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Rentrée universitaire sur des cendres encore chaudes - par Luc Cédelle, Le Monde, 5 octobre 2009

lundi 5 octobre 2009

Rentrée tout sauf ordinaire pour les 2,2 millions d’étudiants et les 90 000 enseignants qui reprennent partout en France le chemin des amphis.

Alors que la rentrée s’étale doucement depuis la mi-septembre et jusqu’à la mi-octobre, chacun garde à l’esprit le mouvement qui, de février à mai, a contesté les réformes gouvernementales. Notamment sur le statut des enseignants-chercheurs et la formation des maîtres. Le sentiment qui domine est que "cette affaire n’est pas terminée", même si les plus engagés ne croient guère à une reprise dans les mêmes formes qu’avant les vacances.

Mais "quelque chose" leur paraît possible, qu’ils se refusent à définir pour l’instant, ne connaissant pas encore le potentiel sur lequel ils pourraient s’appuyer. En tout cas, avant même que la rentrée ne soit effective, l’aile la plus militante a prouvé qu’elle n’a pas désarmé.

Des micro-manifestations ont déjà eu lieu, comme celle qui, le 13 septembre à Paris, s’est rappelée au bon souvenir de Valérie Pécresse, à l’entrée d’un meeting UMP pour les élections régionales. Seules quelques dizaines de personnes étaient présentes, mais tout minoritaire qu’il soit, ce type d’initiative s’est multiplié ces dernières semaines, montrant que l’énergie contestataire est encore disponible.

Dans différentes universités "chaudes", des dates sont déjà fixées pour des assemblées générales, comme à Caen le 15 octobre. Certains grévistes du printemps ont intégré l’idée d’un combat de longue haleine. Certains éléments-clés du dispositif contestataire se replacent en ordre de marche. Ainsi, une douzième "coordination nationale des universités" - instance qui avait lancé le mot d’ordre de grève en février - s’est tenue le 30 septembre à l’université Paris-VIII-Saint-Denis, réaffirmant son "refus de la loi LRU (libertés et responsabilités des universités)" d’août 2007 sur l’autonomie.

Une treizième coordination est prévue le 27 octobre et une "journée nationale de manifestations" a été fixée au 17 novembre. Le collectif Sauvons l’université (SLU), influant dans le mouvement, tiendra son assemblée générale le 10 octobre à Paris. Et les "sociétés savantes" (associations disciplinaires), qui ont particulièrement contribué à la contestation de la réforme de la formation des maîtres, feront le point le 17 octobre. Nul ne sait ce qui sortira de cette effervescence, mais sa seule existence est un fait significatif.

Une grande partie du monde universitaire reste en état de divorce total avec la politique universitaire du gouvernement et à l’affût de tout ce qui pourrait l’entraver. Ces réfractaires se voient comme un pôle de résistance à un processus de "marchandisation" du savoir et de réduction à ses aspects utilitaires. Outre le refus des réformes, ils trouvent leur argumentaire dans l’hostilité au "néolibéralisme" et une défiance absolue envers la parole du "pouvoir".

Toutefois, derrière cette bannière commune, le mouvement reste une mosaïque dont les composantes expriment des motivations parfois éloignées. Ses divisions se sont creusées. Les plus mobilisés des universitaires ont constamment observé une attitude non violente et supportent de moins en moins la frange radicale qui, à nouveau en cette rentrée, tente de multiplier les incidents, comme à Rennes-II où le président a reçu, le 1er septembre, un seau de lisier sur la tête alors qu’il accueillait les nouveaux inscrits.

Le regain de contestation pourrait se cristalliser sur l’élaboration des maquettes des futurs masters d’enseignement. Un des points d’achoppement de la réforme de la formation des enseignants. La coordination appelle à bloquer ces maquettes et à faire voter les conseils universitaires en ce sens. Mais sur ce dossier aussi, l’unanimité cache des analyses et des attentes divergentes.

Fossé

Au sein même du mouvement, dans les universités bloquées avant les vacances, un fossé s’est d’autre part creusé entre les "bloqueurs" et les autres. Parmi les étudiants qui s’étaient mobilisés, certains réalisent aussi qu’une bonne partie de leurs professeurs souhaitent ouvrir le débat sur des mesures qu’ils rejettent, comme une orientation sélective à l’entrée de l’université et une sélection tout court à l’entrée du master. C’est le cas du groupe de professeurs qui ont signé l’appel à "refonder" l’université (Le Monde du 16 mai).

De son côté, le gouvernement ne reste pas inactif. Il vient notamment de favoriser l’examen, par l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi visant à instaurer le vote électronique pour les élections aux différents conseils des universités. Un projet soupçonné de rendre plus difficiles les blocages d’université à l’initiative d’une minorité. Toute la gauche a protesté contre, le gouvernement a persisté.

Luc Cédelle

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