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Coup de tonnerre à Paris 12 (suite)

mercredi 23 décembre 2009, par Mathieu

Le 18 décembre, le conseil d’administration de l’université Paris XII n’a pas voté le budget 2010 de l’université, faute de quorum. Les élus FSU-SLR ont d’abord publié un communiqué ("Coup de tonnerre dans le fleuve tranquille des réformes à Paris XII" - 18 décembre) avant d’envoyer une lettre ouverte (19 décembre) à la présidente Simone Bonnafous. Ces deux textes sont reproduits ici.


COUP DE TONNERRE DANS LE FLEUVE TRANQUILLE DES REFORMES A PARIS 12

La réunion du CA de l’Université Paris 12 n’a pas voté le budget 2010, faute de quorum physique.

Deux points étaient à l’ordre du jour : le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) suivi du vote du budget 2010. L’impossibilité de voter le budget était dû à l’absence de nombreux représentants de la liste pro-présidence, et au refus de siéger d’élus FSU-SLR. Une telle défection de membres de la liste de la présidente ainsi que des membres extérieurs dénote un malaise certain. En revanche, notre refus de siéger s’inscrit dans un souci de défense du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Ce budget, soumis au vote du CA, était le premier à s’inscrire dans le cadre du passage anticipé aux « fameuses » RCE en date du 1er Janvier 2010, voulu par la Présidence. Nous tenons à rappeler que ces RCE auront des conséquences gravissimes pour l’Université, la Recherche et les personnels (précarisation accrue de l’emploi, défonctionarisation, privatisation…). Ce premier point du CA, qui ne nécessitait pas le quorum physique, a été adopté par les présents en une minute et sans discussion.

L’idéologie de la concurrence généralisée, qui sous-tend toutes les réformes gouvernementales en cours, entraîne une casse systématique de tout le service public. Un exemple frappant est celui de la formation des enseignants qui suscite l’opposition de tous les concernés. C’est pourquoi, en conformité avec le mandat confié par nos électeurs - contre les dérives d’autonomie et de mise en concurrence des universités, des équipes de recherche, et des personnels entre eux - nous demeurons résolument opposés au passage aux RCE.
A l’université Paris 12, le passage aux RCE début janvier se fera donc sans budget !!!

Communiqué FSU-SLR de l’université Paris 12, le 18 décembre 2009


Lettre ouverte à Madame Simone Bonnafous, présidente de l’université Paris 12

Madame la Présidente,

Nous vous adressons cette lettre ouverte suite à la réunion du CA de Paris 12 qui s’est tenu hier,
vendredi 18 décembre 2009. Vous n’avez pas été en mesure de faire voter votre budget par
défection d’élus de votre majorité et de personnalités extérieures nommées par vous. C’est donc un
événement majeur auquel nous avons assisté.

Hier matin, étant en grande difficulté, vous avez eu recours à des pressions et à des tentatives de
culpabilisation indignes de votre fonction, pressions très directes à notre encontre et vis-à-vis des
élus de notre liste, et pis encore, sur des personnels administratifs dont l’indépendance est plus
fragile. Nous avons été très choqués d’être interpellés par vous sur le thème de la responsabilité.
Cela nous a offensés et poussés à vous écrire le présent courrier.

Vous connaissez nos analyses. Faut-il vous rappeler que nous pensons, pour bien en avoir mesuré
les conséquences, que la loi LRU, comme le « Pacte pour la Recherche », sont préoccupants pour
l’avenir du service public, contraire à l’intérêt de l’Université et des étudiants ? C’est sur cette base
que nous nous sommes engagés contre ce que nous considérons comme étant une politique
mauvaise, cynique et irresponsable, fondée sur la recherche d’éclat de la communication
gouvernementale et sur une idéologie de la concurrence généralisée qui a démontré depuis
longtemps son caractère destructeur. Cette loi s’inscrit dans une logique gestionnaire de
« rentabilité » et de marchandisation des connaissances. Ainsi, avec le "grand emprunt", il s’agira
désormais de gérer des fonds à faire fructifier et non plus d’étudiants à former le mieux possible.
Cette loi s’inscrit aussi dans la perspective de suppression des divers services publics dont les
mérites sont pourtant éclatants, ainsi que le démontre la résistance de notre pays à la crise. Alors
que nos prédécesseurs ont mis un siècle et plusieurs conflits mondiaux et régionaux à les construire,
il est apparemment facile de les détruire très rapidement.

Votre gestion actuelle vous conduit - en contradiction avec ce qui est connu de vos positions
affichées antérieurement - à être l’un des supporters de Madame Pécresse, de sa politique
destructrice adossée à un discours systématiquement mensonger (sur les moyens financiers, sur les
personnels, sur les conditions de la recherche publique, etc...).

Spécialiste de la communication politique, vous connaissez le poids des mots. Par exemple, qu’y a-
t-il de moins social qu’un « plan social » ? Or, la notion d’autonomie des universités est du même
ordre. Quel enseignant-chercheur peut croire qu’être « autonome » vis-à-vis des pouvoirs publics, et
par conséquent exposé aux groupes de pression (financiers, industriels, politiques), aille dans le sens
d’une autonomie du savoir, de la pensée ou simplement des projets universitaires ? Cette autonomie
de façade relève en réalité de logiques d’asservissement de la pensée à l’utilitarisme de court terme,
entraînant une stérilisation de la connaissance. Toute l’histoire des sciences en atteste et vous ne
pouvez l’ignorer. Cette loi s’inscrit aussi dans la perspectiv

C’est donc sur cette analyse que nous nous sommes engagés et que nous avons été élus au CA de
l’université Paris12. Comment pouvez-vous imaginer que des pressions pourraient nous conduire à
agir dans un sens contraire à nos engagements publics et à notre mandat ? L’incident de ce matin-là
est significatif du renversement du sens et du retournement des valeurs qui conduisent notre société
au chaos : faire porter la responsabilité de ses échecs à ceux qui justement tentent de les faire éviter.
Il nous est impossible de ne pas refuser et dénoncer ce brouillage incessant des positions.

Ensuite, ce qui est stupéfiant, c’est que votre propre majorité vous abandonne, et que vous en
arriviez à tenter d’intimider votre opposition pour la pousser à siéger. D’ailleurs, il aurait été pour le
moins paradoxal que ce soit notre présence qui vous permette de faire passer votre politique ! Mais
c’est aussi l’occasion de rappeler la composition du CA de Paris 12. Le scrutin des personnels de
février 2008 a élu 7 enseignants ou enseignants-chercheurs sur nos listes (FSU-SLR) et 7 sur les
vôtres, 1 représentant BIATOSS sur les nôtres, 1 sur les vôtres, et 1 UNSA. Ce qui, vous en
conviendrez, témoignait d’un réel équilibre entre nos deux courants. Malgré tout, vous avez décidé
de nommer seule les membres extérieurs, et de vous faire élire dans la foulée par ce nouveau CA
dont vous aviez modifié l’équilibre, soutenue en cela par les élus étudiants de toutes tendances.

Si vous ne pouvez compter sur votre majorité, ne nous faites pas l’injure de croire que nous
pourrions trahir nos mandants sous la pression d’un soi disant intérêt général, lequel est bafoué
quotidiennement par la LRU et par ceux qui nous gouvernent. Cela, vous le savez pertinemment
car, contrairement à Madame Pécresse, vous pouvez en mesurer les conséquences quotidiennement.

Par contre et comme vous avez pu le constater, chaque fois qu’il s’est agi de construire, de défendre
l’intérêt de l’université, de la recherche et celui des étudiants, vous nous avez trouvés à vos côtés
tout à fait loyalement. En revanche, dès lors que votre position vous rend complice de l’entreprise
de destruction en cours, vous nous rencontrez en tant qu’opposants déterminés, avec d’autres élus
parfaitement responsables et capables de penser par eux-mêmes. Et cela n’a pas de raison de
changer.

Veuillez croire, madame la présidente à l’expression de nos sentiments respectueux.

Vérène Chevalier, Angélica Keller, Sylvie Pugnaud, Gérard Tollet*
Membres élus du Conseil d’Administration de l’université Paris 12.

* arrivé en retard au CA pour cause de difficultés de transport, mais ayant tout autant refusé de
siéger après avoir pris connaissance de la situation particulière.