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Réformes : le malaise des futurs enseignants - La Voix du Nord, 18 mars 2009

mercredi 18 mars 2009

Qui apprendra à lire à nos chères têtes blondes et brunes dans quelques années ? Des enseignants, bien sûr, mais plus formés pareil. « Plus formés du tout », craint-on dans les milieux de l’éducation. Les sept centres de formation des maîtres (IUFM) de la région sont en effet menacés de fermeture. Alors que le mouvement des universités se poursuit, cette question est au coeur des revendications.

PAR RAPHAËLLE REMANDE
region@lavoixdunord.fr

C’est un bâtiment moderne sur les hauteurs d’Outreau, collé au flanc d’une petite école. Devant l’accueil, le vent fait tomber des cartons empilés et aux fenêtres de larges panneaux : « Quel avenir pour nos enfants ? ». Dans cet IUFM (institut universitaire de formation des maîtres), qui accueille 350 étudiants, on est en grève tous les lundis. Pour sauver l’établissement, menacé comme les six autres sites de formation de la région. Car dès la rentrée prochaine, on apprendra à apprendre à l’université, dans des masters d’enseignement. Une mesure voulue par le ministre de l’Éducation, qui promet ainsi une revalorisation du métier et des salaires. Jusqu’ici tout va bien... Sauf que dans le même temps, les formations deviendront plus théoriques, supprimant la plus grosse partie des stages sur le terrain.

« Enfants victimes »

Alors, en faisant visiter son établissement, Jean-François Berthon, responsable du site d’Outreau, se désole : « Regardez, nous avons une salle de musique, une salle de physique avec le matériel précis utilisé avec des enfants. À l’IUFM, nous sommes une école d’ingénieurs de l’enseignement ! L’université ne peut pas offrir ça. » Fabien Deman, 27 ans, tempête : « Si la réforme passe, on sera balancé dans une classe après le concours ! » L’année dernière, ce professeur stagiaire a dû remplacer au pied levé un prof, alors qu’il n’avait pas encore eu sa formation : « Bien sûr, j’ai réussi à prendre la classe mais aujourd’hui, je me rends compte que j’ai fait des aberrations. Enseigner ne s’apprend pas directement sur le terrain ! » Autre point d’achoppement : l’IUFM offrait une année d’alternance, rémunérée (1 300 E par mois). À l’université, plus question de salaire.

De plus, un étudiant pourra décrocher son diplôme de master sans avoir le concours. « En 2007, il y a eu seulement 19,7 % de réussite au concours d’instituteur dans l’académie de Lille. Après trois ans, on pouvait se réorienter. Mais que vont devenir ces jeunes qui vont faire cinq ans d’études pour rien ? », s’inquiète Jean-François Berthon. Le ministère prévoit de mettre en place une agence de remplaçants. « On va vers une précarisation des profs », se rebelle-t-on.

Dans tous les sites, on se mobilise. Un collectif a été créé et organise une action aujourd’hui à Lille ainsi qu’un débat ce soir à Villeneuve-d’Ascq. « Ce ne sont pas des réflexes de corporation, martèle Stéphane Mierzejewski, maître de conférence. On veut faire comprendre aux parents que la formation est un maillon essentiel de l’éducation. Et en bout de chaîne, ce sont les enfants qui sont victimes. » L’année prochaine, les IUFM ne devraient plus accueillir que des étudiants de seconde année. Et après ? « Nous mettrons les bâtiments à la disposition des universités, comme notre personnel, répond Dominique-Guy Brassart, président de l’IUFM Nord - Pas-de-Calais. Mais ce sont les universités qui décideront de faire appel à nous ou pas. » Bref, il existe de grands flous autour de la réforme, d’autant que pour l’heure, toutes les universités bloquent les projets de master : « Au-delà du 1er avril, on ne pourra que bricoler des formations. Je prône un report, indique Dominique-Guy Brassart. La masterisation est une bonne idée mais mal agencée. » En écho, la conférence des présidents d’université (CPU) a appelé hier à retarder la réforme et les concours d’un an. • > Action braderie aujourd’hui à 16 h sur la grand-place de Lille. À 20 h, projections et débats à la présidence de l’IUFM de Villeneuve-d’Ascq, 365, rue Jules-Guesde puis occupation du site.

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La position de Jack Lang La position de Jack Lang
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Ministre de l’Éducation à deux reprises, Jack Lang, député du Pas-de-Calais, a livré sa position lors d’un débat organisé vendredi dernier sur le site de l’IUFM d’Outreau.
« Quand les IUFM ont été créés, ils ont été attaqués, on les trouvait trop théoriques. Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui veulent les rattacher aux universités. Il n’y a aucune cohérence, si ce n’est de supprimer l’année de formation rémunérée pour des considérations budgétaires. Or il faut récuser l’argument économique, il faut même le retourner. L’éducation doit être une priorité. En 1983, quand le plan de rigueur a été décidé, en même temps, les ministères de l’Éducation de la Culture ont été exonérés. C’est précisément parce qu’il y a crise qu’il faut investir dans la matière grise. C’est une manière de dire au pays qu’on y croit. Il faut au moins laisser ces lumières-là allumées. »


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