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Pierre Crépel, Mathématicien et historien des sciences (*), "L’Europe, le monde et l’enseignement supérieur", L’Humanité, l’invité de la semaine, 26 mai 2009

mercredi 27 mai 2009

Hier, j’évoquais l’appel international signé en trois semaines par cinq mille universitaires de soixante-quinze pays. Plus intéressants encore sont les messages que nous avons reçus en retour. 1. Le service public d’enseignement supérieur et de recherche français n’est pas du tout jugé à l’étranger comme archaïque et décadent ; il est souvent montré en exemple pour son niveau, son organisation et sa stabilité. Le fait que les chercheurs, même jeunes, puissent devenir titulaires, que les études restent (en principe) gratuites, cela n’apparaît pas ridicule, mais plutôt à imiter. 2. Au-delà des différences, les attaques portées en France contre ce service public sont vécues par nos collègues comme soeurs ou cousines de ce qui leur est arrivé (Japon, Italie…) ou de ce qui est en cours (Espagne, Finlande…) ou d’aggravations annoncées (Allemagne…). 3 . Il y a des luttes un peu partout. Rien qu’en Europe, après celles de Grèce et d’Italie fin 2008, c’était au tour de l’Espagne et de la Finlande en février-mars, de la Croatie en avril, bientôt de l’Allemagne. Malheureusement ces luttes sont restées un peu cloisonnées. Tous les deux ans, depuis 1999, les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche des quarante-six pays du « processus de Bologne » se réunissent pour faire le point et préparer la sauce à laquelle ils vont nous manger. Jusqu’ici tout se passait dans la discrétion feutrée, voire l’harmonie avec la gauche molle et des syndicats bien tempérés. Cette année, la rencontre a eu lieu à Louvain (Belgique) les 28 et 29 avril… et ils se sont payé un contre-sommet (comme pour le G8) : un millier d’étudiants d’une douzaine de pays ont débattu, manifesté et avalé des gaz lacrymogènes ; à la mi-mai rebelote à Turin face à un autre sommet de recteurs des pays riches. Ces initiatives ont certes été un peu organisées à l’arraché et ont surtout concerné des étudiants ; mais ceux-ci en sont souvent revenus enthousiasmés et grandis d’avoir pu enfin confronter leur expérience à celle des pays voisins, nouer des contacts, construire l’espoir d’actions communes et coordonnées. Jusqu’ici les associations et syndicats les plus combatifs sur le plan international restaient isolés, voire déprimés, et les autres « collaboraient ». La prise en compte des questions internationales par les acteurs du mouvement est l’une des clés pour s’en sortir.

(*) Coéditeur des oeuvres complètes de d’Alembert.


Voir en ligne : http://www.humanite.fr/2009-05-26_T...