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"L’éducation fait front commun", L’Humanité, 11 mars 2009

mercredi 11 mars 2009

Mobilisation . L’ensemble du monde éducatif est appelé à descendre aujourd’hui dans la rue. Sur fond de refus de plus en plus marqué de la politique éducative du gouvernement.

Rien à faire. Le gouvernement a beau dire, il ne parvient pas à éteindre la contestation dans l’éducation. Démarré à l’automne avec le primaire et les lycées, poursuivi ces dernières semaines dans les universités, le mouvement tente désormais de faire front commun. « De la maternelle à l’université » : le mot d’ordre de la nouvelle journée de mobilisation qui se déroule aujourd’hui partout en France (1) a de quoi inquiéter le pouvoir. Lui, qui tente de persuader l’opinion publique d’une « sortie de crise » dans les facultés et de s’offrir quelque répit, voit se profiler un embrasement généralisé et quasi inédit !

Multiples initiatives

De fait, malgré une relative atonie médiatique, les luttes dans l’éducation continuent d’essaimer sur l’ensemble du territoire. Il y a, bien sûr, l’université dont la puissante mobilisation n’est pas prête de s’éteindre (lire par ailleurs). Mais aussi une multitude d’initiatives, notamment dans le primaire, dont le gouvernement fait mine d’ignorer l’existence. À tort. Occupations d’écoles, pique-niques, rencontre publique… Hier, à Vaulx-en-Velin (Rhône), c’était un « goûter débat pour l’école publique » qu’organisaient les parents et enseignants de l’école Frédéric-Mistral. Samedi, ce sera à Valenton (Val-de-Marne) les premiers « états généraux des villes en lutte pour l’école » organisés par les élus communistes (lire page 4). Le même jour, les habitants de Chelles (Seine-et-Marne) seront, eux, invités à une opération « Attachons-nous à notre école publique »… Et que dire du mouvement de « désobéissance pédagogique », lancé en novembre (lire p. 3) ? Loin de s’essouffler, il continue, au contraire, de faire des adeptes. Malgré les lourdes menaces de sanctions financières, il a été rejoint, début mars, par plus de 2 200 « désobéisseurs » ! Tous signifiant, publiquement, leur refus d’appliquer les réformes Darcos.

La réussite de tous

Anecdotique, la nomination de deux médiateurs sur les dossiers des lycées et de l’université n’aura donc eu aucun effet. De fait, la contestation semble trop profonde. Et pour le gouvernement, la situation très préoccupante. « Beaucoup de personnes refusent clairement sa conception même de la politique éducative, c’est le fil conducteur des luttes dans l’éducation », analyse Gérard Aschieri, le secrétaire national de la FSU. Qui décrit ainsi les visées gouvernementales : « Plutôt que de faire un service public où chacun tire dans le même sens pour la réussite de tous, nos dirigeants ont fait le choix de la mise en concurrence, notamment entre les individus. »

Une politique très marquée idéologiquement où, sur fond de suppressions de postes, on nie les causes sociales de la réussite ou de l’échec scolaire en renvoyant à la seule responsabilité individuelle. Au chacun pour soi. « Cette idéologie s’est traduite différemment selon les secteurs de l’éducation », note encore Gérard Aschieri. En primaire, c’est une externalisation larvée de certaines missions de l’école publique, comme la remise en cause des réseaux d’aides (RASED) et la volonté de remplacer la petite section maternelle par des jardins d’éveil privés. Dans le secondaire, c’est la suppression de la carte scolaire. Dans le supérieur, la loi sur l’autonomie des universités et le décret sur les enseignants-chercheurs.

« Au service de la rentabilité »

Seulement voilà : ce discours, sur fond de crise financière et de capitalisme en déroute, rallie contre lui de plus en plus de monde. « Les gens commencent à se rendre compte de la nocivité de cette politique de droite, estime Stéphane Bonnery, chercheur en sciences de l’éducation et responsable du réseau école du PCF. Le gouvernement essaie de construire une école au service de la rentabilité financière, où l’individu ne doit plus s’émanciper mais être utile aux entreprises… » Et ça, le monde éducatif n’est toujours pas prêt à l’accepter.

(1) À l’appel de la FSU, de l’UNEF, de l’UNL, de la Coordination nationale des universités et d’une intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Laurent Mouloud


Voir en ligne : L’Humanité