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"Université. « Les chaises ferment les facs mais ouvrent des voies »", par Lina Sankari, "L’Humanité", 16 mars 2009

mardi 17 mars 2009

À Grenoble, étudiants et enseignants entrent dans une nouvelle phase de mobilisation contre les réformes contenues dans la loi Pécresse.
Grenoble, envoyé spécial

L’amphi déborde. Près de 900 étudiants et enseignants du campus de Saint-Martin-d’Hères sont massés sur les chaises, dans les allées, dans les escaliers afin de décider du tour que devra prendre leur mouvement démarré en janvier. Depuis quelques jours, les chaises virevoltent sur le campus dans le cadre du « printemps des chaises ». Le but ? Bloquer les cours, sans paralyser l’université, en les utilisant comme autant de barricades. Un étudiant se lève : « Pour l’instant, c’est médiocre, on est loin d’être des révolutionnaires, il faut mettre en lien notre lutte et celles qui ont cours dans le reste de la société. » La réponse jaillit de la salle : « La dernière fois que l’on a entendu quelqu’un parler de médiocrité, c’était Sarkozy avec les chercheurs. » Un autre lui rétorquera : « Si tu es pour la révolution, comment peux-tu cracher à la gueule de toute une AG, souveraine dans ses décisions ? Le printemps des chaises est efficace puisqu’il n’y a plus aucun cours à Stendhal. Il faut désormais généraliser l’action à tout le campus. »

À Grenoble, certains étudiants ont été victimes de pression de la part des enseignants jugeant le mouvement illégitime. Un professeur de l’université Stendhal témoigne : « Des professeurs ont enfermé des étudiants dans les salles pendant qu’ils allaient chercher des documents. Ces enseignants évoquent la démocratie. Mais d’Athènes à 1789, tous ceux qui connaissent l’évolution du dêmos savent que ce n’est pas la majorité silencieuse qui est légitime mais celle qui s’organise et légifère. »

Cette question de la représentativité du mouvement reviendra plus tard, dans l’après-midi, dans un face-à-face musclé entre les étudiants et Alain Spalanzani, le président de l’université Pierre-Mendès-France. Accusé par certains étudiants d’« agir comme un patron et un mafieux », Alain Spalanzani est connu pour avoir appelé les forces de l’ordre à la rescousse lors de blocages, l’an dernier. Et pire, pour avoir noué des alliances objectives avec les jeunesses identitaires, les étudiants d’extrême droite antiblocage. Mardi dernier, dans une insolente réminiscence du 22 mars 1968, les étudiants ont pris possession du bâtiment administratif. D’étage en étage, ils ont fait le tour du propriétaire avec un malin plaisir pour voir le président. Ils ouvrent les placards, découvrent du champagne : « Ah ça ira », chante une étudiante. Sur des affiches, des mots écrits au Stabilo rose fleurissent : « Fac en grève et on attend toujours les abeilles », « Les chaises ferment les facs mais ouvrent des voies », ou encore « garder sa chaise ou se mettre debout ».

Retour à l’AG. De main en main, le micro s’échange. Jean-Pierre, un professeur, tient à rappeler qu’à la Réunion et en Martinique, la question de l’augmentation des bourses étudiantes a été posée. Et d’envisager une action commune avec les salariés de la poste ou des hôpitaux. Un étudiant proposera même d’inviter une délégation de Caterpillar afin de faire la jonction entre les mouvements et de « voir ce qu’ils attendent de nous ». À son tour, Noé interpelle l’assemblée sur les étranges ressemblances entre les politiques européennes de l’éducation dont l’objectif est bien de faire de « l’université un marché de la connaissance. Ce qui appelle à construire des convergences ».

Lina Sankari


Voir en ligne : L’Humanité