007, par Laurence

[(Compte-rendu de l’assemblée générale des personnels de l’enseignement
supérieur et de la recherche (appel émanant de SLU et SLR) du jeudi 29 novembre 2007, Paris, Jussieu, amphi B3.

L’AG démarre à 12h15 et s’arrête comme prévu à 14h, l’amphi devant être
libéré. Elle a rassemblé vraisemblablement plus de 400 personnes en
permanence, venant de plusieurs dizaines d’universités. Un recensement
non exhaustif faisait état d’environ 25 universités « représentées »,
parfois par des personnes mandatées par des AG de personnels. Elle se
tient en deux temps : débat sur les positions quant à la LRU (donc avec
beaucoup de points d’information déjà connus de beaucoup de présents),
débat sur les modalités d’action. Voici un résumé assez brut des
prises de parole successives (les noms de certains
orateurs manquent).
)]

I- Sur la LRU

Pour commencer, les orateurs (Clément Mouhot, chargé de recherche de Paris IX en mathématique et Marie-Pierre Gaviano de l’Université de Franche-Comté) rappellent que l’appel pour cette assemblée résulte d’une initiative commune prise par le collectif SLU (Sauvons l’Université) qui s’est constituée à partir d’une tribune publiée par le journal Le Monde (« Les
présidents d’universités ne parlent pas en notre nom… ») et le collectif parisien de SLR (Sauvons la recherche).

Il est rappelé que SLU est une tentative pour fédérer les énergies
individuelles, institutions et disciplines opposées à a loi LRU, dans
une démarche parfaitement unitaire. Le collectif a mis en place un site
internet (www.sauvonsluniversite.com) et y a lancé une pétition depuis lundi 26/11 qui rassemble déjà plus d’un millier de signatures. Il est en train de se transformer en association à laquelle on pourra adhérer en allant sur le site, il
suggère la constitution de comités locaux SLU à déclarer sur le site
également.

Georges Debrégeas, vice-président de SLR, signale que SLR a également
lancé une 2e pétition* mercredi 28/11, en ligne sur son site et qu’il
serait souhaitable de signer les deux pétitions.

Il prend ensuite la parole assez longuement et avec un certain talent :

- L’UNEF vient d’appeler à l’arrêt du mouvement étudiant après une
négociation avec l’UNI, le ministère et la CPU. Rien n’est sorti de
cette négociation, puisque l’UNEF n’a obtenu que la confirmation de
promesses déjà faites ces derniers mois, voire pour certaines dès la
campagne de Sarkozy : promesse de non augmentation des frais
d’inscription ; promesse d’un cadrage national des diplômes ; promesse
d’un milliard de plus par an pendant cinq ans. Il décortique cette
dernière promesse pour l’année 2008 telle que prévue par le budget 2008 : aucune création de poste statutaire ce qui est "une première depuis
40 ans", ce qui signifie que le niveau d’encadrement restera inchangé ;
le milliard se répartit entre des dégrèvements fiscaux (crédit impôt
recherche pour les entreprises) et des rattrapages (l’État honore
quelques dettes, dont celles courant parfois depuis 2000 et liées aux
travaux de Jussieu, Collège de France, université de Mulhouse).
L’augmentation réelle des crédits pour l’enseignement supérieur dont se
prévaut la ministre ne serait en fait que de 0,5 %. La seule avancée
obtenue par l’UNEF serait la création d’un 6e échelon pour les bourses
étudiantes (10 millions pour 100 000 étudiants) qui reviendrait à 30
euros/mois/boursier, création en fait annoncée dès octobre 2007.

- Il faut demander la "création de postes statutaires". Quand 50% des
crédits prévus pour l’enseignement supérieur au budget transitent par le
privé, c’est le produit de l’impôt qui est affecté par le privé à une
recherche qu’il choisit. Le budget 2008 procède donc bel et bien à un
"désengagement de l’État" et en même temps fait perdre au contribuable
tout contrôle sur l’utilisation de la moitié du montant de son impôt
destiné à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’orateur
rapproche cette évolution de la montée en puissance dans le même budget
de l’ANR qui voit ses fonds croître de 16% (5 fois le budget du CNRS)
aux dépens des laboratoires.

J-L. Fournel, Université Paris VIII :

La loi LRU est une machine à déconstruire "la démocratie universitaire",
elle instaure un nouveau système de gouvernement de l’université en
rendant possible un gouvernement par un président entouré d’un groupe
restreint de personnes (en faisant disparaître les compétences du
Conseil scientifique, en organisant de nouveaux scrutins etc.). Le
calendrier fixé par le ministère contraint fortement notre riposte : en
février 2008 au plus tard, les statuts modifiés doivent être adoptés par
les universités ; en juin 2008 au plus tard, les nouvelles élections
universitaires doivent se tenir.


Regis Salado, Paris VII :

Il rappelle ce qui se passe pour les formations, pour l’"habilitation
des diplômes" de la vague 2009-2012. Le calendrier a été brutalement
accéléré et le ministère (après Sarkozy, Pécresse et Saint-Girons)
réclame l’aménagement des formations dans le sens de la
"pré-professionalisation" et de la "pluridisciplinarité" en L1.
Présidents d’université et CEVU relaient ces instructions. Il faut y
voir des attaques contre les licences disciplinaires, car ces
aménagements doivent se faire à moyens constants, ce qui signifie que
les heures pour les UE de pré-professionalisation doivent être prises
sur des heures disciplinaires. Ces enseignements nouveaux pourraient
être assurés par les SIOU (services d’orientation universitaires) et par
des prestataires de services extérieurs (ce qui amènera transferts de
budget au privé et fonte des services des enseignants…).


Jean Malifaud, Paris VII, SNESup :

Il intervient sur l’instauration de la concurrence entre universités par
cette loi, sur la présidentialisation de la gestion universitaire, sur
la « fin supposée des commissions de spécialistes ». Il affirme que le
mouvement étudiant ne reflue pas, même si la voix de la communauté
universitaire est de fait confisquée par la CPU et l’UNEF.

Un représentant du collectif ENS Jourdan :

Les commissions de spécialistes sont vouées à disparaître en août 2008
et sont remplacées par des comités de sélection nommés par le président
de l’université. Le CA nouveau fixera la charge horaire des enseignants.
Sous prétexte d’attirer les meilleurs enseignants étrangers, le
président pourra gérer à sa convenance la PEDR, dont le cahier des
charges de la LRU révèle que les présidents sont invités à la
restreindre et à la moduler "suivant la façon de servir" des enseignants.

Il fait le lien avec les évolutions de l’enseignement secondaire :

- 11300 postes seront supprimés à la rentrée prochaine et la commission Pochard réunie en
septembre 2007 (à laquelle participent Michel Rocard, mais aussi le pdt
de l’Institut Montaigne qui a édité une plaquette sur « l’autonomie des
lycées »…) est déjà en activité.

Christine Plantet, Lyon II :

Souhaite que l’assemblée adopte une stratégie commune face à
l’accélération du calendrier de l’application de la loi LRU, les
présidents d’université demandant examen et vote des nouveaux statuts dès maintenant.

Isabelle This, université de Paris XIII et membre de SLR Paris :

Il faut réaffirmer nos besoins en moyens, dire que les CA nouveaux
prendront de mauvaises décisions en étant peu représentatifs et peu
informés. Elle évoque (trop tôt donc !) des moyens d’action : boycott de
l’AERES (pour ceux qui sont sollicités comme experts), grève du zèle
pour l’ANR (envoi de milliers de projets bidons), boycott des élections
universitaires.

Cédric Lombard, CNRS :

Il revient sur l’inquiétude des organismes de recherche, sur la mise en
concurrence systématique des équipes mise en place par l’ANR et l’AERES,
sur la précarité des personnels que l’ANR renforce (par le biais des
contrats divers, post-doc et autres, financés par l’ANR), sur le
démantèlement en cours du CNRS (la commission d’Aubert souhaite verser
les UMR dans les universités, le département des Sciences de la Vie est
promis à une morte certaine en 2008 et serait remplacé par des agences
consacrées aux maladies et "branchées" sur des projets industriels
intéressant les laboratoires pharmaceutiques).

J. Salem, Paris I (qui en profite pour faire de la pub à son séminaire "Marx au XXIe siècle"), très applaudi :

La LRU s’inscrit dans un projet de casse des humanités et dans une
stratégie plus longue de la "réforme ininterrompue"
(semestrialisation, LMD). "Nous remercions les étudiants de leur beau
mouvement."

Une représentante des BIATOSS et ITA, Paris VII :

Cette loi n’est qu’une étape dans la casse du service public qui vise à
remettre en cause les statuts de la fonction publique, à l’université
comme auparavant à La Poste par exemple. Elle aboutira à une
déstabilisation des personnels, à la destruction des collectifs de
travail et des oppositions. Elle demande que l’on se prononce en faveur
de l’abrogation pure et simple de la LRU et non en faveur d’un
aménagement laborieux ou d’un moratoire.

Claudia, étudiante Master II histoire, Paris VII :

Elle appelle les enseignants à s’engager dans les AG étudiantes qui leur
sont ouvertes, comme la coordination étudiante l’a rappelé.

II- Sur l’action

- Les organisateurs de l’AG appellent à une "journée de mobilisation
unitaire le jeudi 6/12/2007".

- Ils appellent à faire voter par les diverses instances universitaires
des motions contre la LRU.

- Christophe Giudiccelli, Paris III : à Censier, le mouvement étudiant
ne s’essouffle pas, mais il annonce que le président (il précise qu’il
est SNESup) organise une consultation à bulletins secrets sur le seul
blocage. Comme modalités d’action, il suggère d’"enrayer le processus
d’application de la LR"* càd les votes dans les Conseils sur les
nouveaux statuts ; d’instaurer un "moratoire sur les maquettes" ; de "se
constituer en coordination" afin de pouvoir lancer des mots d’ordre ;
d’entrer en "grève".

- Une allocataire moniteur de Paris VII témoigne de ce que le président
a fait intervenir la police ce matin à PRG et de la réussite du boycott
du vote électronique dans cette université.

- Valérie Robert, Paris III, présente une tribune à publier pour
s’adresser au grand public.

- Marc Champesme, Paris XIII, SNESup national : appelle à se joindre aux
étudiants dans leurs AG et à y être visibles, à s’associer à leurs
journées de mobilisation, à associer les personnels BIATOO et ITA.

- Eric Passé, Paris III, sociologue des médias : il faut
"instrumentaliser les médias", les intéresser par "du nouveau" et ce
nouveau c’est le nouvel acteur que constitue le collectif. Il propose
que soit rédigée pour être publiée dans Le Monde une "Lettre ouverte
d’enseignants-chercheurs à la ministre", que soit organisée une
conférence de presse le 5 décembre, veille de la journée d’action.

Les organisateurs de l’AG ont préparé un texte et souhaitent que l’AG
se prononce sur celui-ci. L’assemblée débat de certaines formulations,
principalement sur trois points et vote sur chacun :

- le texte initial ne comporte pas le mot "abrogation" qui semble
tracer un clivage dans certaines AG de personnels (par ex à Paris XII,
d’après B. Rodriguez MCF espagnol). Certains préféreraient demander une
suspension de la mise en place de la loi pour que se tienne un débat sur
celle-ci qui fasse entendre des contre-propositions à celle-ci. Lors du
vote, le terme "abrogation" est retenu.

- le texte initial fait référence aux politiques universitaires qui
contribuent au déclin de l’université "depuis vingt ans. Des voix
demandent le retrait de cette datation, d’autres le maintien (A.
Lacroix-Riz Paris VII , G. Debrégeas SLR et d’autres). Jean Malifaud,
SNESup, souligne que la LRU constitue un saut qualitatif dans une
histoire plus longue. Lors du vote, une formulation plus vague ("’ce
gouvernement et ses prédécesseurs") est retenue.

- le texte initial appelle à une journée d’action le 6/12 : la mention
explicite de la grève est demandée. Lors du vote, le terme "grève"
est retenu.

Ainsi remanié, le texte est voté à l’unanimité, moins deux ou trois
abstentions (aucun vote contre donc), dont une voix qui trouve
l’ensemble trop timide.

Le texte final de la motion adoptée est sur le site :
www.sauvonsluniversite.fr

Julie Claustre, MCF Histoire Médiévale, Université de Reims