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ESPE... de quoi ? - Communiqué de SLU !, 22 février 2013 (MàJ 1er mars)

vendredi 1er mars 2013

1/ L’ESPE c’est quoi ?

De février à mai 2013 il va falloir mettre en place une nouvelle (encore !) structure, transversale (encore !), qui a pour vocation d’avaler tout ce qui existe dans les universités (y compris les IUFM qui y sont intégrés) préparant à l’enseignement, non seulement de la maternelle à l’université, mais aussi à destination d’autres professionnels de l’éducation comme le suggère le 4° point de l’article L. 721-2.du projet de Loi pour la refondation de l’école de la République, enregistré le 23 janvier 2013 : « Elles [les ESPE] peuvent conduire des actions de formation aux autres métiers de la formation et de l’éducation. »

Ainsi les préparations aux divers concours (PE, PLC, PLP, CPE) d’une académie doivent se regrouper sous le nom d’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE).
Deux statuts sont possibles pour cette nouvelle structure : soit au sein d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, soit au sein d’un établissement public de coopération scientifique. Le premier semble offrir une plus grande marge de manœuvre à ses « composantes ». Dans ce cadre chaque université pourra continuer et d’inscrire les étudiants dans leur préparation et de délivrer le diplôme. Cependant, si la loi Fioraso telle qu’elle se présente à ce jour n’est pas modifiée, les regroupements imposés d’universités sous l’appellation Communautés d’Universités (CU) feront disparaître cette marge d’autonomie puisqu’on peut supposer qu’ils se glisseront dans les habits des PRES défunts.
L’ESPE sera dotée de ses propres instances dont la composition n’est pas totalement fixée mais qui se décline en ces termes dans le projet cité plus haut, à l’article L. 721-3. Elles seront :

  • administrées par un conseil et dirigées par un directeur. Elles comprennent également un conseil d’orientation scientifique et pédagogique.
  • Le conseil de l’école, dont l’effectif ne peut dépasser trente membres, comprend des représentants des enseignants qui sont en nombre au moins égal à celui des représentants des autres personnels et des usagers, et 30 à 50 % de personnalités extérieures. Au moins la moitié des représentants des enseignants sont des représentants des enseignants-chercheurs ; le recteur de l’académie désigne certaines des personnalités extérieures. Le président du conseil est élu parmi les personnalités extérieures désignées par le recteur. (c’est nous qui soulignons)
  • Le directeur est nommé pour la durée de l’accréditation par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, sur proposition du conseil de l’école.
    Rien n’est dit à propos de la composition du collège électoral.

2/ L’ESPE c’est qui ?

Qui est chargé de donner forme aux injonctions ministérielles ?
« Le comité de pilotage » créé au sein de chaque académie, sous la houlette du recteur. Il est constitué des représentants du rectorat, parfois du recteur lui-même, des VP-CEVU des universités, des directeurs d’IUFM. Puis selon les académies : des présidents d’universités ou « simplement » de responsables de préparation aux concours.
Mais dans ce dernier cas le comité de pilotage est recadré par un groupe formé des présidents qui « travaillent sur des thématiques plus identifiées ». À bon entendeur, salut !
Selon les académies des commissions de réflexion (inter-universités comme intra-université) viennent parfois épauler le comité. Mais le calendrier serré rend très difficile un travail concerté. Un pré-projet doit être rendu pour le 28 février ! Pas d’inquiétude à avoir pour autant, n’est-ce pas, puisque des cadrages sont là pour canaliser tout ça. Fournis par les ministères de l’EN et de l’ESR.

Cadrage du Master :

Un seul intitulé pour tous les métiers : Master de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation : le MEEF. Si, si ! Seulement 4 mentions : CPE, PE, PLC, PLP. La discipline ne figurera plus que dans le supplément au diplôme. Sa maquette est dévoilée peu à peu par le ministère. Elle définit 5 blocs fort respectables (disciplinaire, didactique, recherche, contexte d’exercice du métier, mise en situation professionnelle), mais en définit la hiérarchisation par la « proposition » d’une répartition des ECTS. Exemple :

[Voir ci-après une version colorée et explicative par SLU des Masters parcours PLC]

Les équilibres sont clairs : la place laissée au disciplinaire et à la recherche dans le Master est minoritaire.
Les choses s’aggravent lorsqu’on observe les « propositions » de quotas horaires attribués à chaque bloc. On constatera la perversité de leur répartition ! Exemple :

  • Pour le disciplinaire, le didactique et la langue vivante, ne faisant plus qu’un, tout à coup : 250 h en M1, 80 en M2. Si l’on rapporte pour le M1, les proportions des ECTS aux quotas horaires, cette répartition implique pour le disciplinaire environ 130h sur l’année.
  • Pour la recherche : 60h en M1, 60 en M2. La recherche qui est principalement envisagée vise la situation professionnelle. Voici un exemple de formulation : « maîtrise des compétences méthodologiques nécessaires à l’évolution et à l’approfondissement des compétences enseignantes ».
  • Pour le « tronc commun [1] » : 100h en M1, 80h en M2.
  • Pour la mise en situation : en M1 2 stages de 2 semaines accompagnés par 40h, en M2 mi-temps, accompagné par 40h.
    Total pour le M1 = 440h dont seulement 130 pour la discipline ! Et encore ce n’est pas sûr ! (voir plus loin)

Il faut noter par ailleurs une évolution du vocabulaire qui recouvre encore d’une strate supplémentaire les savoirs au profit des compétences bien sûr, mais aussi des capacités ! Le terme apparaît 15 fois dans la maquette générique. Le comble étant atteint lorsqu’il faut démontrer « la capacité de développer une compétence » (page 1 de la maquette générique). Cela n’empêche pas les rédacteurs du cadrage de déclarer (p. 2) que cette maîtrise des savoirs «  constitue la première des compétences professionnelles de l’enseignant ». Ah bon ?

Cadrage du concours

Cette déclaration ne manque pas de sel, car, formulée ainsi, « Il est proposé que l’évaluation de la maîtrise d’un corpus de savoirs, adapté à l’exercice professionnel futur (c’est nous qui soulignons) soit omniprésente dans les quatre épreuves. En effet cette maîtrise constitue la première des compétences professionnelles de l’enseignant », elle semble donner toute son importance au disciplinaire, mais ce qui transparaît, en négatif, c’est que c’est l’exercice professionnel qui est au cœur de toutes les épreuves, laissant aux connaissances et aux savoirs la portion congrue. Rappelons d’ailleurs que l’écrit ne compte plus que pour 1/3 de l’admission.
En outre, la maquette générique reconnaît (p. 3) que : « Certains besoins spécifiques, dans certaines disciplines qui utilisent un langage propre, impliqueront d’en vérifier la maîtrise : traduction en langues vivantes, grammaire en lettres, résolution de problèmes en mathématiques, écriture musicale, pratique plastique, niveau de maîtrise des pratiques physiques en éducation physique et sportive, etc. »

Et tout ça, c’est dans les 130h qu’on les travaille ??

L’articulation master-concours telle qu’elle est décrite (p. 1) : « Les épreuves doivent permettre d’apprécier la capacité des candidats à mobiliser des savoirs académiques dans une perspective professionnelle, et d’évaluer leur capacité à développer cette compétence. Elles sont articulées et complémentaires avec la certification amont et aval du contrôle des connaissances du Master  », est un pur mensonge.
Autre sujet d’inquiétude, la réapparition des reçus (au Master) collés (au concours). Un étudiant pourra passer son M2 MEEF sans être fonctionnaire-stagiaire. Le comble est qu’il pourra devenir contractuel mais que l’encadrement, l’accompagnement pédagogique dont il aura besoin, ne lui sera pas garanti...

Ainsi, ni le Master ni la préparation au concours ne permettront un travail disciplinaire solide. D’autant que le programme de référence sera celui des élèves des écoles ou des collèges, selon le concours, « considéré au niveau M1 » cependant. Encore heureux !

Pas besoin que l’enseignant en sache plus que ses élèves ? Comment est-il envisageable que le futur enseignant puisse avoir « le recul critique et une première approche épistémologique de la discipline et de ses enjeux » (p. 2) dans de telles conditions ? Les missions qui sont imparties aux formateurs comme aux structures, diplômes et concours mis en place dans le cadre de cette réforme sont intenables. Les injonctions ministérielles constituent un véritable double bind. La mission telle qu’elle est définie par les textes est impossible. Il est intenable de mêler un diplôme et un concours sauf à dévaluer et l’un et l’autre.
Il faut renoncer à la logique de la mastérisation, en accordant par validation des acquis de l’expérience le grade de master aux candidats ayant réussi le concours et validé leur année de stage.
Nous l’avons clamé en 2009, c’est toujours aussi vrai en 2013.

Sauvons l’Université !
22 février 2013.



[1Tout ce qui concerne socio, psycho, etc…