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La contestation des évaluations de CM2 prend de l’ampleur et s’organise - Le Monde, 17 janvier 2011

lundi 17 janvier 2011

Pour lire l’article de Maryline Baumard sur le site du Monde.

Comme chaque samedi, les parents d’élève de l’école publique de Montérolier, à 25 kilomètres de Rouen, ont reçu la newsletter du maître. En deux clics, ils ont appris que leurs enfants, élèves du double niveau de la classe de Sylvain Grandserre (CM1-CM2) se pencheraient cette semaine sur l’étude du présent des verbes du deuxième groupe, finiraient d’écrire leurs vœux , travailleraient la proportionnalité et amélioreraient les sketches d’anglais qu’ils ont déjà présentés à la classe. D’évaluation, il n’est pas question.

Sylvain Grandserre estime n’en avoir pas besoin à cette époque. "On nous demande de mettre en place de l’aide individualisée dès la rentrée, alors on se bricole des évaluations personnelles pour savoir où en sont nos élèves et qui a besoin d’aide. Et là, en janvier, il faudrait tout recommencer ? Cela ne me servirait à rien." Ses élèves ne plancheront pas comme les 800 000 autres enfants de CM2 sur les 25 pages de tests nationaux en mathématiques et en français. Cet enseignant d’école rurale est en accord avec l’appel intitulé "Les évaluations ne passeront pas par nous". Un texte qui prône le boycott, et qui circule sur la Toile.

APPEL À LA DÉSOBÉISSANCE

Majoritairement signé par des enseignants du mouvement pédagogique Freinet, il s’est aussi enrichi du soutien de quelques personnalités. Les parents d’élèves de la principale fédération de gauche, la FCPE, appellent, eux aussi, à la désobéissance et demande aux enseignants de ne pas rendre les livrets aux inspecteurs. Les syndicats d’enseignant, eux, ont choisi une autre approche parce que, comme le dit l’un d’entre eux : "On ne peut faire prendre le risque de sanction à nos adhérents."

A part la très minoritaire CGT, les syndicats n’appellent donc pas au boycott. En revanche, les trois organisations qui représentent 77% des maîtres ne se privent pas pour dénoncer le peu d’intérêt de pratiquer des évaluations en janvier. "Les évaluations doivent se dérouler en septembre pour que le maître dispose d’une feuille de route pour son année", estime le SNU-ipp. Il demande aux enseignant de signifier cette position aux parents lors du rendu des résultats de leurs enfants.

"DU GASPILLAGE"

Le SGEN-CFDT n’en pense pas moins. Quant au SE-UNSA, il juge que "ces évaluations sont assez mal conçues. L’an dernier, elles étaient très difficiles, le ministère s’en est aperçu tardivement. Il a appliqué des correctifs". Comment faire l’état des lieux du niveau des élèves avec un outil aussi peu fiable ? La question revient dans la bouche des contestataires. "Si c’est pour les statistiques, on pourrait obtenir des résultats tout à fait fiables à partir d’un échantillon, les faire passer à 800 000, c’est du gaspillage", insiste-t-on au SGEN.

En fait, tous avaient espéré que le contenu des évaluations serait revu et corrigé pour cette session et qu’elles seraient déplacées à la rentrée de septembre. Seules des évolutions à la marge ont été apportées. "Il faut prendre son temps pour trouver les bonnes modifications à apporter à cet outil indispensable du point de vue du suivi des élèves comme du pilotage du système. Nous avons besoin de résultats fins dans le cadre du dialogue avec les académies et il nous semble important que tous les maîtres soient associés à cette évaluations", note-t-on à la direction de l’enseignement scolaire.

PROFONDE MÉFIANCE

"Vous savez pourquoi le ministère refuse de les bouger ? Pourquoi nous paie-t-il 400 euros pour les faire passer ?", s’interroge à haute voix Sylvain Grandserre. "Parce que c’est un outil politique. Placées en janvier, elles permettent de remplir les stages de remises à niveau qu’a inventé le ministère durant les vacances de février et de Pâques", insiste l’enseignant normand.

Aujourd’hui, toute décision qui vient du ministère est sujette à caution. Une profonde méfiance s’est installée. Et l’idée que la Rue de Grenelle ou l’Elysée aimerait assez mettre les écoles en concurrence revient souvent pour justifier l’opposition. Une évaluation de tous les élèves fournit une base de données qui pourrait nourrir un classement des écoles… Les maîtres craignent le spectre de la compétition et n’oublient pas que Xavier Darcos, lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale, en mettant en place cette évaluation de mi-CM2 et celle de fin de CE1, avait initialement annoncé une publication des résultats école par école. Le retour sur cette décision n’a pas effacé les craintes.