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Ça sent la rentrée : les ministres communiquent (dans des journaux payants) - 25 août 2021
mercredi 25 août 2021, par
Une vague ? quelle vague ?
Blanquer dans le JDD, Vidal dans Le Parisien…
Heureusement, Affordance veille au grain.
Quelle rentrée à l’université ? Saison 3. Vague 4.
4ème vague chez nous et troisième année universitaire en temps de pandémie. Dire que les collègues (enseignants, administratifs, agents techniques) sont épuisés est plus qu’un euphémisme. Dire qu’ils sont bien plus qu’inquiets pour cette rentrée l’est également. En France comme à l’étranger, les jeunes comme les vieux. Leurs témoignages sont courageux. Leurs témoignages sont essentiels.
Qu’allons-nous dire à nos étudiants et nos étudiantes ? Comment allons-nous les accompagner vers ce nouvel inéluctable ? Comment traiter autrement qu’à grands coups de pelle dans la tronche les erreurs du gouvernement et l’impéritie totale du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche dans l’accompagnement de la communauté dont il a pourtant la charge ?
Car voilà où nous en sommes aujourd’hui, jour de rentrée à l’université.
Vaccination. La ministre Vidal a annoncé qu’il y aurait des centres de vaccination à proximité des universités à la rentrée. Ok. Nous verrons. Combien ? Quelles universités ? Personne n’en sait rien. La rentrée des étudiants c’est dans une semaine. Beaucoup reviennent dès aujourd’hui sur les campus pour leurs soutenances. Pour l’instant il n’y a pas plus de centres de vaccination à l’abord des campus que d’intelligence dans le regard de Frédérique Vidal.
Du côté des chiffres, début Juillet et selon Santé Publique France, c’était 71% des étudiants (entre 18 et 25 ans) qui avaient entamé leur "parcours vaccinal" c’est à dire qui avaient eu une première injection. C’est super. Et avec un délai maximal de 6 semaines entre deux doses, on devrait donc avoir au moins 71% des étudiants vaccinés à la rentrée. Et je le redis, oui, la vaccination est - hélas - aussi devenue un acte politique alors étudiantes et étudiants vaccinez-vous. Mais 71% de vaccinés avec le variant Delta, cela pourrait encore être insuffisant. On n’y changera rien. Il aurait fallu prioriser bien avant ces publics là. Mais ce choix n’a pas été fait. Il faudra faire le comptes, et voir précisément quelle est la couverture vaccinale complète de la population étudiante dans une semaine. Si elle est entre 70 et 80% il faudra alors regarder les décisions du ministère au regard de ce qu’il en est en population générale où 60% des français - tous âges confondus - ont un schéma vaccinal complet (données Covid Tracker du 23 août où 40 millions de personnes étaient totalement vaccinées). Il serait ahurissant qu’on leur impose une nouvelle fois des processus d’éloignement, de distanciation ou de confinement qui ne seraient pas imposées à d’autres catégories de populations (ou de secteurs économiques ...) à la couverture vaccinale pourtant bien moindre.
Pass sanitaire. Il n’y en aura pas dit la ministre Vidal. Ou plus exactement, "il n’est pas à l’ordre du jour". Nous sommes alors le 22 Juillet. Blanquer confirme pour l’école, les collèges et les lycées, quelques jours plus tard, que "le pass sanitaire n’a pas vocation à exister dans le cadre scolaire". Nous sommes cette fois le 28 Juillet. Et le 4 Août c’est finalement Macron sur Instagram, qui dit que "pour les cours, pas de pass sanitaire, de la maternelle à la fac." Et vaccination pour toutes celles et ceux qui le souhaitent. C’est heureux. "Encore heureux" pourrait-on dire aussi. Mais là encore, au regard de l’immensité des revirements, certains légitimes au regard d’une situation imprévisible, d’autres en revanche bien plus politiques et contestables, quel poids et quelle pérennité accorder à cette parole ? Et que ferons-nous, nous enseignants, si l’épidémie s’envole de nouveau et que l’on propose aux seuls étudiants totalement vaccinés ou disposant d’un pass sanitaire de rester en présentiel alors que les autres basculeraient en distanciel ? Quelle nouvelle rupture fondamentale d’égalité sommes-nous capables d’accepter à la fois au regard de nos propres postures et convictions, mais aussi pour éviter à tant de jeunes de sombrer de nouveau ? Qui parle de ces questions ? Où sont-elles évoquées ? Quels sont les "scénarios" et les "protocoles" puisqu’aujourd’hui tout est scénario ou protocole ?
Gestes barrières. Bien sûr ils seront toujours là. Et pour longtemps. Comme les masques. Masques qui ne sont toujours pas distribués gratuitement et massivement aux étudiant.e.s, ce qui fait que beaucoup d’entre elles et d’entre eux réutilisent souvent le même masque pendant plusieurs jours. Là aussi on alerte depuis la vague 1 de la saison 1. Et là aussi on continue de proposer des masques gratuits dans les distributions alimentaires que nous organisons.
Aération. Le consensus scientifique sur l’intérêt de l’aération et de la ventilation des espaces contre un virus aéroporté est depuis longtemps établi. Relisez mon article d’août ... 2020 sur la précédente rentrée universitaire irrespirable et sans filtre. Mais pour la troisième rentrée à l’université en pleine 4ème vague de la pandémie, la plupart des amphis sont toujours sans aucune fenêtre et lorsqu’on pose la question de l’équipement en filtration HEPA, et ce depuis maintenant déjà deux années universitaires, soit on nous rie au nez, soit on nous explique (ce qui fut mon cas) qu’une commission adhoc était saisie (depuis 1 an ...) et qu’elle "travaillait sur le sujet" (depuis 1 an ...) mais que pour l’instant "tout était conforme aux normes" (re-sic). Bien sûr équiper les amphis en filtration HEPA ne suffit pas. Il faut aussi tout le reste (gestes barrières, vaccination et masques). Et puis ça coûte de l’argent. Et puis il doit rester suffisamment de débiles dans les conseils d’administration des universités et dans les cabinets ministériels pour imaginer que ce ne serait pas un équipement pérenne (bah oui mon con, c’est juste la deuxième année d’une pandémie mondiale et il est probable que ce soit tout sauf la dernière en termes de virus aéroportés). Mais si les questions d’aération sont toujours niées ou moquées à l’université alors même qu’elles finissent par devenir désormais centrales - au moins médiatiquement - dans les écoles, lycées et collèges (qui n’ont pas le problème des salles sans fenêtres ...) cela finit par devenir désolant et criminel. On peut l’expliquer de manière assez simple et cynique (en plus du refus d’engager des budgets sur ces questions) : pour les enfants des collèges et des écoles, la question vaccinale est encore loin de faire consensus, donc la seule "variable" sanitaire en responsabilité des décisionnaires (régions et collectivités locales) devient celle de l’aération et de l’obligation (ou non) du port du masque. Par contre pour les universités et leurs étudiant.e.s, qui sont donc majeurs, bah ils et elles n’ont qu’à aller se faire vacciner, à porter un masque, et à accepter de rester chez eux pour tout cours de plus de 60 personnes (le fameux distanciel, on en reparle tout de suite).
Cours à distance. C’est la grande inquiétude de la plupart des étudiants comme de la plupart des enseignants. Depuis deux ans chacun a pu mesurer le désastre absolu de ce mode d’enseignement. Oui je sais, il y a bien sûr toujours des exceptions. Certains collègues (c’est leur droit), pour plein de raisons, la plupart de temps d’ailleurs des raisons "de confort" (mais aussi d’argent, la paupérisation des jeunes enseignants-chercheurs est une réalité factuelle), pour éviter les déplacements, certains collègues préfèrent donc le distanciel pour certains de leurs cours. Certains étudiants aussi, la ministre ne manque jamais une occasion de le rappeler, et nous de nous marrer en connaissant le ratio. Mais il s’agit d’exceptions. D’exceptions. Et le problème c’est que l’on voit mal aujourd’hui comment échapper à un retour massif du distanciel. Car beaucoup d’universités et de formations ont déjà annoncé avant les vacances d’été qu’il serait de toute façon reconduit et obligatoire quelles que soient les conditions sanitaires. Y compris dans mon université, à Nantes, beaucoup de formation, même dans les premiers cycles universitaires, ont "acté" la bascule de beaucoup des cours magistraux en "distanciel asynchrone". Annonce qui furent d’autant plus discrètes que cela se fait au mépris possiblement du droit et dans tous les cas au mépris des publics que l’on est supposé accueillir et former. J’ai vraiment honte de ce que nombre d’universités et donc de collègues, ont accepté de mettre en place. De ce que nous sommes en train d’accepter collectivement de mettre en place. Même si beaucoup n’ont pas eu le choix (et n’ont pas été consultés), inscrire ainsi le distanciel en modalité obligatoire pour une partie des cours après les 2 années que nous venons de vivre me semble un renoncement absolument indigne et dégueulasse. Et puis bien sûr le distanciel permet de faire des économies massives. Bah oui. Mais je le redis, c’est très sincèrement une pure honte et la source d’une colère et d’une rage encore très vivace chez beaucoup de collègues, notamment en premier cycle universitaire. S’il était encore besoin de le démontrer par un argument a contrario, alors citez-moi un seul témoignage de prof ou d’étudiant en classé prépa (ou de ministre à propos des classes prépa) qui vous explique les bénéfices de l’enseignement en distanciel ou qui, simplement, propose des cours en distanciel (y compris pour des groupes équivalents à la fac, c’est à dire d’une petite soixantaine d’étudiants en prépas). Bah oui. Il n’y en a pas. Parce que dès qu’il s’agit de former ce que l’on perçoit encore (à tort mais c’est un autre sujet) comme autant "d’élites", chacun se rend à la raison du présentiel.