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La parole est aux étudiants - La Marseillaise, 18 mars 2009

mercredi 18 mars 2009

Six semaines après le début de leur mobilisation et à la veille du mouvement national de protestation, La Marseillaise ouvre ses colonnes à deux étudiants de St Charles.

2 Six semaines, déjà !
par J.Dubois, étudiant à l’Université de St Charles
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Pour les étudiants de la faculté Saint-Charles, cela fait maintenant 6 semaines que la mobilisation a commencé. C’est au soir du 29 janvier, jour de manifestation nationale, qu’une trentaine d’étudiants s’est regroupée sous l’appellation de Comité de mobilisation.
Depuis, un réel lien s’est créé entre les enseignants-chercheurs, les étudiants, et les Biatoss (personnel technique, administratif…). Vote de la grève, du débrayage permanent (empêcher la tenue des cours), et enfin, l’action la plus controversée, le blocage de l’université. Moyen de toucher les personnes qui ne viennent pas participer aux assemblées générales pour certains, ce système de blocage, accompagné de cours alternatifs, rend ainsi possible la tenue de « tables info », et l’organisation de débats. Pour d’autres, ce blocage est improductif et créateur de division au sein de la communauté étudiante.
La présidence de l’Université de Provence a rétorqué à cette décision prise en assemblée générale interprofessionnelle, par la fermeture administrative du site, dans l’optique d’un « accompagnement du mouvement ». Cette décision a provoqué une vive polémique dans la communauté universitaire. Cette mesure est perçue comme une volonté de « briser le mouvement » : une fermeture administrative les jours de blocage et l’annonce de cette décision sur le site internet de l’université encourage les étudiants à ne pas venir sur le campus, limitant ainsi la portée de l’action, par manque de « participants ».
Les étudiants mobilisés soulèvent également le problème d’une sécurité exagérée sur le site de l’université. La veille du premier blocage, les effectifs de la société privée chargée de la sécurité sont passés de 4 à 16 membres. Comptant des maîtres-chiens dont les animaux, d’après les dires des mobilisés, ne furent pas muselés ce soir-là. Il s’agirait, selon l’administration, d’un « bug » qui ne se reproduira plus.
Les étudiants mobilisés tiennent à rappeler que « l’ennemi » dans cette lutte n’est pas l’administration mais les bureaux de Mme Pécresse et de M. Darcos.
Au bout de 6 semaines de lutte, la mobilisation est toujours importante et l’unité du monde universitaire est plus que jamais nécessaire !

2 Engourdir nos esprits : « Surtout, ne réfléchissez pas ! »
par I.Boggio-Pola, étudiant
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« Si nous avions un vrai système d’éducation, on y donnerait des cours d’autodéfense intellectuelle. » Noam Chomsky. Il est aujourd’hui devenu difficile de réfléchir. Regardons autour de nous un instant : des affiches criardes, hurlant leurs slogans de moins en moins pertinents, de plus en plus idiots et abêtissants et qui travaillent sur le choc émotionnel, loin, très loin de la raison raisonnante et raisonnable. On nous mâche tout le travail. Les mots d’ordre sont simples : je suis compétent(e), je suis investi (e), je suis brillant(e), intelligent(e), charismatique. Je vous plais ? Parfait. Je m’occupe de tout. Je sais, vous ne savez pas, faites confiance en mes aptitudes. Par quel miracle seuls les membres du gouvernement seraient-ils capables de comprendre les replis de la réflexion ? Sommes-nous donc si stupides ?
On nous détourne de la politique en nous donnant l’impression de nous focaliser dessus. Ce n’est plus « politique » qu’on discute, c’est « people ». Les débats sont réduits à des shows télévisés où les idées ne sont plus même confrontées. Chaque texte de loi est rédigé dans une langue indigeste et soigneusement « non traduite ». Chaque discours est partial, tronque, simplifie, triche. Aucune démarche n’a pour but de nous mettre face à toutes les données du problème étudié. Elle vise à persuader plutôt qu’à convaincre. Elle ne cherche jamais à nous laisser le libre-arbitre de choisir, patiemment, après réflexion.
Les réformes que nous impose notre gouvernement visent toutes à approfondir cette tendance : ces lois étendent le champ d’instauration du capitalisme à des secteurs prenant en compte des individus, nécessitant une étude précise de leur environnement, de leur unicité. La logique capitaliste est, elle, de ne considérer que les potentiels de rentabilité de groupes, de catégories. Les individus sont volontairement noyés dans le nombre.
Ce contre quoi luttent les militants, c’est cette vision arrogante, cette façon d’appréhender « la foule ». Ils ne défendent pas uniquement leurs droits très spécifiques, ils défendent également une vision de nos vies qui s’oublie, qui se fait brutalement écraser par une idéologie par essence inégalitaire. L’utopie se teinte de réalisme, et certains espèrent que l’étincelle qui étendrait et généraliserait le mouvement ait lieu lors de la manifestation nationale du jeudi 19 mars.


Voir en ligne : http://journal-lamarseillaise.com/e...