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Le manège des facs tourne rond - Ixchel Delaporte, L’Humanité, 25 mars 2009

jeudi 26 mars 2009

Imaginée par les grévistes de l’université de Saint-Denis, la « ronde infinie des obstinés » a débuté lundi dernier. Reportage.

Au milieu des courants d’air frais qui valsent d’un bout à l’autre de la place de l’Hôtel-de-Ville de Paris, une trentaine de personnes forment une large ronde en mouvement. D’un pas déterminé et cadencé, étudiants, administratifs et professeurs ne cessent de marcher. Tous portent des messages autour du cou et les hurlent aussi fort que possible à la face des passants interloqués : « L’esprit est un muscle », ou encore : « Je suis un projet d’excellence en grève. » D’autres, plus virulents, reprennent en substance le mépris gouvernemental à coups de « Travaille feignasse ! » ou « Je suis meilleur que mon collègue. » À l’initiative de cette « ronde infinie des obstinés », l’université de Saint-Denis avait pourtant prévenu : « Si le gouvernement n’a pas pris en compte nos revendications, nous marcherons en place de Grève jour et nuit. Nous tournerons jour et nuit pour manifester notre obstination. Nous marcherons sans fin car nous n’avons aucune intention de céder. » Depuis lundi donc, le relais est bien assuré. Aujourd’hui, c’est le département de danse de Paris-VIII qui anime.

La chevelure bouclée, secouée par le vent, Lara tourne et marche en lisant : « Je lis un livre sur l’engagement de l’artiste et les métamorphoses du capitalisme, de Pierre-Michel Menger. » L’étudiante en danse à l’université de Saint-Denis s’interroge sur une société où devenir artiste est peu recommandable : « Si mes enfants veulent devenir clown ou danseur, que devrais-je leur répondre ? Choisis plutôt médecin ou ingénieur, ça rapporte plus… Je ne veux pas de cette société-là. »

« réfléchir ensemble »

Subitement, une voix claire s’élève : « La ronde sera lancinante ou ne sera pas ! » C’est Julie, une enseignante de l’UFR 1 « arts, philosophie, esthétique ». Pour elle, la ronde est «  l’occasion de réfléchir ensemble, de discuter et de penser un avenir qui dépasse largement le cadre de l’université ». Avec Isabelle, également enseignante à Paris-VIII, elle a préparé des tracts dans toutes les langues pour informer les touristes, coutumiers de cette place. « Notre mouvement est exceptionnel, reprend Isabelle. C’est la première fois qu’il y a un tel consensus toutes disciplines confondues à la mesure des réformes et de la surdité du gouvernement. Nous sommes en phase de développement du mouvement, aucunement d’épuisement. » Pour cette universitaire, présente dimanche 22 mars à la réunion de l’Appel des appels, il existe une réelle solidarité entre l’hôpital, la justice et l’éducation : «  Nous sommes tous attaqués par les logiques de concurrence et de rentabilité », résume-t-elle.

Il est 11 heures. Certains n’en sont qu’à leur première heure de manège et comptent tourner encore trois heures. Comme cette étudiante en master 2 qui tient une pancarte : « Je connais mon poids. » Elle détaille «  le plaisir de marcher ensemble, d’apprendre à se connaître et de discuter avec les professeurs ». Une dizaine de grévistes annoncent : «  La ronde infinie des obstinés tourne depuis 23 heures. » Ainsi passent les heures avec une intacte détermination.

http://rondeinfinie.canalblog.com

Ixchel Delaporte


Voir en ligne : http://www.humanite.fr/2009-03-25_S...