Accueil > Revue de presse > Etudiants chinois à Toulon : l’inspection met en cause la présidence de (...)

Etudiants chinois à Toulon : l’inspection met en cause la présidence de l’université - Philippe Jacqué, Le Monde, 29 juillet 2009

jeudi 30 juillet 2009, par M. Homais

L’université de Toulon "entretient un rapport ambigu à la loi". Et sa présidence est fortement soupçonnée d’avoir mis en place les conditions favorisant des recrutements douteux d’étudiants étrangers. Telles sont les conclusions de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), dépêchée en avril par le ministère de l’enseignement supérieur, après la révélation d’un trafic de diplômes auprès d’étudiants chinois (Le Monde du 16 avril). Une instruction judiciaire pour corruption a été ouverte par le parquet de Marseille, le 26 mars.

Ce rapport, que Le Monde a pu consulter, écarte la responsabilité de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) qui avait été d’abord mis en cause. Les inspecteurs généraux Béatrice Gille, Jacques Haudebourg et Monique Ronzeau constatent de graves "dysfonctionnements" au sommet de l’université varoise, notamment dans les procédures d’admission des étudiants étrangers. Le ministère dit "attendre le retour du rapport après la phase contradictoire pour s’exprimer" et promet "toutes les mesures nécessaires".

En 2007, quand il est élu à la présidence de l’université, Laroussi Oueslati, conseiller régional (Parti radical de gauche), veut augmenter le nombre d’étudiants étrangers pour compenser la baisse des effectifs nationaux. Dans ce but, il installe une commission centralisée de sélection des étrangers.

Problème : elle double les commissions pédagogiques de chaque faculté de l’université, habituellement compétentes. De plus, le nouveau président n’a pas défini les critères selon lesquels les dossiers relèvent des commissions des facultés ou de la procédure centralisée. Selon les inspecteurs généraux, les candidats ne bénéficient plus de l’égalité de traitement de leur dossier.

DOSSIERS LACUNAIRES

A cette irrégularité s’en ajoutent d’autres. Au mépris des règles établies, M. Oueslati a pris la tête de la commission centralisée, alors qu’il ne dispose pas du statut de professeur des universités. Il n’a pas non plus soumis, comme la loi l’y oblige, la composition de la commission aux conseils d’administration (CA) et des études et de la vie universitaire (CEVU) de l’université. Enfin, même si cette nouvelle structure "n’a jamais été réunie", 395 étudiants (sur 438 candidats) sont admis pour 2008-2009.

Pis, souligne le rapport, le président a contourné sa propre commission pour transférer les dossiers d’environ 140 étudiants chinois directement à l’agent chargé des inscriptions administratives. Leurs dossiers d’inscription étaient non seulement lacunaires, mais beaucoup de ces étudiants avaient déjà étudié en France, sans grand succès. Le rapport cite le cas d’une douzaine d’étudiants au parcours difficile : l’un a été admis en master 2 (M2), après avoir échoué en première année de licence à l’université de Perpignan. Un autre a été admis en M2 après un double échec en licence 1 à Metz... Arrivés plus tardivement en cours et ne parlant pas ou peu le français, ces étudiants ont d’ailleurs vite été appelés "les étudiants-président", selon une enseignante citée par le rapport.

"Ces irrégularités, au moment où elles se produisaient, ont été signalées au président et à son équipe par l’administration de l’université. Le président et son équipe n’ont pas souhaité en tenir compte", constate l’inspection.

A Toulon, continue le rapport, "l’absence de rigueur dans l’application des lois et règlements prend un relief particulier car elle s’inscrit dans un contexte de très grande personnalisation du pouvoir". Le document dépeint un climat de travail très lourd. Le comportement de M. Oueslati est critiqué : "Le président adopte des attitudes de proximité ou de connivence (...) et passe aisément des promesses aux menaces."

Cependant, les inspecteurs généraux ne vont pas jusqu’à évoquer l’existence d’un trafic institutionnalisé à but lucratif de places ou de diplômes. A l’IAE, "la mission n’a pas établi de façon formelle l’existence d’irrégularités notoires des conditions de délivrance des diplômes (...), même si le fonctionnement de l’IAE dénote de grandes carences, notamment managériales". "En tout état de cause, concluent les inspecteurs, ils sont surtout sans rapport avec l’affirmation selon laquelle des centaines de diplômes, voire plus, auraient été achetés." En trois ans, l’IAE n’a délivré que 138 diplômes à des étudiants chinois.

Philippe Jacqué