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Enseignants absents : débordé, le recteur de Créteil « fait les fonds de tiroir » - par Louise Fessard, Mediapart, 28 novembre 2009

samedi 28 novembre 2009

En février 2008, le rectorat de l’académie de Créteil avait, faute de remplaçants, battu le rappel des enseignants retraités. Cette fois, dans une circulaire en date du 18 novembre 2009, le recteur de l’académie de Créteil, Jean-Michel Blanquer, demande aux chefs d’établissement de rechercher « dans [leur] entourage personnel ou parmi [leur] population de vie scolaire, des étudiants ou des personnes titulaires au minimum d’une licence ou ayant des compétences avérées qui pourraient venir valablement alimenter le vivier de contractuels ou de vacataires ».

Il précise « qu’en cas d’urgence, vous [pourrez] installer immédiatement la personne que vous aurez choisie, la validation par les inspecteurs venant ultérieurement ». Ultime cri de détresse, les assistants d’éducations, les anciens « surveillants » qui ont une mission de surveillance et d’encadrement, sont même mentionnés pour assurer une éventuelle « prise en charge éducative ».

« Le rectorat fait les fonds de tiroir : les étudiants, les sans diplômes... », résume Dominique Di Ponio, secrétaire départemental du Se-Unsa de Seine-Saint-Denis. Une fois tous leurs enseignants remplaçants placés, les rectorats puisent habituellement dans un vivier de contractuels, appelés ponctuellement en renfort sur des missions de courte durée. Mais ces missions de contractuels, payées au lance-pierre et sans formation, attirent de moins en moins d’étudiants diplômés de licence. D’où l’appel pressant du rectorat de Créteil, dont le vivier se tarit à vue d’œil.

« La réaction de Jean-Michel Blanquer est légitime, dit Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. Il fait ce qu’il peut pour faire tourner la machine éducation nationale, mais ça montre bien la défaillance de l’Etat. » Même discours du côté des chefs d’établissements. « Mieux vaut encore demander aux établissements de regarder autour d’eux plutôt que de recruter au hasard en mettant des annonces à pôle emploi ou dans les journaux, estime Philippe Tournier, secrétaire du principal syndicat des chefs d’établissement, le SNPDEN. On a supprimé 62.000 postes en quatre ans, or il n’y avait pas 62.000 personnes inutiles ! On a donc supprimé tout ce qui ne se voyait pas et en particulier les remplaçants. » D’autant que, promise par l’ancien ministre de l’éducation, Xavier Darcos, l’agence de remplacement qui devait arranger les choses n’a toujours pas vu le jour.

« Une conception rétrograde du métier d’enseignant »

Pour mettre en lumière cette carence de remplaçants, la principale fédération de parents d’élèves, la FCPE, a mis en ligne à la rentrée 2009 un site nommé « Ouyapacours ». Il permet aux parents de signaler les absences non remplacées. « Nous ne pouvons pas accepter qu’en temps normal des remplacements aussi prévisibles que des congés maternités ou des congés de formation, organisés par l’institution scolaire elle-même, ne soient plus assurés », explique Christiane Allain, secrétaire générale de la FCPE. Si, selon elle, « tout le monde s’accorde à dire que les absences non remplacées augmentent », les premiers chiffres du site ne seront connus que fin décembre.

En Seine-Saint-Denis, les difficultés s’expliquent notamment par l’affectation des titulaires remplaçants sur des postes fixes vacants, utilisés en urgence pour ouvrir les classes nécessaires à la scolarisation de tous les enfants. « Les vrais remplaçants sont mis dans des classes, devant les élèves, explique Dominique Di Ponio. Rien que dans le primaire, il manque une centaine de remplaçants sur la Seine-Saint-Denis. Les enseignants se répartissent les élèves du collègue absent : certains se retrouvent ainsi devant quarante voire cinquante gamins ! »

Parents comme syndicats d’enseignants dénoncent la systématisation de ce genre de remplacement à la sauvette. « On ne peut pas mettre n’importe qui devant les élèves », dit Christiane Allain. Les étudiants n’ont aucune compétence en terme de savoirs pédagogiques et de prise en charge des élèves. » Alors que le débat fait également rage sur la réforme de la formation des enseignants, Christian Chevalier y voit une « conception extrêmement rétrograde du métier d’enseignant qui considère qu’il suffit de maîtriser une discipline et que le reste viendra tout seul. » Mais « gérer l’hétérogénéité d’une classe, les questions de violence et d’incivilité qui sont le quotidien de beaucoup d’enseignants, la pédagogie, ça ne s’improvise pas », rappelle-t-il.


Voir en ligne : http://www.mediapart.fr/journal/fra...