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Motion de la 32e section du CNU (Mondes anciens et médiévaux)

mercredi 19 mars 2008, par Mathieu

Réorganisation du CNRS
Le point de vue de la section 32, Mondes anciens et médiévaux

La section 32, dont les champs d’étude concernent particulièrement l’histoire, l’archéologie, l’histoire de l’art et la philologie, et mobilisent des compétences multidisciplinaires, rares et spécifiques aussi bien en archéométrie, dans l’étude des langues et des modes d’écriture anciens, que dans les techniques d’élaboration des documents (épigraphie, papyrologie, sigillographie, paléographie, etc.), réaffirme, comme elle l’a fait récemment dans le rapport de conjoncture, le rôle éminent joué par le CNRS dans la structuration et le développement de ces domaines et disciplines de recherche – en particulier, ceux, nombreux, qui sont peu représentés à l’Université – et de ses équipements de recherche (bibliothèques, RTP, centres de compétences numériques, plates-formes technologiques).

Le modèle d’organisation proposé au CNRS par la Ministre de la Recherche se fonde sur des instituts qui seraient davantage des agences de moyens que des opérateurs de recherche, à l’inverse des départements actuels et à l’image de l’INSU et de l’IN2P3, structures intégrées dans le CNRS, largement bénéficiaires de ses ressources, mais dont le directeur est nommé par le gouvernement et non par le président du CNRS. La section 32 demande que le débat qui s’engage dans la communauté scientifique porte en premier lieu sur la pertinence de ce modèle qui risque d’entraîner un éclatement du CNRS et affaiblir son potentiel de recherche, en particulier pour les sciences humaines et sociales. Si le modèle est jugé valide, il sera urgent de le définir plus précisément dans sa structure juridique, ses modes d’action, ses moyens matériels et humains. Les délais imposés sont peu favorables à une réflexion de fond pourtant si nécessaire, compte tenu des enjeux.

L’éclatement du département des SHS est évidemment le premier et le plus inquiétant de ces risques, dont on a déjà pu percevoir des signes avant-coureurs. En effet, lors de la réunion ouverte, le 5 mars, aux directeurs d’unités de la section 31 sur proposition de la direction du département SHS et de la présidente de la section 31, le directeur du département transversal de l’environnement et du développement durable (EDD) qui constitue, dans le prolongement de la réforme Larrouturou, un département prioritaire en termes de moyens, a affirmé sa volonté de positionner son institut dans le champ « Homme et milieu », affichant en particulier, dans ses priorités, des thèmes tels que « paléoenvironnement », « interaction hommes-milieux-territoires » ou « systèmes socio-économiques ». Ces thématiques concernent au premier chef des unités de la section 32 qui ont contribué au développement récent de l’archéologie environnementale dans le champ des périodes historiques, démarche inscrite dans la politique scientifique du département des SHS par sa contribution aux interrogations épistémologiques, par sa pratique interdisciplinaire et par la participation à la construction de nouveaux objets de recherche.

La mise en oeuvre éventuelle de cette réforme ne peut s’effectuer qu’au prix d’un renforcement significatif des SHS. Se plaçant dans cette perspective, c’est aux conditions suivantes que la section estimerait souhaitable la création d’un institut des SHS :

• renforcer le potentiel de recherche, en particulier les emplois scientifiques,

• fonctionner en lien étroit avec d’autres instituts et divers partenaires institutionnels pour ne pas entraver l’interdisciplinarité,

• améliorer les synergies avec l’ensemble des partenaires institutionnels du CNRS (Ministère de la Culture, Ministère des Affaires étrangères, Institut national de recherche archéologique préventive, entre autres), même si l’action en direction des universités demeure une priorité,

• fonctionner en concertation étroite avec le Comité national,

• avoir un directeur nommé par le président du CNRS, afin de maintenir l’unité de l’organisme et de développer les échanges entre les disciplines,

• disposer d’un rôle programmatique et d’une responsabilité opérationnelle en matière de création d’unités, et d’attribution des moyens des laboratoires (dotations, postes, financement de programmes...), de crédits incitatifs, de capacités de financements sur projets.

La nécessaire réorganisation des champs disciplinaires que suppose la création d’un tel Institut devra tenir compte de l’unité d’une communauté qui s’est forgée, en 32, dans le cadre interdisciplinaire et diachronique des sciences de l’Antiquité et du Moyen Âge appréhendées du point de vue historique, ainsi que des liens privilégiés que la section 32 entretient avec les sections 31, 33 et 35. Il serait contreproductif et méthodologiquement dangereux de vouloir détacher les sciences historiques des disciplines liées à la production du savoir.

Il faudra veiller à ne pas fragiliser les équipes de recherche. Sur ce point, la section 32 a depuis longtemps favorisé une organisation de la recherche autour d’unités structurantes qu’elles soient propres (UPR841, IRHT) ou mixtes, voire sous la forme de fédérations (FR538, MOM de Lyon). Les unités mixtes de recherche, les plus nombreuses, doivent sans doute bénéficier d’une simplification et d’une clarification de leur gestion administrative et financière, mais elles doivent pouvoir continuer à s’appuyer sur de multiples partenariats institutionnels, en particulier sur plusieurs tutelles universitaires, comme c’est le cas, notamment, dans la région parisienne. Si le principe de la double tutelle scientifique nationale et locale (et donc des UMR) vient d’être réaffirmé par la Ministre de la Recherche, il conviendra en premier lieu de préciser le rapport entre l’institut projeté et les universités, qui viennent elles-mêmes de faire l’objet d’une restructuration profonde. Les autres opérateurs, comme le ministère de la Culture, celui des Affaires étrangères ou d’autres établissements recherche tels que l’EPHE, l’EHESS, le Collège de France, les ENS, les Écoles françaises à l’étranger, les IFRE et l’INRAP, qui jouent un rôle fondamental dans nos domaines, doivent continuer à être impliqués. Au moment où l’on mesure l’impact positif de l’existence d’unités à but fédératif comme l’UMR 7041 (ArScAn de Nanterre) ou l’UMR 8167 « Orient et Méditerranée » (fondées à partir de 4 tutelles au moins) il serait désastreux de les déstabiliser alors que les efforts de structuration ont été continus et productifs. Il est important en outre que l’institut des SHS puisse trouver de nouvelles formes d’organisation en réseau des structures opérationnelles de recherche, condition nécessaire de la survie en France de certaines disciplines rares, comme l’archéométrie, l’assyriologie ou l’égyptologie dont l’audience internationale est unanimement reconnue.

Dans cette conjoncture, le département des SHS ne doit pas s’en tenir à présenter une nouvelle répartition de ses structures de recherche et de ses chercheurs pour des besoins conjoncturels d’affichage et de lisibilité. Il doit être porteur d’un projet ambitieux. Ce dernier ne peut se définir dans une précipitation peu favorable à l’efficacité et à la sérénité, sans consultation des différentes instances représentatives et de nos partenaires multi-institutionnels. Un travail de fond sérieux s’impose compte tenu des enjeux à moyen et long termes pour notre pays. La section 32 suggère donc avec insistance qu’un groupe de pilotage représentatif soit constitué au sein du département des SHS, associant les commissions du Comité national et ouvert à nos partenaires institutionnels, afin de formuler des propositions cohérentes dans des délais appropriés et raisonnables.