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"Colère froide à l’université", article paru dans "Paris Normandie", 14 avril 2009

samedi 18 avril 2009

MOUVEMENT. Malgré deux mois de conflit, enseignants et étudiants havrais n’imaginent toujours pas abandonner leur combat contre les réformes Pécresse. Rencontres.

A l’université du Havre, ce vendredi matin, le temps maussade qui règne à l’extérieur semble s’être glissé jusque dans les locaux. L’ambiance est morose. Digne d’un conflit qui, depuis deux mois, paralyse quasiment toute activité scolaire. Devant l’amphi 5, en sciences humaines, un monceau de chaises et de tables rappelle que personnel et étudiants sont toujours en lutte. En lutte contre la loi relative à l’autonomie des universités, le décret sur le statut des enseignants-chercheurs et la masterisation de la formation des enseignants. L’enthousiasme des premières mobilisations est, certes, retombé. Mais il a cédé la place à une colère froide et déterminée.
« Comment faire confiance à Valérie Pécresse qui nous avait promis 1 500 emplois pour le monde universitaire ? Et qui finit par en supprimer, dont cinq cette année au Havre ? tempête Elisabeth Robert-Barzman, enseignante en histoire médiévale. Aujourd’hui, je n’imagine même pas abandonner. Quand je me lève le matin, je sais pourquoi je me bats. » D’autant plus que, selon elle, rien n’a bougé : « Les mesures sont toujours là. Les quelques reculs sont marginaux. Ils aggravent même parfois la situation. »

De fait, les enseignants estiment avoir atteint le point de non-retour. « Depuis Claude Allègre, nous cumulons les réformes incohérentes, analyse Eric Saunier, maître de conférences en histoire moderne. Les enseignants-chercheurs se sentent méprisés. La loi LRU et son cortège de réformes ont été le bouquet. Il fallait une réponse à la hauteur de l’attaque. » Signe d’une « prise de conscience », selon Elisabeth Robert-Barzman, des enseignants, pro-LRU l’an dernier, se sont même joints au mouvement. « Ils s’aperçoivent que la structure a été touchée en plein cœur. Tout comme les étudiants de master, de fin de licence ou de doctorat qui sont plus mobilisés que d’habitude », complète Eric Saunier.

Les étudiants, justement. Dans quel état d’esprit sont-ils vis-à-vis des enseignants auxquels il ont reproché de ne pas avoir débrayé à leurs côtés lors du mouvement de l’an dernier ? Apparemment, les différends sont aplanis. « Face à la surdité du gouvernement, nous devons être unis car les réponses qu’il donne sont insultantes », tranche Julie Letendre, doctorante en biologie. La jeune fille prône une radicalisation. Pas facile : « Il persiste des divergences sur les moyens d’action ».
« Le gouvernement s’est lancé dans une guerre d’usure, complète Thomas Blot, inscrit en licence d’histoire. Mais on ne rend pas les armes. Je n’accepterai jamais, par exemple, que les frais d’inscription augmentent à cause de la LRU. » Pour le jeune homme, il est toujours possible de faire flancher Valérie Pécresse.

Les étudiants ne renoncent donc pas. « Je ne veux même pas me dire que nous avons agi en vain, reprend Julie Letendre. J’ai parfois eu des moments de découragement. Mais d’autres ont pris le relais. Je suis déterminée car j’aime mon université. Elle est plus en danger qu’une autre face à la LRU. » La tension reste forte.

B. T.

Elisabeth
Robert-Barzman : « Je sais pourquoi je me bats »
Les étudiants ne semblent pas traumatisés quant à la validation de leur année scolaire. Le département de Lettres et Sciences humaines, lui, s’est déjà penché sur la question.
Quand on évoque la question de la fin d’année, les étudiants ne se disent pas inquiets. « On a le soutien des professeurs, estime Thomas Blot. Ça facilite la question de la validation de nos années. On n’a pas de pression. » Julie Letendre concède néanmoins que l’enlisement du mouvement pèse sur la qualité des travaux : « Même pour moi qui compte soutenir ma thèse en septembre. » Côté enseignant, Eric Saunier ne sent pas les étudiants « traumatisés ».

Contrôle continu

Quelques initiatives ont déjà été prises. En Lettres et Sciences humaines, le contrôle continu a été généralisé. Pas d’examen sur table. « Mais ainsi, les années seront validées sur des travaux écrits », assure Elisabeth Robert-Barzman. Chaque enseignant devra trouver les meilleures modalités d’application selon sa matière.

L’écueil de la fin d’année

Les étudiants s’inquiètent pour leurs examens. Mais la question des sanctions financières pour les enseignants se pose également. Ces derniers sont rémunérés selon une dotation globale qui leur impose 192 heures d’enseignement et 192 heures de recherche par semestre. Les retenues de salaires devraient donc porter sur les heures qu’ils n’auront pas assurées. « Mais tant que nous n’aurons pas négocié, il est difficile de savoir ce qu’il en sera », estime Eric Saunier.

L’assemblée générale de vendredi dernier a décidé de plusieurs actions cette semaine. Ce soir, à partir de 20 h, une manifestation tintamarre aura lieu sur le parking de la plage. Demain, à 14 h, une opération singeant une cotation en bourse de l’université se déroulera devant l’espace Coty. Enfin, jeudi de 8 h 30 à 17 h 30, et comme l’ont déjà fait plusieurs universités, une ronde des obstinés défilera, en continu, sur le cours de la République.


Voir en ligne : http://www.paris-normandie.fr:80/in...