Accueil > Revue de presse > Louis Vogel (président d’Assas) : « Le plus grand des maux de l’université (...)

Louis Vogel (président d’Assas) : « Le plus grand des maux de l’université disparaîtra quand chaque établissement affichera sa spécificité » - Educpros, 9 septembre 2010

vendredi 10 septembre 2010, par Chabadabada

Educpros vous livre en exclusivité les bonnes feuilles du livre de Louis Vogel « L’Université : une chance pour la France ». Différencier les universités entre elles, adapter leurs parcours de formations aux différents publics étudiants plutôt que de sélectionner à l’entrée : le président de l’université Panthéon-Assas et du PRES Sorbonne Universités donne sa vision de l’avenir des universités françaises, seules à même selon lui de relever le défi de l’économie de la connaissance.

Si, à long terme, Louis Vogel rêve d’intégrer en leur sein le potentiel des grandes écoles et des grands organismes de recherche, il donne des propositions de réforme de l’université, en s’inspirant de son établissement. Comme une réponse à son concurrent de la rue Saint-Guillaume... L’ouvrage, publié aux PUF, sort le 15 septembre 2010.

« Différencier les établissements »

« Le plus grand des maux de l’université, la sélection par l’échec au cours des premières années, disparaîtra quand chaque établissement affichera sa spécificité par rapport aux autres.

[...] L’autonomie, qui libère de l’université générique en individualisant les établissements, est le seul moyen de réaliser cette différenciation. C’est le bon sens : il est absurde d’imposer à tous les étudiants de suivre le même parcours. [...] Aujourd’hui, les étudiants sont affectés dans les universités, quel que soit leur niveau et indépendamment du programme offert, un peu comme si, dans une classe de sport, forts et faibles s’entraînaient ensemble de la même manière, sans tenir aucun compte des talents de chacun. Cette indifférenciation nivelle l’enseignement par le bas, sans pour autant éviter un fort taux d’échec. Il faut cesser d’agir comme si tous les établissements étaient semblables (c’est faux et ceux qui sont informés le savent bien) et donner au contraire à chacun la possibilité de développer ses qualités particulières. L’égalitarisme produit souvent l’inégalité.

Une université de faible notoriété acquerra un avantage comparatif en se spécialisant dans un domaine précis. En région parisienne, une faculté de droit qui se concentre sur l’arbitrage international tient la dragée haute, dans ce domaine, à ses homologues les plus cotées. C’est l’équivalent de New York en droit fiscal ou de Miami en droit environnemental qui, dans ces spécialités, battent la très renommée Harvard. [...] Ce n’est pas non plus un nouveau modèle de sélection. Les ponts d’une université à l’autre resteraient ouverts, car on peut se "réveiller" à des moments différents de sa vie d’étudiant. Aux États-Unis, des étudiants qui ont commencé leur spécialisation dans une faculté régionale terminent fréquemment leurs études dans les universités les plus prestigieuses, comme Yale ou Harvard. [...] »

« Diversifier les parcours »

« Aujourd’hui, les étudiants ne se voient proposer dans chaque domaine qu’un seul horizon. Le droit offre un exemple presque caricatural de cette situation. Comme dans les autres domaines, le parcours d’enseignement dans le domaine juridique a d’abord été conçu pour conduire les étudiants jusqu’à la voie royale du doctorat et de l’agrégation. [...] Pour répondre aux besoins, les formations ne doivent plus se couler dans un moule unique, mais se différencier le plus possible. Toutes sortes de débouchés cohabitent en droit : le notaire, l’avocat, le magistrat, le juriste d’entreprise n’exercent pas le même métier. [...] Les entreprises, les administrations, les cabinets d’avocats, les études de notaire ou d’huissier, les associations recherchent différents types de formation en droit, dont certaines courtes. [...] À l’étranger, c’est parce qu’elles sont différentes que les universités accueillent un plus grand nombre d’étudiants et les font réussir.

[...] Assas a déjà commencé ce travail, par exemple en proposant un "parcours réussite" aux étudiants les moins bien armés au sortir du baccalauréat. [...] Parallèlement, le collège de droit d’Assas reçoit des étudiants sélectionnés et leur délivre un diplôme de haut niveau dit "d’université", en plus du diplôme "national". [...] Généralisées, ces mesures simples nous permettraient de rattraper rapidement les universités britanniques ou américaines, dont le succès s’explique d’abord par la différenciation.

Pour lire la suite

Les dix propositions de Louis Vogel

Dans sa conclusion, Louis Vogel énonce dix propositions « pour revenir parmi les meilleurs ». Des recommandations qu’il veut concrètes sans remettre en cause la loi LRU.

1. Revoir la pédagogie : un enseignement en petits groupes.
2. Ne pas spécialiser dès la première année.
3. Différencier les universités.
4. Diversifier les parcours au sein de chaque université.
5. Admettre de véritables dérogations au système d’admission postbac pour les universités qui ont développé des parcours spécialisés.
6. Abandonner l’idée d’une sélection en première année à l’université.
7. Rééquilibrer les pouvoirs internes au profit des universitaires : un « président-chef », chargé de gérer la « fac », ne correspond pas à la nature de l’université.
8. Favoriser les regroupements sans nuire aux disciplines minoritaires : le PRES ne devrait s’occuper que de gestion et de coordination.
9. Introduire des droits d’inscription progressifs.
10. Favoriser l’investissement des entreprises dans l’université.