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Réponse à l’analyse de Mathieu Lehot concernant la proposition de loi des députés UMP sur les droits d’inscription à l’université - par Stéphane Gregoir et Pierre Courtioux

jeudi 30 avril 2009

Voici une réponse des deux économistes enseignants à l’EDHEC, mis en cause dans l’article de Mathieu Lehot sur les conséquences du projet de loi déposé par les députés UMP concernant les droits d’inscription à l’université. Pierre Courtioux est membre du pôle de recherche en économie de l’EDHEC et membre associé du CES-MATISSE (UMR 8174 Centre d’Économie de la Sorbonne) ; Stéphane Gregoir est directeur du pôle de recherche en économie de l’EDHEC, enseignant à Polytechnique, administrateur de l’INSEE.

Merci à Mathieu Lehot pour sa lecture attentive de nos travaux. Nous voudrions ici apporter quelques précisions.

Tout d’abord, il semble que nous ayons la même représentation de ce que doit être l’Université : «  un lieu ouvert à tous, un lieu de transmission et de partage de toute forme de savoir, sans distinction [d’âge ou d’origine sociale], un lieu d’épanouissement et de développement de l’intellect[uel], en somme un lieu humain ».

Ce constat sur des objectifs partagés ne règle pas la question de leur mise en pratique et sur la manière de faire vivre un tel lieu de savoir. D’une part, de tels objectifs demandent des moyens qui ne peuvent être que le résultat du produit de notre activité collective économique. D’autre part, il paraît difficile de nier que les bénéficiaires de l’enseignement supérieur en tirent des rémunérations variées selon leur choix de domaine de formation. De notre point de vue, deux aspects sont en jeux : l’exclusion de fait de certaines catégories de ce lieu de savoir et la relative «  misère » de l’Université française.

En effet, un certain nombre de nos concitoyens n’ont « de fait » pas accès à l’éducation du supérieur. Il est commun pour les spécialistes de l’éducation de rappeler la sous-représentation des enfants issus de milieux modestes dans les différents cursus du supérieur et notamment dans les plus prestigieux. Les études en moyenne plus coûteuses des enfants des milieux aisés sont en partie financées par les contributions fiscales des ménages dont les enfants ne font pas d’études supérieures. De même, nos concitoyens les plus âgés qui ont « de fait » contribué par leurs impôts à la massification de l’enseignement supérieur pour les classes d’âge plus jeunes, y ont eu et ont « de fait » moins accès.

De plus, la relative «  misère » de l’Université française se mesure par le retard pris par la France en termes de dépense moyenne par étudiant vis-à-vis des autres pays de l’OCDE. Elle se mesure également par la poursuite d’un mode de fonctionnement historique qui a fait le choix de concentrer les moyens sur certaines filières d’élite en dehors des universités (Classes préparatoires aux grandes écoles, écoles d’ingénieurs, etc.).

Dans ce cadre, les travaux auxquels il est fait référence ne cherchent pas à discuter de l’organisation de l’Université la plus efficace, mais à réfléchir sur l’équité du financement d’un tel lieu. Notre regard d’économiste nous conduit à déplacer le débat traditionnel sur la « gratuité de l’Université ». Il nous semble que quel que soit l’arrangement financier finalement retenu, l’Université a un coût et est donc d’une façon ou d’une autre payante, que ce soit pour le citoyen via les prélèvements obligatoires ou pour l’étudiant s’acquittant de droits d’inscription et/ou d’une contribution au coût de sa formation après son entrée sur le marché du travail selon sa capacité contributive.

Dans ce cadre il nous semble souhaitable de mieux définir les termes d’un financement équitable. Notre proposition de mise en place de PARC (prêt à remboursement conditionnel) ne consiste pas à « rendre l’Université payante » pour les étudiants, mais à faire contribuer les anciens étudiants devenus des citoyens bien intégrés sur le marché du travail. Les questions importantes sur lesquelles nous prétendons apporter un éclairage sont celles des masses financières collectées par la collectivité qui pourront permettre de dégager des ressources pour accompagner les étudiants issus de milieux modestes et l’équité fiscale de cette nouvelle contribution.

Ces remarques ne conduisent pas à donner un chèque en blanc à la proposition de loi déposée par quatre-vingt douze députés UMP : le diable est dans les détails. Or, en l’état, le projet reste flou. Il nous semble que la réalisation concrète de cette proposition peut conduire à des résultats très différents en termes d’équité et de masse financière dégagée. Nous souhaitons que les éléments permettant la mise en œuvre de PARC fassent l’objet d’un véritable débat public mettant clairement en lumière les choix politiques qui seront retenus.

Pierre Courtioux et Stéphane Gregoir