Accueil > Revue de presse > "Le CNRS adopte une réforme qui évite son démembrement"

"Le CNRS adopte une réforme qui évite son démembrement"

par Pierre Le Hir, "Le Monde" du 2 juillet 2008

mercredi 2 juillet 2008, par Laurence

"La mobilisation a payé. Le démantèlement du CNRS a été stoppé." Les syndicats de chercheurs et l’association Sauvons la recherche (SLR) ne crient pas encore victoire mais ils saluent un premier succès. Mardi 1er juillet, le conseil d’administration du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a adopté, par 14 voix contre 6 (celles des élus et des représentants syndicaux), un "plan stratégique" en retrait par rapport à la réforme que la ministre de la recherche souhaitait initialement imposer.

Valérie Pécresse avait décidé de découper le principal organisme scientifique français (26 000 agents et 3,3 milliards d’euros de budget) en instituts thématiques nationaux. Cela afin de favoriser "une meilleure coopération" entre les différents organismes publics et les universités. Mais la biologie – qui représente le quart des activités de l’établissement – et l’informatique en étaient exclues. D’où la crainte des chercheurs d’un "éclatement" du CNRS, au détriment de la multidisciplinarité qui fait sa force. En outre, la nomination des directeurs des instituts par le ministère leur apparaissait comme une volonté de "pilotage politique".

Mme Pécresse ne s’attendait sans doute pas à rencontrer une opposition aussi massive. Le 19 juin, des milliers de chercheurs ont manifesté dans toute la France, empêchant, à Paris, la tenue d’un conseil d’administration et brandissant la menace d’une grève administrative. La ministre a donc revu sa copie.

Le texte finalement adopté stipule que "toutes les disciplines actuellement représentées au CNRS ont vocation à y rester et à se structurer en instituts". Un traitement "homogène" dont se félicite Gilles Boëtsch, président du conseil scientifique. De plus, les dirigeants de ces instituts seront choisis par la présidence du CNRS et assistés de conseils composés de membres nommés mais aussi élus. Le périmètre des nouvelles entités sera discuté à l’automne, avant la signature du prochain contrat quadriennal entre l’Etat et le CNRS.

LES CHERCHEURS CRAIGNENT UNE INGÉRENCE DU POUVOIR

"Ce plan est une première étape. C’est le socle pour que le CNRS puisse engager sa modernisation", estime Mme Pécresse. Cette réforme allégée, même si elle se résume, en apparence, à remplacer les actuels départements thématiques de l’organisme par des instituts, n’est toutefois pas anodine.

Les futurs instituts n’auront pas pour seul rôle de gérer des laboratoires, comme le font aujourd’hui les départements scientifiques. Ils seront aussi dotés d’une fonction d’"agences de moyens", c’est-à-dire de programmation pour des laboratoires de différents organismes ou universités. Ils auront également "vocation à assurer des missions nationales confiées par l’Etat".

Qui décidera des domaines dans lesquels le CNRS se verra attribuer ou non une mission nationale ? Qui fixera son contenu ? Pour les chercheurs, le risque d’une ingérence du pouvoir, ainsi que d’un CNRS à plusieurs vitesses, avec des responsabilités nationales à géométrie variable, n’est pas écarté.

Les syndicats s’inquiètent en outre, à l’approche des arbitrages budgétaires, du refus du ministère de s’engager sur le maintien de l’emploi scientifique. Le vote de la réforme du CNRS ne signe pour eux qu’une trêve estivale.

Pierre Le Hir