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Intervention policière dans l’Université de Bordeaux (ex-Bordeaux 2, campus Victoire) - 8 mars 2018

jeudi 8 mars 2018, par Javert

Y a-t-il eu une intervention policière dans un amphithéâtre de l’Université de Bordeaux ?

Des policiers sont en effet intervenus à l’université de Bordeaux, sur le campus de la place de la Victoire, pour déloger des étudiants d’un amphithéâtre, le mardi 6 mars. Quelques photos et vidéos montrent en effet la présence de policiers, casqués, dans un amphi, et s’approchant des étudiants matraques à la main.

Mobilisés contre la réforme de la sélection à l’université, les étudiants ont bloqué leur campus mardi 6 mars. Ils racontent que les policiers seraient intervenus à la fin de la journée, vers 20 heures, au moment de la fermeture de l’université. A ce moment, une trentaine d’étudiants voulaient continuer d’occuper la salle.

Antonin, qui fréquente la fac en deuxième année de sociologie, précise à CheckNews que les étudiants ont occupé l’amphithéâtre de manière « pacifique ». L’université explique pour sa part que l’occupation des locaux était « illégale » et que le président a demandé à la police d’intervenir, en accord avec le préfet, car des dégradations ont déjà eu lieu lors d’occupations de l’université. Pendant la contestation de la loi El Khomri en 2016, les dégâts s’élevaient à plusieurs dizaines de milliers d’euros sur le campus.

Antonin a ensuite assisté à l’évacuation :

Un ensemble de personnes a décidé de rester pour la nuit. Vers 19h30, l’amphitéâtre était complètement barricadé de l’intérieur. Il y avait une centaine d’étudiants devant la fac. Les forces de l’ordre sont arrivées vers 20H, 20H15, et ont commencé à enlever les barricades et à rentrer. Les étudiants sont d’abord sortis un par un. Les premiers sont sortis assez tranquillement, puis les suivants étaient de plus en plus amochés. Jusqu’aux cinq derniers qui étaient vraiment amochés. (...) Certaines personnes disent que l’intervention des policiers était légitime, mais les insultes homophobes et racistes, les coups de matraques, ne le sont pas.

« Ils ont commencé à nous lancer des insultes racistes et sexistes... "bande de bougnoules, vous êtes que des PD..." On a fait une chaîne pacifique pour pouvoir rester, quand ils ont vu qu’ils n’y arrivaient pas en sortir un du lot ils ont assénés des coups de poings, de matraques », a indiqué un autre étudiant à France 3.

Alors que certains témoignages font état d’un étudiant sorti inconscient ou à demi-inconscient (selon les versions), la préfecture, contactée par CheckNews, affirme qu’il n’y a eu « aucun blessé » lors de cette intervention « un peu musclée ». Un étudiant a été interpellé pour violences à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique. Selon les étudiants, plusieurs des personnes matraquées auraient des interruptions temporaires de travail (ITT) de trois à cinq jours.

« La liberté d’opinion, d’expression et manifestation sont des droits fondamentaux auxquels l’université de Bordeaux est particulièrement attachée. Il est en revanche inenvisageable que quelques dizaines d’étudiants bloquent l’accomplissement de ses missions de service public en empêchant les étudiants et personnels de l’université de travailler, d’étudier et d’accéder librement à l’université », fait savoir l’université dans un communiqué. Au lendemain des événements, le 7 mars, le campus est resté fermé.


Bordeaux : les enseignants de l’université de sociologie condamnent l’intervention policière

Dans un communiqué, une trentaine de personnels de la faculté de sociologie, dont de nombreux enseignants, ont dénoncé la violence de la police pour déloger les étudiants qui occupaient les locaux bordelais

La plupart des personnels de la faculté de sociologie, dont les enseignants, ont signé ce jour un communiqué dans lequel ils condamnent les conditions de l’intervention policière dans les locaux de la Victoire, dans la soirée de mardi.

A la demande de la présidence de l’université, les forces de l’ordre ont évacué hier soir une quarantaine d’étudiants qui refusaient de quitter un amphithéâtre. L’un deux a même été arrêté et placé en garde à vue pour outrage et violences sur dépositaire de l’utilité publique et il sera renvoyé à la rentrée devant le tribunal correctionnel.

Réaction "inappropriée et disproportionnée"

Dans ce texte, les enseignants déplorent avant tout "la violence tant verbale que physique" de ce qu’ils qualifient "d’agression".

Ils ajoutent : "Nous estimons que l’envoi des forces de l’ordre était inapproprié et disproportionné au regard de la nature du mouvement et de la volonté de dialogues des étudiant.e.s. Par ailleurs, nous constatons que les dégradations évoquées pour justifier l’intervention n’ont pas eu lieu".

La présidence de l’université a en effet justifié cette évacuation, ce matin dans un communiqué, comme étant un moyen d’éviter d’éventuelles dégradations nocturnes si les étudiants étaient restés sur place, comme cela s’était produit il y a deux ans.

Injures sexistes, racistes et homophobes

Sur la foi de plusieurs témoignages d’étudiants, ces signataires enfoncent le clou "Il est inacceptable que l’intervention policière ait donné lieu à des blessures physiques et psychologiques, et que la police ait proféré des injures à caractère raciste, sexiste et homophobe à l’encontre des étudiant.e.s".

"Nous demandons que l’Université établisse les conditions du débat critique par et avec les étudiant.e.s", concluent-ils.

Une rencontre entre la direction du collège des sciences de l’homme, qui a également "désapprouvé la violence de l’intervention", est prévue demain pour "rétablir le dialogue"

Les signataires sont :

Joëlle Perroton
Delphine Thivet
Alina Surubaru
Agnès Villechaise
Béatrice Jacques
Kenza Afsahi
Eric Macé
Brigitte Pailley
Jérémy Bernard
Morgan Lans
Marine Delaunay
Amélie Petit
Glenn Mainguy
Adrien Ostolski
Maud Aigle
Claire Schiff
Thierry Oblet
Nicolas Charles
Thibault Bossy
Joël Zaffran
Pascal Ragouet
Jeanne Gautier-Bouillaud
Olivier Cousin
Ronan Hervouet
Emmanuel Langlois
Razmig Keucheyan
François Dubet


Montée de tension après la descente de police à l’université de Bordeaux

L’intervention violente de la police pour évacuer un amphi occupé par des étudiants, suivie de la fermeture du campus de la Victoire ce mercredi, ont suscité l’indignation. Mais alors que la direction du collège Science de l’Homme et les enseignants appellent au dialogue, l’Université de Bordeaux interdit l’accès à ses locaux à plusieurs opposants à la loi Vidal. Une manifestation aura lieu ce jeudi.

« La direction du Collège, les directeurs des facultés désapprouvent les actes de violence qui se sont produits hier soir (mardi, NDLR) envers les étudiants qui occupaient les locaux et souhaitent la reprise du dialogue dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible. Nous avons sollicité la présidence de l’Université en ce sens (…) »,


ont écrit ce mercredi les dirigeants du site Victoire.

Même requête formulée par les personnels de la Faculté de sociologie. Ils critiquent l’intervention de la police pour déloger d’un amphi quelques dizaines d’opposants à la loi Vidal et « condamnent la violence tant verbale que physique de cette agression » :

« Nous estimons que l’envoi des forces de l’ordre était inapproprié et disproportionné au regard de la nature du mouvement et de la volonté de dialogues des étudiant.e.s. Par ailleurs, nous constatons que les dégradations évoquées pour justifier l’intervention n’ont pas eu lieu. Il est inacceptable que l’intervention policière ait donné lieu à des blessures physiques (deux hospitalisations) et psychologiques, et que la police ait proféré des injures à caractère raciste, sexiste et homophobe à l’encontre des étudiant.e.s. »

« L’université a mis les étudiants en danger »

22 doctorants membres du Collectif Marcel Mauss se sont aussi élevés « contre la répression de la mobilisation actuellement en cours au sein de l’université de Bordeaux ». Invoquant « le droit de chacun.e à exprimer ses revendications et à se mobiliser pour défendre ses opinions », ils appellent à un rassemblement ce jeudi à 12h30 sur le parvis du site de la Victoire :

« Nous constatons que l’université a non seulement failli à son devoir d’assurer la sécurité des étudiant.e.s, mais a également participé, en toute connaissance de cause, à leur mise en danger. Nous estimons cette intervention disproportionnée et les justifications données par la présidence infondées. Contrairement à l’argument initial porté par la direction, aucune dégradation des locaux n’a pu être observée. En revanche, les conséquences sur les personnes, elles, sont bien réelles. Suite à son hospitalisation, un étudiant a été mis en garde à vue et devra comparaître au tribunal. (…) Nous réclamons l’abandon immédiat des poursuites judiciaires contre l’étudiant inculpé et des explications sur les responsabilités de l’Université de Bordeaux. »

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