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Les universités se branchent sur iTunes - "Le Monde", 13 mars 2009

samedi 14 mars 2009

Quand vous croisez dans le métro parisien ou dans un bus niçois un étudiant branché sur son MP3, le doute est désormais permis : il n’est pas forcément en train d’écouter le dernier ColdPlay ; il est peut-être en train de réviser son cours sur iTunes University.

Depuis mi-janvier, deux universités françaises - Nice Sophia Antipolis et Paris Descartes - ainsi qu’une école d’ingénieurs, Supinfo, ont rejoint les quelque 200 universités du monde entier accessibles via le canal "universitaire" ouvert par Apple, en 2007, aux Etats-Unis et au Canada, puis, un an plus tard, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Avec plus de 100 000 cours disponibles, iTunes U se flatte de rassembler "la plus grande collection de cours" en accès gratuit. Une vitrine internationale de savoirs dans laquelle étudiants, chercheurs, salariés, retraités et tout un chacun peuvent venir piocher en libre-service.

C’est cet accès au plus grand nombre qui intéresse les universités françaises. Nice Sophia Antipolis (28 000 étudiants) comme Paris Descartes (32 000 étudiants dont 8 000 en médecine, la faculté la plus dynamique en termes de nouvelles technologies) espèrent "promouvoir" leur institution et améliorer leur place dans la compétition. "Je suis persuadée que le patrimoine numérique fera partie, à terme, des éléments du classement international des universités. Les étudiants chinois ou russes voudront savoir ce que les universités ont dans le ventre", plaide Sophie Pène, enseignante à l’IUT de Paris Descartes. "Les cours que nous diffusons sur iTunes U sont pour nous comme des produits d’appel, des exemples concrets de ce qui se passe en classe", confirme Christophe Bansart, responsable des technologies à l’université de Nice Sophia Antipolis.

Au passage, la diffusion sur iTunes U donne à lire et à voir la production d’universitaires francophones, plutôt absents de la Toile compte tenu de l’écrasante présence de l’anglais. Choisies par Apple justement parce qu’elles disposent déjà de contenus sur le Web, ces universités parient aussi sur le fait que leurs propres étudiants seront plus enclins à venir sur iTunes U que sur leurs sites dédiés, à la fréquentation souvent confidentielle mais aux accès contrôlés.

Aide au moment des révisions, palliatif en cas d’absence, voire de grève : pour les étudiants, le recours au Web joue tous ces rôles. Mathieu Piccoli, étudiant en médecine à Paris Descartes, fait partie des adeptes de la médiathèque de l’université. En cas d’absence, "le fil n’est pas rompu, on revient plus facilement à l’amphi qu’avec les polycopiés qui arrivent avec deux semaines de retard", explique-t-il. Il poursuit : "Ces cours étant filmés, la qualité est souvent meilleure ; en plus les professeurs n’envoient pas leur chef de clinique !"

Convaincu que la technologie n’est bénéfique que si elle est au service d’une meilleure pédagogie, Martin Briot, professeur de droit à l’IUT de Paris Descartes, s’est vu remercié par ses étudiants pour avoir réalisé "cinq unités audios d’un quart d’heure chacune sur la philosophie du droit" en janvier. "L’enjeu le plus important, c’est la réussite des étudiants. En particulier ceux de première année, dont le niveau est très hétérogène. Le podcast permet à chacun de revoir une définition, un passage, etc.", renchérit Alexandre Bonucci, enseignant-chercheur en linguistique et informatique à Lyon-II. A condition d’adapter les cours et non de les déverser tels quels.

Avec iTunes U, les universités franchissent un pas supplémentaire : leurs contenus deviennent totalement libres d’accès. Or, outre les craintes liées au fait d’être filmés ou même enregistrés, les enseignants-chercheurs sont divisés sur l’opportunité ou pas de diffuser gratuitement leurs savoirs.

Cette réticence semble s’exprimer davantage sur la diffusion de leurs cours que sur celle de leurs travaux de recherche, renforçant l’idée que c’est bien en tant que prof que les universitaires redoutent d’être (mal) jugés. "Lors des assemblées générales de ces derniers jours, j’ai entendu des critiques sur iTunes U dont la stratégie sournoise contribuerait à scier la branche sur laquelle nous, profs, sommes assis", relève Sophie Pène.

Si le mouvement vers une mise en ligne gratuite à grande échelle des contenus universitaires semble irréversible, les universités françaises continuent de marcher sur des oeufs, assurant qu’il n’est pas question de supprimer leurs propres plateformes mais de multiplier les accès. Le tout, bien sûr, sur la base du volontariat.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/technologies/...