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Université vs Grandes écoles : et si l’on parlait projet professionnel, orientation ? par Jean Arrous, Le Monde, 14 janvier 2010

jeudi 14 janvier 2010

La récente controverse sur les quotas de boursiers dans les Grandes écoles n’est pas encore éteinte. Certes, il faut effectivement aider au maximum ceux qui désirent faire des études, mais il nous apparaît que cette controverse doit être insérée dans un problème beaucoup plus large, celui posé par la structure même de notre système d’enseignement supérieur. Ce système est, en effet, dualiste, marqué par la cohabitation de l’Université et des Grandes écoles. Système spécifiquement franco-français, car dans aucun autre pays de notre planète n’existe une telle cohabitation, et nous faisons ainsi figure d’"exception".

Le monde actuel exige à notre avis un système d’enseignement supérieur structuré de façon différente du nôtre. Osons l’affirmer, mais nous ne sommes pas seul à l’écrire : la structure de notre système d’enseignement supérieur est dépassée. Dépassée par l’évolution même du monde dans lequel nous vivons, un monde en perpétuelle évolution, un monde extraordinairement complexe, dont chacun ne découvre pas instantanément la clef. Dans le cas français, s’ajoute à cela que l’obtention du bac focalise l’essentiel de l’attention de la plupart des lycéens : rares sont donc ceux qui, à ce stade de leurs études, disposent véritablement d’un projet professionnel et personnel.

Cette question de l’élaboration de son projet par le jeune nous permet d’affirmer que le clivage français entre Université et Grandes écoles n’a plus de raison d’être. Car les étudiants de l’Université et les élèves des CPGE, les classes préparatoires aux Grandes écoles, se trouvent en fait confrontés à l’énigme de leur vie, à l’élaboration de leur projet professionnel et personnel. L’expérience prouve que cette élaboration n’est pas instantanée. De ce fait, dans notre système d’enseignement supérieur, nombre de jeunes bacheliers font un choix d’études supérieures qui est un choix de filières d’enseignement, plus qu’un choix guidé par un projet professionnel, ensuite traduit en projet de formation.

De ce point de vue, les études de licence à l’Université présentent l’intérêt de ne pas insérer de façon précoce le jeune dans un carcan, alors qu’il ne dispose pas d’un véritable projet pour le guider dans son choix de formation : les études de licence sont, pour le jeune, le lieu de maturation de son projet. Une année qui débouche sur un changement d’orientation n’est pas une année "perdue". En cette matière, l’important est que la réflexion ne soit pas reportée au lendemain de l’obtention d’un diplôme, obtenu sans le projet qui devrait l’accompagner. L’orientation, tout comme la spécialisation, ne peuvent être que progressives. La spécialisation ne peut intervenir qu’au fur et à mesure de l’élaboration du projet professionnel.

De leur côté, les CPGE, dont nous ne nions nullement les vertus formatrices, enferment le jeune dans un carcan doré, aux débouchés assurés et prometteurs, mais un carcan qui fait dépendre son avenir de la réussite à un concours, un tout ou rien qui n’a plus grand sens dans le monde actuel, où tout n’est qu’apprentissage tout au long de la vie. Qui plus est, un carcan qui est un choix de structure de formation, et non pas un choix de formation, lui-même découlant d’un projet professionnel.

Imaginons un moment un système d’enseignement supérieur structuré par la question du projet du jeune et de son orientation. Des études de licence, généralistes à leur début. Une première spécialisation peut intervenir lors de la troisième année de licence, pour ceux qui désirent accéder à la vie active avec ce niveau d’études. Un pays tel que le nôtre a besoin d’un grand nombre de diplômés de niveau intermédiaire, en entendant par là des diplômés de niveau licence des universités. Une première expérience professionnelle conduira, le cas échéant, ces mêmes diplômés à approfondir leur formation et à la spécialiser encore plus, à travers une formation de master ou de Grande école.

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