Accueil > Revue de presse > Six directeurs d’école « désobéissants » menacés de punition - la rédaction de (...)

Six directeurs d’école « désobéissants » menacés de punition - la rédaction de "Médiapart", 21 avril 2011

vendredi 22 avril 2011, par Laurence

Un article de Lucie Delaporte. Pour le lire sur le site de médiapart

Afin de protester contre les sanctions dont sont aujourd’hui menacés six directeurs d’établissements et seize enseignants du primaire de Loire-Atlantique, un rassemblement a mobilisé jeudi devant l’inspection académique près de deux cents personnes. Pour ne pas avoir transmis les évaluations nationales de CM2, CE1 ou ne pas avoir renseigné le fichier « Base élèves », ces enseignants « désobéisseurs » risquent aujourd’hui de perdre leur poste.

Un tournant répressif radical alors que l’année 2010 avait été plutôt marquée du côté du ministère par une certaine volonté d’apaisement. Selon Alain Refalo, un des enseignants à l’initiative du mouvement des désobéisseurs, « aucune sanction disciplinaire n’a été prise l’an dernier » pour ces mêmes motifs « même si près de deux cents enseignants réfractaires avaient subi des retenues sur salaires pour ce qu’il considère comme un service non-fait ».

« C’est très violent. Nous avons été informés la semaine dernière que nous avions jusqu’à mardi prochain pour rentrer dans le rang concernant Base élèves. Les retenues sur salaire commenceront dès la semaine prochaine et se cumuleront à raison d’un jour par semaine jusqu’au 15 mai. A cette date nous sommes menacés du retrait de notre fonction de direction », explique, déterminée mais assez émue, Sylvie Pouyon, directrice de l’école de la Forêt à Sautron.

Reçue par l’inspection à l’issue du rassemblement, la délégation de l’intersyndicale s’est hier semble-t-il heurtée à un mur. « Ils s’abritent derrière une injonction ministérielle et nous l’ont clairement dit :“Sur base élèves, vous n’êtes plus très nombreux, on ne négocie plus” », affirme Sylvie Pouyon, qui est également représentante du SNUipp (syndicat national unitaire des instituteurs et des professeurs des écoles) de Loire-Atlantique.

Base élèves, le fichier lancé en 2007 et tellement contesté qu’il a finalement été expurgé des données les plus sensibles – informations concernant la nationalité ou la santé des élèves –, continue d’être dénoncé par une minorité de directeurs d’écoles primaires qui craignent notamment les croisements avec d’autres fichiers. Pour eux, c’est le principe même du fichage des élèves qui est inacceptable. Au cœur de cette contestation depuis sa création, Sylvie Pouyon n’envisage pas aujourd’hui de céder. « Je vais discuter avec mes collègues mais je crois que ma décision est prise », assure-t-elle, même si elle est consciente du prix à payer. Pour elle, quitter sa fonction signifie également renoncer à son logement. François Le Menahèze, l’un des six directeurs d’école aujourd’hui sur la sellette continue quant à lui de s’interroger : « La situation est effectivement très grave. Je crois malheureusement notre inspecteur capable d’aller jusqu’au bout. »

Après avoir envoyé des courriers au ton particulièrement menaçant (lire par exemple ici, ou , ou encore ), l’inspection académique du département a par contre joué la conciliation sur la question des évaluations de CM2 et CE1 que refusent de transmettre certains enseignants les jugeant tout à la fois inutiles et dangereuses. Pour beaucoup d’enseignants, ces évaluations à mi-année ont pour principal objectif de mettre les établissements en concurrence et peuvent conduire à des dérives pédagogiques comme le bachotage pour parvenir à obtenir une bonne évaluation. L’inspection académique devrait prochainement recevoir les seize enseignants qui restent néanmoins toujours menacés de sanctions disciplinaires. « Cela peut aller du simple blâme, à la perte d’échelon », explique François Le Ménahèze, également concerné.

Lancé en 2009, le mouvement des désobéisseurs, s’il fait aujourd’hui moins parler de lui, reste, selon Alain Refalo, bel et bien vivace. « La charte de résistance pédagogique a quand même été signée par près de 3000 enseignants du primaire », rappelle-t-il. Pour lui, après le tollé provoqué par les sanctions disciplinaires à l’encontre des désobéisseurs il y a deux ans, le ministère avait plutôt tenté de désamorcer les conflits. Mais « ces sanctions qui touchent des personnels particulièrement impliqués et appréciés viennent aujourd’hui rappeler que nous sommes toujours une épine dans le pied du ministère ».

Moins d’une semaine après le déplacement de Nicolas Sarkozy au collège de Bagnères-de-Luchon où le président avait tenu à affirmer son « admiration » du métier d’enseignant, pas sûr que de telles sanctions redonnent confiance à un monde enseignant toujours en pleine crise.