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« Il n’y a pas de retour à la normale… », Laurent Mouloud, L’Humanité, 25 mai 2009

mardi 26 mai 2009

Malgré la reprise des cours et des examens, le conflit est loin d’être fini dans les facs et les labos, selon Mathieu Brunet, de Sauvons l’université.

Reprise des cours, organisation des examens, vacances estivales… Selon le gouvernement et la majorité des médias, la cause est entendue : après seize semaines d’un conflit historique, la mobilisation dans les universités serait bel et bien finie. Une conclusion hâtive, assure Mathieu Brunet, professeur à Aix-Marseille-I et vice-président du collectif Sauvons l’université (SLU).

Beaucoup jugent le conflit terminé. Est-ce votre sentiment ?

Mathieu Brunet. Absolument pas. Encore une fois, la reprise des cours ou l’organisation des examens de fin d’année ne sont pas synonymes de démobilisation face aux enjeux politiques qui animent les universités et les laboratoires depuis six mois. C’est en tout cas les échos qui me reviennent des profs, chercheurs ou BIATOSS de nombreux établissements. Les assemblées générales manifestent toujours leur opposition et les conseils d’universités continuent de faire remonter au ministère des motions de protestation et de défiance extrêmement marquées. Alors, bien sûr, les étudiants passent leurs examens et les collègues dans les universités sont éprouvés par la violence de la politique gouvernementale, mais je pense qu’il serait hâtif et erroné de parler d’un retour à la normale. Sur le fond, les revendications et les critiques sont toujours là.

Jusqu’ici, vous n’êtes pas parvenu à faire fléchir le gouvernement. Est-ce un échec ?

Mathieu Brunet. Nous pourrons parler d’échec lorsque ce conflit sera réellement terminé, or ce n’est pas le cas. Maintenant, compte tenu de l’attitude du pouvoir, il est évident que nous n’obtiendrons pas ce que nous demandons d’ici à la fin du mois de juin. Ce n’est pas pour cela qu’il ne va plus rien se passer. Il est même fort probable que la rentrée universitaire de septembre sera houleuse. Ne serait-ce qu’en raison des problèmes pratiques que va poser la mise en place progressive de la réforme de la formation des enseignants. Il y aura de fortes résistances. Et puis, n’oublions pas, non plus, que ce long conflit a déjà permis d’obtenir une politisation bénéfique de la question universitaire et de la recherche, un gel des suppressions de postes dans les facs en 2010 et 2011… On ne va pas bouder ces quelques points gagnés de haute lutte, même s’ils restent marginaux par rapport à l’ensemble des revendications.

Comment comptez-vous agir dans les semaines à venir ?

Mathieu Brunet. Outre les manifestations prévues (lire encadré), nous allons profiter du contexte des élections pour déplacer le débat sur le terrain européen. La plupart des réformes contre lesquelles nous nous dressons sont le fruit de directives issues du traité de Lisbonne et, avant lui, du processus de Bologne. Ces textes visent à mettre en place ce que les technocrates européens appellent « l’économie de la connaissance », une logique qui fixe comme principal critère d’évaluation et d’objectif l’efficacité immédiate, la rentabilité, la concurrence… À nos yeux, la recherche ne peut se restreindre à travailler sur des pistes considérées comme immédiatement « vendables » ou « rentables ». Pour qu’elle soit ambitieuse, elle a aussi besoin de prises de risques, d’échecs et de pouvoir travailler sur le long terme.

Entretien réalisé par Laurent Mouloud


Voir en ligne : http://www.humanite.fr/2009-05-25_S...