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Grand emprunt : priorité à l’enseignement supérieur et à la recherche - par Claire Guélaud, Le Monde, 19 novembre 2009

jeudi 19 novembre 2009

Sept axes prioritaires, dix-sept actions et 35 milliards d’euros d’investissements de l’Etat pour faire émerger un modèle de développement durable fondé sur la matière grise et sur l’économie "verte" : c’est ce que propose la commision sur l’emprunt national coprésidée par Alain Juppé et Michel Rocard. Les deux anciens premiers ministres, l’un UMP et l’autre socialiste, remettent, jeudi 19 novembre, leur rapport au président de la République.

Nicolas Sarkozy a prévu de rencontrer les partenaires sociaux à partir de la semaine prochaine. Il devrait dire début décembre ce qu’il retient de ce travail.

"L’heure est venue de nous mobiliser. D’autres avancent quand nous en sommes encore à vitupérer l’époque. L’urgence justifie l’action, pour au moins trois raisons : la crise, qui bouleverse les repères et bientôt les hiérarchies ; les atteintes à l’environnement, qui d’ores et déjà menacent les grands équilibres auxquels nous devons la vie ; l’accélération du progrès technique (...)", observent les deux hommes dans la préface de leur rapport de 128 pages intitulé "Investir pour l’avenir".

"Il y a deux façons de mal préparer l’avenir : accumuler les dettes pour financer les dépenses courantes ; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d’investir dans les domaines moteurs. Les investissements que nous proposons (...) n’ont qu’un objectif, constituer un mode d’emploi pour permettre aux jeunes de défendre leurs chances et les chances de la France dans le monde de demain", ajoutent-ils.

La commission propose ainsi de "soutenir l’enseignement supérieur et la recherche" à hauteur de 16 milliards d’euros et de consacrer les 19 autres milliards au développement "des secteurs et technologiques où la France détient des positions fortes et qui vont structurer notre cadre de vie des vingt prochaines années".

ANTIDOTE CONTRE LA CRISE

Les deux coprésidents, qui n’avaient jamais travaillé ensemble, se sont appréciés. Ils partagent une certaine vision de la France et du rôle de l’Etat. Cela a permis aux vingt autres membres de la commission et à ses cinq rapporteurs de travailler en bonne intelligence. En un peu plus de trois mois, plus de 200 personnes (scientifiques, industriels, chefs d’entreprise, etc.) ont été auditionnées et quelques 300 contributions épluchées.

Au terme de ce travail long et parfois fastidieux - les plus grands chercheurs ne sont pas tous de bons pédadogues -, c’est une sorte d’antidote contre la crise que délivre la commission.

La France ? Ce "grand pays d’industrie et de savoir" n’est pas condamné au déclin. Pour peu, qu’il comble son retard en matière d’enseignement supérieur, qu’il apprenne à valoriser les résultats de sa recherche et à en développer les applications industrielles. Pour peu, aussi, qu’il investisse dans les technologies de demain, "sectorielles (sciences du vivant, numérique...) ou transversales (comme les nanotechnologies)", et qu’il relève le défi écologique.

Soucieuse de respecter la feuille de route fixée par le chef de l’Etat, la commision a examiné les projets qui lui ont été soumis à l’aune de plusieurs critères. Représentaient-ils un enjeu stratégique de moyen ou long terme ? Permettaient-ils de se concentrer sur des domaines dans lesquels la France dispose d’avantages comparatifs ? De pallier les défaillances de marché ? D’assurer un retour sur investissement financier (dividende, royalties, intérêts...) ou socio-économique ?

Chemin faisant, elle a ainsi défini de grandes priorités largement inspirées de la stratégie de Lisbonne. Si l’accent mis sur l’enseignement supérieur et la recherche, comme sur l’innovation et l’excellence est net, la commission n’a pas évité le risque du saupoudrage et de l’émiettement. Sur 35 milliards d’investissements, 19 milliards seront en effet consacrés à 13 actions.

Les projets qu’ils financeront, devront être choisis avec soin pour pouvoir réellement tirer la croissance vers le haut. Ce choix incombera aux opérateurs identifiés par la commission, "à charge pour eux d’arbitrer entre les différents projets présentés en constituant si nécessaire des jurys de sélection". Dans ce schéma, où l’appel à candidatures est systématisé, la logique du "bottom up" l’emporte sur celle du "top down". L’Etat devrait ainsi éviter les erreurs du Plan calcul.....

COMITÉ DE SURVEILLANCE

La commission espère aussi aboutir "par effet de levier vis-à-vis de financements privés, locaux et européens" à un investissement total de plus de 60 milliards d’euros. Ce n’est pas le grand emprunt dont rêvait Henri Guaino. Mais c’est loin d’être un montant négligeable.

Pourra-t-il, toutefois, être atteint ? Ce n’est pas sûr : les entreprises, aujourd’hui, se désendettent et l’investissement privé est en chute libre. Afin d’éviter que l’emprunt ne finance les dépenses courantes, la commission recommande que les fonds levés soient gérés "de manière étanche par rapport au reste du budget".

Elle propose de mettre en place un Comité de surveillance de l’emprunt national, composé de parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants des ministères concernés. Il rendrait compte périodiquement devant le Parlement de l’utilisation des fonds.

Acquise à l’idée d’investir pour l’avenir, mais inquiète de la montée de la dette qu’elle juge "porteuse de risques sérieux", la commission souhaite voir s’engager un débat sur l’opportunité de règles contraignantes de réduction des déficits. Et comme le ministre du budget, Eric Woerth, elle recommande de réduire les dépenses courantes à hauteur de la charge d’intérêts supplémentaires générée par l’emprunt.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/economie/arti...