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Ce qui rassemble les acteurs de la mobilisation - par Laurence Giavarini, MCF à l’université de Bourgogne, "L’Humanité, 10 mars 2009

mardi 10 mars 2009

L’inquiétude la plus constante exprimée sur la liste de la coordination nationale, comme au sein de Sauvons l’université, porte sur la difficulté à faire entendre au ministère l’ensemble des refus des acteurs de la mobilisation universitaire ; aux médias, la cohérence de ces refus. Quoi de commun, pourrait-on dire, en effet, entre le décret statutaire et la question des suppressions de postes ? entre le contrat doctoral et le démantèlement des grands organismes ? Quel lien entre la critique de l’évaluation quantitative et le refus de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants ? Le bloc de ces demandes peut apparaître d’autant plus fragile que chacun ne les porte pas toutes à la même hauteur.

Mais que le ministère ait entrepris de ne répondre qu’à la question du statut est le piège où tous nous sommes pris, celui qui permet de parler de « négociations » quand bien même il n’y a eu que la mise en scène de quelques discussions au ministère. C’est en effet la question la plus facile à saisir et à manipuler, celle qui permet de faire croire qu’une fois rassurés sur leur « statut », précisément, les universitaires vont se calmer, celle qui éclaire, fût-ce sous un angle gauchi, l’articulation fondamentale entre recherche et enseignement dans les carrières. Il faut donc retourner la manipulation. Le statut, c’est ce qui le plus directement traite de la place des universitaires dans la société, et c’est significativement la question qui a le plus intéressé les médias depuis cinq semaines : moins technique que la « mastérisation », plus ample que le contrat doctoral, plus humaine que le démantèlement du CNRS. C’est encore celle qui définit les rapports de forces dans les universités, avec le président, et les rapports d’affrontements dans la mobilisation, avec la conférence des présidents d’université notamment.

Rappeler la cohésion des demandes des acteurs de la mobilisation peut donc passer par la question statutaire : elle porte l’enjeu de la mastérisation, parce que les universitaires sont les formateurs des futurs enseignants du second et maintenant du premier degré ; la question du CNRS, parce qu’elle définit les rapports des universitaires avec la recherche ; celle des postes, parce que la modulation des services est l’outil, voulu par les présidents d’université, de la manipulation des volumes horaires. L’accusation de « corporatisme », qui inquiète tant les universitaires, on ne l’a entendue que dans leur bouche, inquiétude à la mesure du sentiment précaire de leur utilité sociale, sans doute. Le mouvement en cours permet de l’affronter enfin, pleinement.


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