Accueil > Revue de presse > "Rennes Troie" refait le monde, Rennes-II somnole - Catherine Rollot, Le (...)

"Rennes Troie" refait le monde, Rennes-II somnole - Catherine Rollot, Le Monde, 21 mars 2009

samedi 21 mars 2009

En plein cœur de l’université Rennes-II (lettres et sciences humaines) en vit une autre, celle de "Rennes Troie". Depuis cinq semaines, le hall B qui dessert les principaux amphis du campus de Villejean est devenu le QG de cette fac "alternative", créée par des grévistes. Des canapés défoncés, une cuisine de fortune, des amphis transformés en dortoirs, le bâtiment a tout d’un squat.

"Sous les pavés : Rennes Troie", "A Rennes-III, on se fait des affects une idée offensive"... Les slogans qui recouvrent les murs résument l’état d’esprit de la quarantaine d’étudiants qui y vivent et qui "tiennent" encore le blocage de l’université. Constitué de militants de SUD-Etudiants, de la Confédération nationale du travail (CNT) et d’"autonomes" parfois extérieurs à l’université, ce groupe ne se satisfait pas du recul de Xavier Darcos, vendredi 20 mars, sur la mastérisation ou du résultat du vote électronique organisé par la direction de l’université, le même jour, qui a fait ressortir une large majorité (72,47 %) d’étudiants opposés au blocage. Ils sont là pour inventer une autre société. "Il y a une vraie réflexion politique derrière tout ça. C’est pas du folklore", avertit une étudiante en arts du spectacle qui refuse de décliner son identité.

En ce vendredi printanier, pendant que "Rennes Troie" refait le monde, Rennes-II somnole. De rares étudiants circulent entre les bâtiments vides. A la bibliothèque universitaire, les plus studieux se retrouvent pour bosser leurs cours. Zohra, Lucille et trois autres copines, toutes étudiantes en première année de master professionnel, débutent leurs examens dans une semaine. "Notre formation comporte douze semaines de cours, on a en a déjà perdu trois", s’inquiètent-elles. Dans les couloirs vides du bâtiment D, Alexandre et Cécilia, en master de lettres, se pressent pour assister à une conférence. En cinq semaines, ils ont réussi à grappiller quelques cours.

Seuls les étudiants étrangers, venus pour un semestre perfectionner leur français, n’ont pas vu leur emploi du temps bouleversé. "Heureusement, les bloqueurs nous laissent passer, confie Angie Duenas, étudiante colombienne arrivée en janvier. J’avais peur de perdre les 900 euros que j’ai dû débourser pour cette formation d’un semestre."

Lassés de venir pour rien, la grande majorité des étudiants ne se déplacent plus. "Il n’y a même plus besoin de bras pour bloquer la fac, puisqu’il n’y a plus personne", reconnaît Yves, responsable UNEF. Le campus retrouve un peu d’animation seulement les jours d’AG. Lundi 16 mars, 2 000 étudiants, selon les organisateurs, ont reconduit à main levée, et à l’issue de quatre votes très indécis, le blocage de l’université. Une nouvelle AG est prévue lundi 23 mars.

Au sixième étage de la présidence, surveillée jour et nuit par des vigiles, Marc Gontard, le président de Rennes-II, reste prudent : "Même si le déblocage est voté lundi, la reprise ne sera pas sereine", prédit-il. "A Rennes-II, tant que la fin du capitalisme n’a pas été annoncée, on ne peut jamais être sûr que c’est la fin d’une mobilisation", plaisante un enseignant-chercheur.

Catherine Rollot


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/politique/art...