Accueil > Communiqués et textes de SLU > ERRATUM - "La France a besoin de scientifiques indépendants"

ERRATUM - "La France a besoin de scientifiques indépendants"

samedi 2 novembre 2013, par PCS (Puissante Cellule Site !)

ERRATUM :
Nous apprenons que la tribune intitulée "La France a besoin de scientifiques techniciens", publiée par Libération le 14 octobre sous la signature de Robert Badinter, Jean-Pierre Chevènement, Alain Juppé et Michel Rocard, était une version préliminaire qui s’est substituée par erreur au texte définitif. En exclusivité, SLU publie ici la version finale, après correction des quelques coquilles qui en altéraient légèrement le sens.
Vous trouverez en pièce jointe (pdf "Miroir") les deux versions en regard ; c’est un bel exercice de dialectique !

Nous assistons à une évolution inquiétante des relations entre la société française et les sciences et techniques. Des groupes de pression constitués autour du détournement de celles-ci pour la recherche du seul profit, tentent d’imposer peu à peu leur loi et d’interdire progressivement tout débat sérieux et toute expression publique qui pourrait faire obstacle à leurs intérêts. L’impossibilité de tenir un débat public libre sur le site de stockage des déchets de la Cigéo (site souterrain de stockage des déchets hautement radioactifs proposé par l’Andra) est l’exemple le plus récent de cette atmosphère et de ces pratiques d’intimidation, qui spéculent sur la faiblesse de ceux qui questionnent le projet.

De plus en plus de citoyens, notamment des scientifiques, sont pris à partie personnellement s’ils osent aborder publiquement et de façon non idéologique, des questions portant sur les OGM, les ondes électromagnétiques, les nanotechnologies, le nucléaire, le gaz de schiste. Il devient difficile de proposer aux étudiants dans les disciplines concernées (physique, biologie, chimie, géologie) des sujets de thèse qui pourraient révéler l’existence de risques liés à l’usage de ces technologies. Les organismes de recherches ont ainsi été conduits à donner une forte priorité à la valorisation industrielle au détriment de la recherche fondamentale, mettant ainsi à mal leur potentiel de recherche et d’approfondissement des connaissances. Or, c’est bien la recherche fondamentale qui, à travers une meilleure compréhension du monde, est de nature à améliorer les conditions de vie des hommes et à protéger l’environnement.

La France est dans une situation difficile du fait de son inféodation à un système économique international qui est en train de conduire le monde à sa perte. Comment imaginer que nous puissions sortir de cette impasse sans libérer les forces créatrices ? Comment résoudre les problèmes auxquels est confrontée l’humanité si la liberté de critiquer est constamment remise en cause et si la méfiance envers les chercheurs est généralisée, alors que l’on pourrait, au contraire, s’attendre à voir encourager des voies et des idées nouvelles ? Il ne s’agit pas de donner le pouvoir aux scientifiques mais de donner aux pouvoirs publics et à nos concitoyens les éléments nécessaires à la prise de décision.

Nous appelons donc solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires puissent avoir lieu sans être entravés par la corruption et les manœuvres sourdes, voire parfois violentes, de puissants intérêts économiques. Il est indispensable que les scientifiques puissent s’exprimer et être écoutés dans leur rôle d’expertise. L’existence même de la démocratie est menacée si elle n’est plus capable d’entendre des expertises, même contraires à la pensée dominante.

Robert Badinter Ancien garde des Sceaux, ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Pierre Chevènement Ancien ministre de la Recherche et de la Technologie, ancien ministre de la Recherche et de l’Industrie, ancien ministre de l’Education nationale Alain Juppé Ancien Premier ministre Michel Rocard Ancien Premier ministre

Voir aussi :