Accueil > Revue de presse > Université Paris-Diderot : les médecins prennent le pouvoir - Isabelle (...)

Université Paris-Diderot : les médecins prennent le pouvoir - Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 16 octobre 2013

dimanche 20 octobre 2013, par Mariannick

À lire ici (abonnés)

C’est officiel,Vincent Berger, désormais ex-président de l’université Paris-Diderot (ou Paris-VII) rejoint l’Elysée pour devenir conseiller de François Hollande sur l’enseignement supérieur et la recherche. Annoncé le 25 septembre, son départ n’est pas une surprise. Ce proche de Martine Aubry, normalien et physicien réputé, ne cachait guère ses ambitions depuis qu’il avait, fin 2012, assuré, à la demande de la ministre Geneviève Fioraso, la coordination des Assises de l’enseignement supérieur. Mais ce départ au milieu d’un son second mandat de président (d’abord élu en mai 2009 et réélu en mars 2012, pour quatre ans) intervient au moment où son université fait face à de lourdes échéances.

Bilan contrasté : les ratés du partenariat public-privé avec Vinci

A l’actif du bilan de Vincent Berger, il y a une attention réelle aux questions sociétales : l’égalité hommes-femmes, avec la mise en place d’un module de sensibilisation pour les étudiants, la lutte contre le harcèlement sexuel, l’aide aux étudiants « empêchés », c’est à dire en prison. Mais il laisse aussi à sa successeure quelques dossiers épineux.

A commencer par celui des deux bâtiments du campus des Grands-Moulins, livrés au printemps 2013 et déjà menacés de fermeture pour cause de non conformité aux règles de sécurité des établissements recevant du public. Leur permis de construire a été annulé en juillet par le tribunal administratif de Paris et l’arrêté d’ouverture fait l’objet d’un recours en annulation devant le même tribunal, ce qui risque de conduire à la fermeture totale des immeubles Olympe-de-Gouge (unité de formation et de recherche lettres et langues) et Sophie-Germain (UFR maths).

L’attitude de M. Berger vis-à-vis du quasi propriétaire des lieux, le groupe Udicité, composé d’entreprises pilotées par Vinci et responsable de la conception et de la construction des bâtiments, qui a consisté à ne pas exiger la mise aux normes, reste incompréhensible. Au quotidien, les déplacements des étudiants et des enseignants sont sérieusement entravés.

Fusion à reculons, démissions en cascade

Autre sujet sensible, la fusion. Plusieurs réunions et concertations, dont une menée par Michel Delamar, président de Paris-VII de 1995 à 2002, ont conclu à l’hostilité de la communauté universitaire à une fusion avec les autres universités du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Sorbonne-Paris-Cité (Paris-III-Sorbonne-Nouvelle, Paris-V-Descartes et Paris-XIII-Nord). Pourtant, le sujet revient sur la table.

La fusion créerait, il est vrai, un établissement de plus de 100 000 étudiants, avec le risque d’enfanter un mastodonte ingérable. D’autant que Paris-Diderot doit d’abord digérer son déménagement et le passage à l’autonomie qui a fragilisé sa situation budgétaire. Enfin, la mise en œuvre de l’IDEX (initiative d’excellence) s’est déroulée dans une certaine opacité.

Tous ces dossiers, et les revirements qu’ils ont suscités, ont provoqué des démissions en cascade dans l’équipe présidentielle : pas moins de huit administrateurs dont certains ont laissé, en partant, de cinglantes lettres ouvertes…

Les élections repoussées

Le départ de Vincent Berger crée une situation inédite. Le conseil d’administration du 8 octobre devait adopter, toutes affaires cessantes, les nouveaux statuts de l’université, conformes à la loi Fioraso du 22 juillet 2013, afin d’organiser, dès la démission du président, l’élection des conseils nouvelle manière. Vincent Berger avait lui-même annoncé, lors du conseil du 24 septembre, que de nouvelles élections se tiendraient en fin d’année 2013.

Mais volte-face, le 8 octobre, lors dudit conseil d’administration : l’adoption des nouveaux statuts est retirée de l’ordre du jour au motif que tous les décrets d’application de la loi du 22 juillet ne sont pas encore publiés. Il n’est donc plus question d’un scrutin rapide mais de la nomination, par le recteur, d’un administrateur provisoire avec mission d’organiser les nouvelles élections. Christine Clerici, vice-présidente, devrait endosser le rôle. « Ce report en dernière minute de l’élection, c’est un coup d’Etat légal, surtout à l’approche d’une possible fusion », s’insurge Bruno Andreotti, physicien enseignant-chercheur.

« Quand les médecins s’organisent, ils sont imbattables »

Le choix de Christine Clerici, professeur de médecine, n’est pas le fruit du hasard, puisqu’elle fut toujours un soutien fidèle à l’action de Vincent Berger. Mais il illustre la montée en puissance des professeurs de médecine dans la gestion des universités. Les facs de santé (médecine, pharmacie, dentaire) sont des composantes influentes, d’abord par leur nombre d’étudiants mais aussi par leur culture corporatiste. Plus d’un tiers des présidents d’université sont issus des professions médicales, tel Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d’université.

Les universités membres du PRES Sorbonne-Paris-Cité sont en majorité présidées par des professeur d’université - praticien hospitalier (PU-PH) : « Quand les médecins s’organisent, ils sont imbattables », confie Axel Kahn, ancien président de Paris-V-Descartes. Paris-Diderot est donc un nouveau trophée à leur tableau. Les PU-PH sont, en outre, bien mieux payés que les professeurs d’universités car leurs facs, à la masse salariale sanctuarisée, sont curieusement épargnées par les économies qui frappent les autres composantes. Un problème soulevé, à juste titre, par le président Berger, en son temps.