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Enseignant-chercheur : le statut validé, par V. Soulé, Libération, 23 avril 2009

jeudi 23 avril 2009

Les opposants crient à la provocation et estiment que le nouveau décret menace leur indépendance.

Pour les universitaires mobilisés, c’est une pure « provocation ». Pour le gouvernement, l’aboutissement logique de négociations et de « concessions ». Le décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs, au cœur de la crise, a été validé hier par le gouvernement en pleines vacances de Pâques. Déjà entériné la veille par le Conseil d’Etat, il va donc s’appliquer à partir de la rentrée 2009 aux quelque 57 000 enseignants-chercheurs (professeurs d’université, maîtres de conférences). Le texte est « parfaitement conforme aux attentes de la communauté universitaire », s’est félicité le Premier ministre, François Fillon. C’est un peu vite dit. Les opposants ne désarment pas. Et appellent à une nouvelle journée de mobilisation mardi. Pour eux, loin d’avoir été « réécrit » comme l’affirme le gouvernement, le nouveau décret menace l’indépendance des enseignants-chercheurs. Retour sur les points de discorde.

La « modulation » toujours aussi contestée

Le décret donne le pouvoir aux présidents d’université de « moduler » le service des enseignants-chercheurs - en augmentant par exemple leurs heures d’enseignement au détriment de leur temps consacré à la recherche ou à l’inverse en le diminuant, mais ce devrait être plus rare. Un enseignant-chercheur a un « service » annuel de 1 607 heures de travail, dont 128 heures de cours magistraux ou 192 heures de TD (travaux dirigés) ou de TP (travaux pratiques). Il faut y ajouter les heures de préparation, la recherche, le suivi des étudiants, les charges administratives, etc.

Les défenseurs du texte rappellent que cela se faisait déjà à l’amiable : un enseignant qui voulait consacrer plus de temps une année à sa recherche pouvait s’arranger avec la direction. Ce sera désormais plus transparent, assurent-ils. En plus, il y a des garde-fous : un enseignant ne pourra pas se voir imposer plus d’heures d’enseignement que le service de référence sans son accord écrit. Enfin, c’est la conséquence de la LRU (la loi sur l’autonomie d’août 2007) : les présidents d’université doivent avoir une certaine souplesse pour gérer les carrières des personnels.

Pour les opposants, c’est là où le bât blesse : la « modulation » va être avant tout un outil de gestion budgétaire. Dans la plupart des cas, elle va déboucher sur une surcharge d’enseignement sans hausse de salaires pour autant. L’« accord écrit » est en outre un « leurre » : sur fond de suppressions de postes, ce sera difficile de refuser.

Scepticisme à propos de l’évaluation

Les enseignants-chercheurs seront évalués tous les quatre ans par le CNU (le Conseil national des universités, constitué de pairs issus de leurs disciplines). Le ministère vante le fait que désormais toutes leurs activités seront prises en compte, y compris administratives. Mais certains craignent de voir ainsi dévoyées leurs missions premières - recherche et enseignement. Beaucoup redoutent aussi que cette évaluation massive - 57 000 tous les quatre ans - se fasse sur des bases quantitatives - nombre de publications, de citations - au détriment de critères qualitatifs.

Un geste reconnu sur les promotions

Tous saluent une « inflexion ». Les promotions seront décidées pour moitié au niveau national par le CNU et pour l’autre moitié au niveau local, par l’université. C’est pratiquement ce qui se faisait déjà. Mais c’est écrit expressément. A l’origine, le ministère de l’Enseignement supérieur était prêt à laisser en décider les présidents d’université. Mais les personnels craignaient l’arbitraire.


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