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Prime au mérite : les chercheurs n’en veulent pas ! - Communiqué du SNCS, 7 octobre 2010

vendredi 8 octobre 2010

Le SNCS a largement contribué à dénoncer les vices cachés de la prétendue prime au mérite, dite « Prime
d’excellence scientifique » ou « PES ». Les chiffres des candidatures à la PES dans tous les organismes
de recherche montrent que les candidats ne se bousculent pas au portillon. Ils prouvent ce que les
chercheurs avaient dit d’emblée : la communauté scientifique veut des salaires et des carrières, pas des
primes individuelles !
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU

Les EPST ont reçu les dossiers de candidatures
à la PES 2010 et doivent sélectionner les
primés. Rappelons que le ministère a fixé à
20 % le taux de lauréats de la PES. Ce chiffre doit
être atteint en 4 ans, les primes étant elles-mêmes
attribuées pour 4 ans. Ce qui signifie que chaque
EPST doit, en moyenne, attribuer la prime à 5 % de
ses chercheurs chaque année.

En 2009, le CNRS (11 500 chercheurs) a attribué
automatiquement 460 primes aux chercheurs sur la
base de certains prix scientifiques, soit 4 % des
chercheurs. Cette année, le CNRS a lancé un appel
à candidatures auquel 2 112 chercheurs ont
répondu. Ce chiffre sonne le glas de la PES. La
ministre voulait une sélection drastique et une
compétition acharnée entre chercheurs : elle n’aura
ni l’une ni l’autre.

La sélection féroce qui aurait dû accompagner
l’attribution de cette prime élitiste tourne déjà, quant à
elle, en eau de boudin. Comment attribuera-t-on de
façon sélective 2 300 primes (à terme) au CNRS
alors que ne se présentent déjà plus pour l’obtenir
que 2 112 candidats ? En fait de sélection, on
donnera juste un coup de tampon au dossier de ceux
qui auront rempli les bonnes cases !

Faut-il croire, en outre, que seuls les 18,3 % des
chercheurs du CNRS candidats à la PES se
considèrent comme « excellents » ? Le pourcentage
est dérisoire au regard de l’importance de la
production scientifique du CNRS, obtenue grâce au
talent de ses chercheurs : le CNRS se classe à la
première place mondiale dans le classement
Scimago 2007.

La perversion du salaire au mérite s’illustre de façon
encore plus criante dans l’hétérogénéité de la
répartition des candidatures, par sections du Comité
national. 11 % des chercheurs en SHS ont répondu à
l’appel. Les mathématiques sont à 24 %, la physique,
la chimie et les sciences de l’univers, à 20 %. Le
chiffre est de 28 % en informatique, 23 % en
ingénierie, toujours pas assez pour faire croire à un
afflux de candidatures. Il stagne à 16 % en biologie
et à 15 % dans les sciences de l’environnement.

Le taux de candidature des femmes est très inférieur
à celui des hommes : 473 candidates pour
1 639 candidats ! Soit 22 % de femmes parmi les
candidats à la PES, alors que les femmes
représentent 32 % du nombre total des chercheurs
au CNRS. Du reste, les secteurs disciplinaires où les
candidatures sont les plus faibles sont ceux de la
biologie et des SHS, qui ont les plus forts
pourcentages de femmes. Qu’en pense Madame la
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche ?

La situation dans les autres organismes de
recherche va dans le même sens. À l’INSERM (2 196
chercheurs), 40 PES ont été attribuées en 2009 sur
la base de prix scientifiques (soit 1,8 % des
chercheurs). Seulement 10 % des chercheurs ont
répondu à l’appel à candidatures. Il sera là aussi
difficile d’atteindre les 5 % annuels de PES (110),
sauf à attribuer la PES à 50 % des candidats. À
l’INRA (1 807 chercheurs), 15 % de candidats (pas
de PES attribuées en 2009). À l’INRIA (577
chercheurs), 19 % de candidats.

Les chiffres de l’IRD deviennent ridicules au regard
de cette politique dite d’excellence. En 2009, 63
candidatures pour 830 chercheurs (7,5 %), et 44
PES attribuées. Ainsi l’IRD remplit son quota annuel
avec 5,3 % de PES attribuées mais un taux de
réussite de 70 % ! En 2010, avec seulement 17
candidatures, l’IRD ne pourra pas atteindre son
quota annuel même avec 100 % de primes
attribuées ! On peut en rire !

Un si faible pourcentage de chercheurs candidats à la
PES dans l’ensemble des organismes de recherche
reflète la réaction de la communauté scientifique, qui
a largement fait savoir, par des prises de position
collectives ou individuelles, qu’elle rejetait cette prime.
Parmi ceux qui l’ont demandée, un très grand nombre
aurait certainement préféré une promotion.

Il est temps d’arrêter la politique absurde de la PES.
Les chercheurs n’ont pas besoin de salaire au mérite
pour faire leur métier. Ils l’ont dit, ils le montrent
malgré la stagnation de leurs carrières. Les directions
des organismes doivent agir. Il n’y a aucune
obligation à utiliser entièrement les budgets
consacrés à la PES : le ministère l’avait confirmé. Le
SNCS demande que ce budget soit redirigé vers une
augmentation du nombre de promotions. Nous
voulons du pain, pas de la brioche !