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Faut-il avoir peur de l’autonomie des facs ? par B. Belloc et G. Béréziat, Libération, 18 septembre 2009

vendredi 18 septembre 2009

BERNARD BELLOC Professeur de sciences économiques, conseiller au cabinet du président de la République

En 2009, la question est aussi saugrenue que l’aurait été, en 1989, la question « Faut-il avoir peur de la chute du mur de Berlin ? » L’absence d’autonomie des universités françaises, leur pilotage centralisé par l’Etat étaient aussi un mur et il n’y a qu’en France qu’on s’interroge sur les risques que ferait courir cette autonomie. Partout, la question a été tranchée. L’absence d’autonomie des universités françaises avait-t-elle tant de vertus ? Où en sommes-nous ? L’accès aux études pour le plus grand nombre ? Un peu illusoire, seuls 25 % des étudiants à l’université obtiennent leur diplôme dans les délais prévus et que 20 à 30 % la quittent sans aucune qualification. La démocratisation des universités ? La réalité, c’est l’élimination quasi systématique des bacheliers les plus défavorisées. Quant à la recherche, partout où elle est centrée autour de grandes universités autonomes, elle est systématiquement plus génératrice d’emplois et de croissance que chez nous. Certes l’autonomie des universités comporte des risques, mais il vaut mieux les courir que de vivre dans l’illusion qu’une centralisation est plus efficace.

GILBERT BÉRÉZIAT Professeur à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, délégué général de Paris Universitas

L’autonomie universitaire, en germe depuis 1969, fut rendue possible par la loi Savary puis encadrée par le code de l’éducation. La politique de contractualisation des années 90 l’a rendue inéluctable, mais incomplète : les universités pouvaient ne pas en faire usage, elle ne leur conférait ni la maîtrise de leur budget global ni de leur patrimoine immobilier. La loi Pécresse a débloqué la situation mais se heurte aux tenants d’un égalitarisme de façade ou du conservatisme et aux hauts fonctionnaires issus des grandes écoles et de l’ENA. Les premiers ont subi une défaite décisive, les autres n’ont pas abdiqué. Les universités ne doivent pas craindre l’autonomie mais combattre l’incohérence gouvernementale : renforcement des classes prépa, insuffisance du budget, refus de négocier les contrats d’autonomie, refus du libre choix de l’université par les étudiants, de laisser les universités organiser l’accès aux professions contingentées, intervention sur l’organisation managériale. Elle affaiblit l’AERES et l’ANR, seules agences dont il faudrait renforcer le rôle et l’indépendance. L’autonomie réelle reste encore à conquérir.


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